Jusqu’à la lie

Sophie Thibeault et Denis Marchand

Du 25 septembre au 13 octobre 2012, le théâtre Premier Acte présente la première production de Les Brutes de décoffrage Jusqu’à la lie, la première pièce d’Amélie Bergeron, finissante au programme Mise en scène et création du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2012. En plus d’avoir écrit et mis en scène sa propre pièce, elle est aussi la directrice artistique des productions Les Brutes de décoffrage  

C’est soir de tempête et Gérard n’est pas là par hasard. Il vient voir Marie, mais Marie ne le sait pas. L’air de rien, il se laisse servir un café. Sympathique, il l’amène à parler d’elle, puis elle de lui, mais rapidement, la conversation dérape et les entraîne tous les deux à la croisée de leurs chemins, à ce point de non-retour où il faut tout jouer pour ne pas tout perdre.
Ce ne sont pas deux étrangers.
Sans le connaître, Marie le reconnaît, mais ne lui en dit rien. Pas tout de suite. Elle lui en veut. Elle ne veut pas de lui. S’il pouvait n’être jamais venu. S’il pouvait partir pour ne plus revenir.
Gérard a espéré ce moment toute sa vie. Celle de Marie. Il est en quête et elle est son Eldorado. Il n’a plus rien à perdre qu’elle.

Sophie Thibeault dans la pièce Jusqu’à la lie

Ce huis clos qui se passe dans un petit bar désert, en ce soir tranquille d’orage imminent, explore les liens qui peuvent unir deux personnes, ou bien encore les diviser.  À partir d’une situation très banale, d’un inconnu qui vient prendre un café dans un bar, le public assiste graduellement à une confrontation entre deux êtres blessés, tous deux à la recherche de leur petit bonheur. Mais ce faisant, ces deux êtres pourraient littéralement brimer le bonheur de l’autre.

À travers des silences révélateurs, des regards remplis de secrets refoulés, des mots échappés sans le vouloir, laissant découvrir des indices sur les liens qui les unissent, ces deux êtres se rencontrent, s’apprivoisent, se découvrent, se déchirent, se livrent, se confrontent, se donnent des ultimatums, franchissant l’espace qui les sépare, pas seulement physiquement, pour en venir à franchir la limite de leur territoire pour empiéter sur celui de l’autre, pour en arriver à leurs fins… Aller jusqu’au bout de leur douleur, de leur souffrance jusqu’au point de non-retour, pour en arriver à leur propre paix intérieure, même si c’est au détriment de l’autre et de ses propres aspirations.

Sophie Thibeault et Denis Marchand, dès les premiers instants, offrent une magnifique performance d’acteurs. Ils vivent littéralement leur personnage. La souffrance se lit dans leurs yeux, leurs gestes, les paroles, leurs silences.

Sophie Thibeault et Denis Marchand

Denis Marchand s’impose dès le départ comme le bon gars, timide, gentil, auquel on s’attache rapidement. Sophie Thibeault, pour sa part, on la sent sur la défensive, tantôt agressive, tantôt plus gentille regrettant ses sautes d’humeur. Le public cherche les repères, les liens entre ces deux personnages, le pourquoi de cette défensive de la jeune femme. Puis, à mesure que les secrets se dévoilent, les aveux surgissent, les gens dans la salle sont témoins-voyeurs de ces déchirements entre les deux, et on alterne entre les partis pris. Graduellement, le personnage de Denis se révèle moins candide et moins timide et celui de Sophie s’adoucit pour laisser découvrir son cœur meurtri. Sans vouloir donner les punchs de cette pièce, disons que cette petite heure passée avec ces deux personnages est remplie d’émotions, de déroutes, de revirements de situations et de sentiments profonds, où personne n’est totalement le méchant ni le bon.

Amélie Bergeron a fait un excellent travail avec cette pièce, traité comme une nouvelle, qui s’amorce doucement pour progresser et se terminer sur un point culminant qui ne laisse aucune place aux retours arrière. Bouleversant !

Au niveau du décor et de la mise en scène, il est intéressant de voir que le public se retrouve des deux côtés de la scène. On a le bar dans le milieu et les gens du public assistent à la pièce en étant assis en face l’un de l’autre. Personnellement, je me suis surprise à l’occasion à regarder le public devant moi, pour voir leurs réactions. De plus, souvent, je devais faire des choix à savoir lequel des deux personnages je regardais la réaction. Car physiquement, je ne pouvais pas regarder les deux en même temps. Et ce dilemme m’amenait à vouloir tout voir et ne rien manquer ! C’est vraiment une belle idée de placer la scène ainsi.

Au niveau de l’éclairage, on a joué sur les petites lumières et les chandelles dans le bar, pour créer une atmosphère d’intimité, mais aussi, lors de la tempête, et les éclairs à l’occasion, créer une ambiance plus morose et froide, pour aller avec l’univers ambiant. Le tonnerre, le son de la pluie, tout cela a aidé aussi à donner l’impression d’être à l’intérieur d’un bar un soir de tempête. Encore une fois, cela ajoutait à l’atmosphère qui régnait entre les deux personnages.

Une pièce à voir définitivement !

Production : Les Brutes de décoffrage

Texte et mise en scène : Amélie Bergeron

Environnement sonore : Michel G. Côté

Conception (éclairages) : Mathieu C.Bernard

Conception (décors et costumes) : Amélie Bergeron

Distribution : Sophie Thibeault et Denis Marchand  

Par Les Brutes de décoffrage

Du 25 septembre au 12 octobre 2012 à 20 h,

et le dernier samedi, 13 octobre à 15h

www.premieracte.ca

Crédit photos : François Angers