Frankenstein, Théâtre du Trident

Victor Frankenstein et sa création

On a beau ruminer le questionnement dans notre tête ; la décision prise par le Théâtre du Trident  de nous présenter la pièce « Frankenstein » ne peut être comprise que par l’indispensable nécessité de voir la production au Grand Théâtre de Québec. Il existe plusieurs raisons pour vous inciter à vous déplacer par cette froide température qui nous gèle les joues et embue nos lunettes.  Trois éléments caractérisent plus particulièrement la beauté artistique de la pièce soit : la performance des acteurs, la mise en scène et l’actualité de l’adaptation théâtrale. Peut-être avez-vous eu comme moi une déformation plus ou moins grande du mythe de la créature de Frankenstein modifié dans l’inconscient populaire au cours des nombreuses récupérations dans le cinéma et de la bande dessinée au cours de l’histoire? Par contre, l’intérêt que l’on porte à l’égard du symbole de la créature et du créateur scientifique un peu fou a su perdurer par delà les générations et c’est justement ce rapport humain qui est mis de l’avant dans la pièce.

Après en avoir parlé avec quelques personnes dans le public après la pièce, la chorégraphie du réveil de la créature à Ingolstadt, lorsqu’elle naît des mains de son créateur, ressort incontestablement dans les points forts de la pièce de théâtre. Vous devriez voir la difficulté à laquelle est confronté l’acteur qui doit à la fois accomplir des prouesses de souplesses et la représentation de la rigidité du corps mortifié de la créature, sans se blesser par la suite. L’image est frappante et la performance très bien reproduite, chapeau à Christian Michaud. Le jeu des acteurs est tout aussi impressionnant. Victor Frankenstein, incarné par l’acteur Étienne Pilon (ou par Christian Michaud qui intervertit son rôle d’une pièce à l’autre ), appartient à la catégorie de personnages froids et magnanimes qui n’est pas toujours aisée de s’approprier entièrement. L’orgueil et la passion de Victor pour le domaine scientifique, deux sentiments qui pousseront le personnage à prendre plaisir d’exécuter autant de cruauté envers et pour sa créature, ont pour beaucoup contribués à l’ovation des spectateurs de la première représentation de « Frankenstein ». On pourrait encore ici noter le jeu de Meggie Proulx Lapierre qui interprète d’une petite voix criarde et innocente William, le frère de Victor.

Le pacte scellé

En collaboration avec le théâtre Denise-Pelletier, compagnie de théâtre basée à Montréal, Jean Leclerc s’est échiné dans un travail tout en contraste. Les formes géométriques  constituent l’essentiel de la charpente scénique de « Frankenstein » qui reproduit à la fois la cuvette des montagnes entourant Genève, chef-lieu de la narration, et les reliefs de la vie cosmopolite. De plus, toute en subtilité, ce qui se cache derrière l’envers de ce décor géométrique n’est ni plus ni moins que les différentes pièces d’habitations nécessaires au bon déroulement de l’intimité de l’intérieur des mansardes. Ce qui contribue agréablement à la beauté de la pièce est sans aucun doute l’efficacité des transitions scéniques, l’utilisation de canons projecteurs pour représenter, par exemple, les glaces du Mont Blanc sur les parois triangulaires. L’alliance entre les composantes multimédias et le décor minimaliste remet clairement le jeu des acteurs au cœur de la pièce. N’étant jamais surchargé, le plancher théâtral laisse toute l’opportunité aux spectateurs de se concentrer sur le jeu des acteurs et vivre des émotions proportionnelles à la grandeur du Mont Blanc.

Les thèmes principaux qui constituent la trame narrative de « Frankenstein » regroupent des idées très actuelles telle la responsabilité des hommes et femmes de science pour leurs avancés scientifiques. Les enjeux éthiques liés à notre contexte postmoderne, où la dénaturation de l’homme côtoie les inquiétudes liées aux manipulations génétiques et aux armes de destructions massives, se retrouvent parallèlement dans les rapports entre Frankenstein et sa créature. Jusqu’où le progrès de la science mènera-t-il l’humanité? On  retrouve de  nombreux paradoxes qui s’immiscent entre les interstices laissés par les dialogues entre les personnages. Les contrastes entre le froid scientifique hautement rationnel et la créature éduquée, amoureuse, débordante de sentiments et de réflexions profondes nous replacent dans la constante dualité de l’homme moderne : le progrès scientifique et les désirs universellement humains.

Victor Frankenstein en difficulté

Acclamation au Théâtre du Trident et à sa compagnie d’acteurs et d’actrices, ils ont brillamment reproduit l’adaptation de Nick Dear. Notre trop grande familiarité du mythe a été une nouvelle fois chamboulée et regagnée à l’œuvre de Maria Shelley, cette militante qui a fui ces parents pour mieux comprendre le monde et le décrire.

Frankenstein, présenté à la salle Octave-Crémazie du 15 janvier 2013 au 9 février 2013

Théâtre du Trident

269, boul. René-Lévesque Est, Québec (Québec) G1R 1B3

Téléphone : 418 643-5873

Télécopieur : 418 646-5451

Info@letrident.com

letrident.com

Billetterie : 418 643-8131

Distribution :

Danièle Belley, Jean-Jacqui Boutet, Pierre Chagnon, Pierre Collin, Catherine Hughes, Linda Laplante, Eliot Laprise, Christian Michaud, Étienne Pilon, Meggie Proulx Lapierre, Éva Saïda, Nicola-Frank Vachon

Conception :

Scénographie : Michel Gauthier

Costumes : Luce Pelletier

Éclairages : Sonoyo Nishikawa

Musique : Paul Baillargeon

Chorégraphies : Lydia Wagerer

Maquillages : Élène Pearson

Vidéo : David Leclerc

Crédit photos: Vincent Champoux