Pain et tempête

alt

 

‘ Il avait lu un récit dans lequel un homme refusait la lumière électrique car il ne voulait pas voir la misère de la maison où il habitait’.

 

Voilà une immense allégorie de la lutte que se livre l’ancien et le nouveau. L’action se déroule dans un petit village imaginaire pas trop loin d’une cité. À la fois traditionnel et contemporain les habitants sont soudainement aux prises avec le développement. Les affres du capitalisme sauvage vont momentanément les engloutir mais ne réussiront pas à les faire périr. Les racines de la vie sont trop profondes et l’instinct de survie est trop  fort. Le souvenir est enseignement.

 

Tous les personnages semblent sortir d’une fable. L’humour fin est omniprésent. Et cette traduction de l’italien est menée de main de maître. Pain et tempête de Stefano Benni frôle le chef d’oeuvre. Un ouvrage littéraire qui atteint des sommets vertigineux tant dans le fond que dans la forme. Des récits dans le conte, de l’imagerie à profusion et le sourire en coin du lecteur devant la finesse de la pensée de l’auteur. Magnifique ! Un récit complètement déjanté à mi chemin entre le fantastique et la fable

 

Sous l’impulsion d’un maire réformateur qui veut “changer le changement”, le village de Montelfo est promis aux pelleteuses pour un “désenclavage” pour le moins agressif.
Les habitués du Bar Sport tiennent conseil pour résister au mieux à cet opportunisme capitaliste. Dans la lignée de Bar 2000 et du Bar sous la mer, Benni nous fait entrer dans une joyeuse sarabande où l’humour et l’imagination narguent un pouvoir cynique et médiocre. L’aube se lève sur Montelfo, le Village du Bon Vent, qui ne ressemble plus à son nom depuis que le climat est empoisonné. Grand-père Sorcier se rend au Bar Sport, tenu par Trincon le Noir, afin d’y retrouver sa joyeuse bande d’amis qui forme le microcosme très farfelu de ce village.
Ordre du jour : un débat animé sur la meilleure manière de résister à l’invasion annoncée des pelleteuses chargées de détruire le bois tout proche, en vue d’un projet immobilier. Car Velluti, le maire réformateur qui veut “changer le changement” s’est juré de faire de Montelfo une excroissance de la ville, en jouant la carte de la spéculation immobilière. Le Bar Sport lui même sera englobé dans un “complexe polyfonctionnel polyvalent avec hypermarché à usage d’habitation, de commerce et de recyclage monétaire” Une voie rapide complètera cette

opération destinée à ‘désenclaver’ MOntelfo.

Guidés par Grand-père Sorcier et son vieux complice Archives, nos antihéros parviendront-ils à sauver leur village de l’opportunisme capitaliste ? Pour lutter contre l’uniformisation, le mieux est de se livrer à un concours d’imagination. Dans la lignée du Bar sous la mer et de Bar 2000, Benni nous entraîne dans une sarabande qui signe le triomphe de l’humour. Nous apprenons ainsi comment Sophronie, avec sa cuisine végétarienne, a défié l’inquiétant carnassier Raspoutine, comment le Bienheureux Incliné, héros de la Résistance, est devenu un saint après un match de ping-pong mémorable avec le Diable ; nous découvrons l’histoire d’amour du garde forestier Grandocca pour un transistor, les prouesses de Fen le Phénomène, “le chien le plus intelligent du monde” Nous assistons même à une incroyable partie de cartes sans cartes, uniquement jouée à coups de mimiques…Après un détour par la mélancolie avec La Grammaire de Dieu, Stefano Benni revient donc à son registre de prédilection : la satire et surtout l’humour.
Allié à la fantaisie et au pouvoir de l’imagination, c’est le cocktail qui donne leur force à ses personnages habitués à combattre : car depuis toujours, ils se sont nourris “de pain et de tempête”

 

À lire avec ouverture d’esprit, comme un enfant.

 

alt

Écrivain, poète, journaliste, Stefano Benni collabore à divers quotidiens et journaux. Engagé auprès de la gauche italienne, il a d’abord collaboré activement à la revue    Il Manifesto   , et publie encore régulièrement des éditoriaux dans le quotidien La Repubblica.Son premier livre, Bar sport sort en 1976 aux éditions Mondadori. Dès lors, il se partage entre l’écriture de romans, de nouvelles, de recueils de poésies, de théâtre, et touche même au cinéma en réalisant Musica per vecchi animali en 1989 avec le grand comédien et dramaturge italien Dario Fo. Son style d’écriture le rend unique par l’usage original et innovant de son langage, son acuité à saisir, à travers le genre satirique, les aspects les plus aberrants de la société moderne. Son infatigable fantaisie, son goût pour la satire sociale et politique font de Stefano Benni l’un des écrivains contemporains italiens les plus en vue. Ses romans font la satire de la société italienne de ces dix dernières années, qu’il transmet grâce à la construction de mondes et de situations imaginaires. Il a un style d’écriture assez particulier qui contient beaucoup de jeux de mots, de néologismes et de parodies d’autres styles littéraires. Ses œuvres ont donné lieu à quelques adaptations cinématographiques, notamment en France avec le dessin animé « Foot 2 rue. »

 

Nombre de pages : 288

Prix suggéré : 22 €

 

 

www.actes-sud.fr