D’une plume délicate, fluide et limpide, Camille Deslauriers aborde l’adolescence en évitant les écueils qui attendent souvent l’adulte lorsqu’il tente de dépeindre cette période tumultueuse. Si les protagonistes d’Eaux troubles vivent des situations particulières, l’auteure parvient sans peine à montrer qu’au-delà des chagrins, des conflits ou des réussites se love une humanité dont l’universalité se manifeste au quotidien. Ancrées dans un théâtre familier, une école secondaire privée de la banlieue montréalaise, les nouvelles qui forment ce magnifique recueil se posent en microcosme d’une société trop souvent empêtrée dans ses codes et ses exigences.
Sans complaisance, mais avec un doigté remarquable, Camille Deslauriers s’approche délicatement d’Émilie (« Ou presque »), la jeune violoniste anorexique qui souhaite « devenir aussi légère qu’un pizzicato, aussi évanescente qu’un soupir, aussi parfaite qu’une cadence finale ». Elle sait également décrire la détresse d’Amélia, adoptée douze ans plus tôt (« À plusieurs mers d’elle »), ou encore la peine de Pierre-Luc, en deuil de son chien Cognac (« De l’eau sur les poumons »). Loin de tomber dans un discours fataliste ou indulgent, Eaux troubles met aussi en scène des adultes intelligents, inquiets, aimants, parfois débordés et souvent bien intentionnés. Entre Audrey, la psychologue de l’école, monsieur Gauthier, le prof de français enrichi, ou Amélie, la jeune remplaçante qui a « si souvent l’impression d’être encore une ado », les personnages évoluent dans un environnement a priori ordinaire, mais qui révèle au fil des pages des drames insoupçonnés. Le talent de Camille Deslauriers est sans doute de rendre de façon aussi vibrante cet univers dont la banalité n’est que façade.
Née en 1970, Camille Deslauriers enseigne la littérature à l’Université du Québec à Rimouski, après avoir été chargée de cours à l’Université de Sherbrooke. Elle a fait paraître un premier recueil de nouvelles, Femme-Boa, qualifié d’ouvrage « nuancé, teinté de sensibilité et de sensualité où l’auteure manie la plume comme le peintre son pinceau » (Joanne Lauzon, Entre les lignes, automne 2005).
En librairie à compter du 23 août 2011
Nouvelles, 106 pages, 16,95 $, ISBN 978-2-89502-311-1
Version PDF disponible dès maintenant (13 $, ISBN 978-2-89502-657-0)
