Le temps figé

Le temps figé
Le temps figé

Le magnifique roman que nous proposent Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin (qui nous avaient donné La bonbonnière en 2007) s’ouvre sur le projet d’un homme à l’aube de la soixantaine, Denis Giroux. Relieur d’art originaire de Québec, Denis entreprend d’écrire la vie de sa mère, Pauline Métivier. Celle qui, de l’aveu de son fils, est une « femme ordinaire », permettra d’entrer dans la vie et dans l’histoire d’une panoplie de personnages plus vrais que nature, aussi attachants et exaspérants que peuvent l’être les membres d’une famille. À travers le récit de Denis, qui retrace les grandes étapes de sa relation avec sa mère, c’est toute l’histoire du Québec qui est explorée et revue, un Québec en profonde mutation qui entre dans la modernité, qui hésite entre la tradition et le futur, qui en oublie parfois ses valeurs fondamentales.

Constamment sollicité par le passé dans le cadre de son travail, Denis Giroux navigue avec aisance dans le temps, se positionnant en quelque sorte en marge de l’Histoire. Fils attentionné, ami dévoué, amoureux timide et bouleversé par la mort fulgurante de son amante Lydia, il incarne à merveille la figure de l’homme bon, celui qui sacrifie trop volontiers son confort pour assurer à sa mère un cadre de vie agréable. Impuissant face à l’égocentrisme de sa famille, il accompagne sa mère dans ses repas au CHSLD, s’insurge devant le menu (appétissant sur papier mais pas dans l’assiette!), vante les trésors de gentillesse des employé(e)s, découvre les jeux de pouvoir qui y ont cours ; la vieillesse, ainsi dépeinte, n’est pas une « fin » de vie. Elle en est le prolongement, le microcosme.

Loin de s’apitoyer sur le sort de leurs personnages principaux, Denis et Pauline, Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin ont réussi, encore une fois, à donner vie à un monde complexe, dans lequel la familiarité des lieux et des situations contribue à alimenter l’adhésion du lecteur au texte. Avec une délicatesse et une pudeur non dénuées de franchise, ils parviennent à traiter de sujets extrêmement difficiles sans tomber dans le piège du sensationnalisme. Ainsi, les soins accordés aux personnes âgées, le désengagement familial, l’individualisme social, la libération des femmes, le fardeau judéo-chrétien de la honte et du devoir, l’amitié, l’amour et le Temps traversent le récit, le soutiennent, le déterminent sans l’alourdir, et laissent au lecteur le soin de choisir jusqu’où ira sa réflexion.

Le précédent roman de Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin, La bonbonnière (2007), a été finaliste au Prix des abonnés du réseau des bibliothèques de la Ville de Québec. Hans-Jürgen Greif a pour sa part fait paraître huit autres ouvrages de fiction, notamment Job & compagnie, M. et Le chat proverbial.

278 pages, 26,95 $, ISBN 978-2-89502-322-7

Version numérique : 19,99 $

Pour feuilleter ce livre :h

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En librairie le 11 avril 2012