Lecture de Tout ce qui tombe

Dans le cadre de ce 12e carrefour international de théâtre, et pour la 4e année consécutive, les chantiers – constructions artistiques présentent 10 projets, sous forme de lectures, laboratoires ou spectacles, où le public est convié à donner ses impressions, à participer à une discussion qui permettra ensuite à l’équipe de création de faire évoluer et finaliser leur œuvre.

Présentés à Premier Acte, ces chantiers sont une initiative de tectoniK – compagnie de création. Une contribution volontaire est grandement appréciée (montant suggéré de 10 $, à déposer dans le petit camion à l’entrée de la salle).

C’est un moment privilégié, autant pour le public que pour les créateurs, que de pouvoir, pour l’un, de voir une pièce en pleine évolution et possiblement aider à sa progression, pour l’autre d’avoir le pouls de gens et discuter avec eux de ce qu’ils ont accompli et ce qui leur reste à travailler. En trois ans, il y a eu 31 chantiers de présentés et de ceux-là, 16 d’entre eux ont été joués dans des saisons officielles par la suite.

Les lectures, il y en a 3, (les 4, 5 et 11 juin) sont fait le matin, sous forme de brunch-lecture, où sont servis, café, jus, croissant, fruits, beignes et le public discute après la lecture, avec l’équipe de création.

C’est ainsi que le 5 juin à 11 h, le public a assisté à la lecture de Tout ce qui tombe, dans un texte de Véronique Côté.

Résumé de l’histoire : Trois époques, trois histoires d’amour. Berlin en plein milieu. Ce qui nous lie et ce qui nous sépare. Ce que ça veut raconter, en fait, c’est que tout n’est pas perdu.

Berlin, 1989, à un mois de la tombée du mur, un couple d’allemand (qui parle en allemand dans la pièce) rêve et tente de traverser à l’Ouest. 1999, une Allemande mariée à un québécois, remet en question son couple, alors qu’elle ne peut lui faire un enfant, malgré leurs multiples tentatives. 2009, lors d’un stage à Berlin, une Québécoise et son chum vivent des moments difficiles. Pendant qu’il perd progressivement le sens de l’ouïe, elle découvre qu’elle est enceinte.

Bien que ces histoires se passent à des décennies différentes et qu’au premier abord ces couples ne semblent pas avoir de liens entre eux, le public verra progressivement des rapprochements entre ces personnages à divers moments et ils en viendront, pour certains à se rencontrer à des époques différentes.

C’est un texte qui est poétique, drôle parfois, émouvant souvent et dont les sujets abordés sont d’actualité et très représentatifs de ce qui s’est passé à l’époque de la chute du mur de Berlin. Les personnages sont bien étoffés. Ils ont chacun une particularité qui les rend attachants et le public est rapidement entrainé dans le tourbillon de ce qui leur arrive, tout en tentant de voir quels liens ils peuvent justement avoir entre eux.

Le personnage joué par Steve Gagnon est touchant. Bien qu’il perd l’ouïe, il se soucie surtout du fait qu’il deviendra encombrant pour sa conjointe. Puis, il doit faire le deuil de ce qu’il entend et c’est avec beaucoup d’empathie que le public fait le constat avec lui de ce que sera sa vie dans le silence. Les scènes qui me plaisent le plus, surviennent alors que le personnage de sa conjointe, joué par Édith Patenaude tente d’entrer en contact avec son compagnon, par téléphone et qu’elle doit passer par l’intermédiaire qui retranscrit ses commentaires et lui fait  part des propos de son ami. Ce sont des moments magiques d’une sensibilité et d’une vulnérabilité, mélangée de moments plutôt comiques.

En contrepartie, les scènes du couple d’allemand, joué avec brio par Marie-Josée Bastien et Jean-Michel Dery sont empreints de mélancolie, de fantaisie et d’amour passionné, qui les amènent à rêver à un monde meilleur, jusqu’à sacrifier leur amour pour vivre la liberté.

Finalement, le couple dont la procréation semble impossible, m’a peu allumé. Je ne me souciais guère de ce qui leur arrivait. À mon avis, ils sont plutôt accessoires dans la vie des autres.

Ce fut une lecture où l’émotion et les rires étaient au rendez-vous. Mon seul bémol tient du fait que la plupart des dialogues entre le couple Allemand est dit en Allemand (mais récité en français pour les besoins de la lecture.) Je me suis posé la question à savoir si le fait d’avoir des surtitres pour toute cette portion de la pièce ne viendrait pas enlever du mordant et du comique aux diverses scènes qu’ils ont entre eux.

Par la suite, une discussion a eu lieu avec le public, l’auteure Véroniques Côté et les divers acteurs, pour en savoir plus sur la genèse de cette pièce et connaître la réaction et les impressions du public.

D’emblée, Véronique tient à mentionner que ce texte a été rendu possible grâce à une bourse du conseil des arts du Canada. Ce texte au départ a été créé à partir d’une rencontre en Allemagne entre Véronique Côté, Frédéric Dubois et Julianna Herzberg, une comédienne allemande. Ainsi, ce texte est basé au départ sur l’histoire de Julianna, alors qu’elle et sa famille ont fui Berlin un mois avant la chute du mur, et ils ont réussi à passer à l’Ouest. Par la suite, pendant presque 3 ans, Véronique a tenté de se monter un plan de son histoire sans succès et ce n’est que lorsqu’elle a décidé d’écrire une scène à la fois, un bout d’histoire, puis un autre morceau, qu’elle a réussi à pondre ce merveilleux texte, où s’entremêle la vie de ces trois couples. Véronique qui est actrice et metteure en scène, se lance pour la première fois dans l’écriture d’un texte et elle a trouvé cela très difficile, mais gratifiant.

De la part du public, la pièce a été très bien reçue. Ils ont été émus et ont trouvé que le texte coulait bien et avait vraiment quelque chose à dire. Le texte contient beaucoup de références à des faits actuels et des questionnements réels qu’ont eus ces personnes à Berlin à l’époque du mur de Berlin, et les gens ont su bien apprécier.

Maintenant, reste à savoir quand les gens de Québec pourront voir cette production une fois qu’elle sera retravaillée et mise en scène.

 

Texte Véronique Côté
Mise en lecture Frédéric Dubois, assisté d’Adèle St-Amand
Avec Marie-Josée Bastien, Jean-Michel Déry, Olivier Normand-Laplante, Steve Gagnon, Édith Patenaude, Maryse Lapièrre, Marie-Hélène Gendreau.
Environnement sonore Pascal Robitaille
Production Théâtre des Fonds de Tiroirs

Durée: 1 h30 + 30 minutes de discussion.

Voici les prochains chantiers disponibles :

Labo M
Nous sommes ici et DuBunker
Laboratoire / lundi 6 juin

Que l’inoubliable se pende
Laboratoire / mardi 7 juin

La Maladie de la mort
La Tarte aux plumes
Laboratoire / jeudi 9 et vendredi 10 juin

Batailles sans guerre
Théâtre de l’Urd
Performance in situ (à l’extérieur) / vendredi 10 juin

Déluge
Le Théâtre du Trillium
Lecture / samedi 11 juin

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Crédit photo :  Gracieuseté du Carrefour International de théâtre