Viande

Pierre-Olivier Grondin et Noémie O’Farrell

Du 23 octobre au 10 novembre, le théâtre Premier Acte est l’hôte de la pièce Viande, de Maxime Robin des Productions La Vierge folle. Après avoir vu les ébauches de cette pièce lors d’un laboratoire présenté le 1er juin dernier dans le cadre des Chantiers du Carrefour international de théâtre de Québec, j’avais beaucoup d’attente et d’anticipation face à cette pièce. Et je peux dire que je n’ai pas été déçue. Les propositions qui avaient été avancées par le laboratoire ont été peaufinées, et les commentaires émis après la présentation du laboratoire par les gens présents dans la salle ont été tenus en compte, si bien que je peux dire que le produit final que Maxime nous amène à Premier Acte aujourd’hui est surprenant, déstabilisant et indéniablement innovateur!

D’entrée de jeu, je savais que Maxime Robin et Noémie O’Farrell avec leur compagnie La vierge folle se donnaient comme mandat d’expérimenter, de se poser des questions et y répondre, tout en transformant des textes anciens dans un contexte contemporain. L’an passé, L’Orestie d’Eschyle est devenu Iphigénie en auto qui a été présentée à Premier Acte aussi. Cette fois, c’est le conte Le petit chaperon rouge qui est exploré dans un contexte plus adulte, plus sexy et plus terrifiant, où l’on retrouve le trio victime, bourreau et sauveur, sans jamais vraiment savoir qui incarne qui.

Dans cette pièce, le mot viande est la base même de cette recette… La chair humaine et animale, la nourriture du corps… mais aussi les désirs charnels sont explorés et la chair de poule, qui risque d’être ressenti par le public en regardant cette pièce.

C’est une véritable mise à nu au sens propre et figuré d’une femme et son rapport à son corps. Un corps qui séduit, qu’il faut nourrir, et qui nourrit. Un corps qu’il faut aimer pour s’aimer. 

Jean-Michel Dery

Ainsi, cette histoire débute alors qu’un homme (Pierre-Olivier Grondin) et une femme (Noémie O’Farrell) se rencontrent dans un bar, se plaisent, puis décident de passer la nuit ensemble. Le public voyeur assiste à leurs ébats très explicites, qui laissent leur instinct animal prendre le dessus. Pendant trente minutes, le jeu du chat et de la souris s’amorce, alors que Noémie tente de séduire Pierre-Olivier tandis que ce dernier espère en connaitre un peu plus sur cette étrangère qu’il s’apprête à baiser.

Puis, tout bascule, alors qu’un troisième personnage se pointe, un médecin (Jean-Michel Déry) et cette histoire que l’on croyait connaitre l’issue, prend une tout autre allure. Le suspense s’installe et les 40 minutes qui suivent vont déstabiliser le public, qui de surprise en surprise, va vivre des moments d’angoisse, de malaise, d’étonnement et peut-être même de dégoût. Je ne peux en dire plus, pour ne pas vendre la mèche. Mais, chose certaine, la tournure que prend cette pièce ne laisse personne indifférent.

Je dois dire que cette pièce n’aurait pas tout cet impact, sans la grande qualité de jeu des trois comédiens. Noémie n’a pas peur de se donner, de tout donner dans sa performance physique ainsi que dans ses émotions. Pierre-Olivier est très crédible également dans le rôle de l’amoureux. Et Jean-Michel Déry réussit à me donner des sueurs froides, par son contrôle, son ton, sa froideur. Ouf! Quel personnage !

Mais surtout, le génie derrière tout cela, Maxime Robin, qui a écrit un texte cru, dur, mais aussi avec beaucoup de profondeur. On y découvre un cri du cœur d’une jeune fille aux prises avec une maladie qui pourrait la faire disparaitre, si elle ne se soigne pas. Mais aussi, Maxime réussit un tour de force, car en 1 h 10, il nous fait passer par une gamme d’émotions variées. L’excitation, l’exaltation, le sourire, l’inquiétude, l’angoisse, le dégoût, le malaise, l’étonnement, l’attendrissement, la compassion, l’empathie. Bravo!

Pierre-Olivier Grondin et Noémie O’Farrell

Au niveau de la mise en scène, j’ai trouvé très ingénieuse l’idée d’avoir une caméra au plafond, qui retransmet sur le frigo, ce qui se passe sur la table de la cuisine, telle une émission des chefs, où l’on voit la recette se faire confectionner. Également, afin de respecter le thème du conte, le décor est ainsi fait qu’on à l’impression de voir les personnages se promener dans le bois avant d’arriver dans la maison. C’est génial!

De plus, je trouve qu’il a eu une très bonne utilisation de la musique, des odeurs également ainsi que des effets spéciaux, qui malgré le peu de budgets, permettent de rendre la pièce très crédible.

La pièce est présentée du 23 octobre au 10 novembre, le théâtre Premier Acte

Production : La Vierge folle 

Direction de production : Noémie O’Farrell 

Texte et Mise en scène : Maxime Robin 

Collaboration à la Mise en scène : Jean-Michel Girouard 

Conception vidéo et projection : Marilyn Laflamme 

Décors et effets spéciaux : David Pleau 

Lumières : Keven Dubois 

Distribution : Jean-Michel Déry, Pierre-Olivier Grondin et Noémie O’Farrell

http://www.premieracte.ca 

Crédit photos : Gabriel Talbot-Lachance