Livre : Les femmes de droite – Qui sont-elles?

Les femmes de droite - Andrea Dworkin aux éditions remue-ménage
Les femmes de droite
Les femmes de droite

«Anita Bryant dit que sucer une queue équivaut à du cannibalisme; elle déplore la perte de l’enfant qu’est le spermatozoïde. Norman Mailer croit que les éjaculations perdues sont des fils perdus et il décrie à ce titre l’homosexualité masculine, la masturbation et la contraception.»

«Dans le mariage, un homme possède des droits sexuels sur sa femme : il peut la baiser à volonté en vertu de la loi. La loi énonce et défend ce droit. L’État énonce et défend ce droit. Cela signifie que l’État définit les usages intimes du corps d’une femme dans le mariage, de sorte qu’un homme agit avec la protection de l’État lorsqu’il baise sa femme (…)»

«C’est précisément parce qu’elles ont été formées à respecter et à suivre les personnes qui les utilisent que Schlafly inspire admiration et dévouement aux femmes qui craignent de perdre la structure, l’abri, la sécurité, les règles et l’amour que leur promet la droite et dont elles croient que dépend leur survie.»

 À l’heure où le débat gauche-droite reprend du poil de la bête au Québec, au moment où les conservateurs fédéraux de Harper nous confrontent aux idéaux de la droite, il est légitime, en tant que femme, de se questionner sur l’idéologie que l’un et l’autre offrent au statut féminin. Il est depuis longtemps connu que plus une idéologie se retrouve à la droite du spectre politique, plus le rôle de la femme en tant qu’individu est restreint, que son rôle est confiné à celui d’épouse et de mère, idéalement les deux à la fois. Il devient alors intéressant de savoir qui sont les femmes de la droite, celles qui défendent cette idéologie et surtout de comprendre pourquoi elles acceptent d’adhérer ou de se soumettre  à une vision qui va à l’encontre d’elles-mêmes.

C’est de ces femmes dont nous parle Andrea Dworkin dans son essai le plus fameux Les femmes de droite. Traduit en français pour la première fois depuis sa parution en 1983, cet ouvrage dresse un portrait accablant du statut féminin, dénonce la fatalité de naître femme dans un monde imaginé et bâti par les hommes et pour les hommes. Cet essai s’adresse à toutes femmes, de tous âges, de la gauche comme de la droite et touche la condition féminine de toutes les nations. Il s’adresse aussi, bien sûr, aux messieurs désireux de comprendre la réalité des femmes.

À travers la décortication de ce qui poussent les femmes à  »être de droite », Andrea Dworkin réussit une tâche colossale : démontrer l’ampleur de la tragédie ordinaire de la condition féminine, condition que la Québécoise ayant moins de 40 ans peut avoir du mal à saisir de nos jours et ce même si la femme n’est toujours pas l’égale à l’homme ici. L’auteure écrit avec conviction et intelligence. Elle écrit des laideurs avec une plume qui frôle la littérature, écrit crûment les petites et les grandes humiliations quotidiennes qui composent la vie des femmes. Et attention : toutes les femmes! De la femme domestique à la plus puissante politicienne. Pas de détour, on appelle un chat, un chat et son discours est vivant, ressenti, étoffé de références et à consommer un chapitre à la fois, histoire de bien intégrer le tableau qu’on voit apparaître au fil de la lecture. C’est que le sujet est maîtrisé par l’écrivaine et on a droit à un condensé en pleine gueule.

L’ouvrage de Dworkin ne méprise pas ces femmes et discrédite encore moins leur position. Féministe mondialement connue, elle reconnaît la validité du raisonnement qui les poussent à adhérer à un système qui joue contre elles, les dépossède de leur valeur, les dépossède d’elles-mêmes. Elle les comprend et, bien que se situant aux antipodes dans la façon de le vivre, elle partage avec elles un profond pessimisme quant à ce monde patriarcal.

Si le discours de l’écrivaine doit parfois être resitué dans son contexte des États-Unis des années 80, que certaines améliorations du statut de la femme ont eu lieu depuis, il n’en demeure pas moins que l’essence qui s’y trouve est cruellement d’actualité. La femme n’est encore pas l’égale d’un homme, qu’on se le tienne pour dit. En refermant Les femmes de droite, la lectrice (ou le lecteur, espérons-le) sera en mesure d’évaluer l’enjeu : être de droite ou de gauche?

Andrea Dworkin, auteure américaine et féministre radicale
Andrea Dworkin, auteure américaine et féministre radicale

Andrea Dworkin (1946-2005) est une auteure féministe radicale américaine. Militante pacifiste et anarchiste dans les années 1960, elle a publié une douzaine de livres (des essais et de la fiction) traduits en plus de quinze langues. Durant les années 1980, elle se fit connaître en tant que porte-parole du mouvement féministe antipornographie et pour ses écrits sur la pornographie et la sexualité dont les célèbres ouvrages théoriques Pornography et Intercourse.

Les femmes de droite
les éditions du remue-ménage
N. éd. 2013
Traduit de l’anglais (américain) par Martin Dufresne et Michele Briand

Prix suggéré : 24.95$
ISBN : 9782890913509
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