Le Diable rouge chez Duceppe

Michel Dumont
Michel Dumont

En 1658, Mazarin, cardinal de son état, premier ministre de la régente Anne d’Autriche, règne en maître sur le royaume de France. Se sachant atteint d’une maladie incurable, Mazarin achève l’éducation de son filleul Louis XIV. Au moyen de ruses diplomatiques, il négocie un traité de paix avec l’Espagne, en échange du mariage du jeune Louis avec l’infante Marie-Thérèse. Mais le futur roi est épris de la nièce du cardinal, la jeune Marie Mancini. Nous sommes tout à coup témoins de tous les jeux de pouvoir de Mazarin, de Colbert aux finances, et de la régente. Chacun y va de son intérêt et magouille allègrement pour y arriver. Mais malgré son jeune âge, Louis a bien appris de son maître. Il ne se laissera pas manipuler facilement.

Une leçon inquiétante qui décrit les nécessités et les obligations de la démarche politique où les volontés personnelles des grands de ce monde se font très souvent au détriment et dans l’oubli du peuple.

Les mazarinades

Si on associe souvent les intrigues historiques aux grandes passions secrètes, aux déchirements amoureux et aux troubles profonds des héros classiques, Antoine Rault nous amène, dans Le Diable rouge, plutôt là où règnent les esprits et le savoir-faire intellectuel. Les personnages mythiques qui animent les scènes du Diable rouge sont tous plus doués les uns que les autres aux jeux de la raison, chacun ayant appris du grand maître Mazarin à surpasser intellectuellement son adversaire. Ou à « mazarer », comme le dit le metteur en scène Serge Denoncourt.

Naissent de la plume de Rault des dialogues particulièrement savoureux et riches, des scènes où les affronts entre les tout-puissants de France se font dans la plus grande élégance, justesse du mot et pertinence de l’argument à l’appui. Les répliques s’enchaînent à la vitesse d’une pensée. Les mots appuient, dévoilent, dissimulent, aiment, contournent, blessent, lèguent et confrontent. Les mots servent, atteignent leur cible à tout coup. L’histoire de France telle que vécue sous Mazarin et revue par Rault se joue un mot à la fois, d’une guerre à l’autre et avec la parole comme arme principale.

Antoine Rault

Deux rencontres déterminantes auront encouragé le jeune Antoine Rault à entamer une carrière d’écrivain dramatique. La première, avec l’actrice française Madeleine Barbulée qui, bénévolement, accepte de veiller sur le groupe de théâtre amateur que fonde Antoine Rault au lycée. Puis viendront des échanges épistolaires avec le grand auteur Jean Anouilh. Suivant le conseil de la célèbre comédienne devenue son mentor, Rault fait parvenir à Anouilh ses premiers écrits. Ce dernier lui répond en l’incitant à écrire pour le théâtre. Il l’invite même dans sa demeure personnelle en Suisse.

Avant ces deux rencontres pour le moins importantes, rien ne semblait prédestiner Antoine Rault, natif de France, à la vie d’écrivain. Passionné d’histoire et étudiant en sciences politiques, il signe, tout juste avant d’effectuer son service militaire, la pièce La Première Tête, une comédie sur Louis XVI et dont l’action se déroule un fameux 14 juillet 1789. Le texte est créé à la Comédie de Paris dans une mise en scène de Gérard Maro, alors directeur artistique de ce théâtre. La critique est excellente et l’on promet dès lors une carrière d’envergure pour le jeune auteur. Toutefois, ce ne sera qu’en 2005, seize ans après La Première Tête, qu’il parviendra à faire monter l’une de ses pièces. Un nouveau départ est joué en Belgique.

Mais la reconnaissance se fera attendre encore un peu : sa pièce Le Caïman, écrite en 1992 et finalement produite en 2005, attire l’attention générale du milieu des arts, du public et de la critique. La pièce, qui raconte les quelques heures avant que le philosophe marxiste Louis Althusser n’assassine son épouse, est créée au Théâtre Montparnasse dans une mise en scène de Hans-Peter Cloos. L’illustre acteur Claude Rich saisit l’occasion d’interpréter le personnage principal, effectuant par la même occasion son retour sur les planches après plus de quinze ans d’absence. Le Caïman est en nomination aux Molières ainsi qu’aux Globes de Cristal. Antoine Rault reçoit également le Grand Prix de l’Académie française. Depuis les représentations de la pièce, Antoine Rault se consacre entièrement à l’écriture. En plus des pièces de théâtre qu’il continue d’écrire, il signe également des textes pour la télévision ainsi qu’un roman, Je veux que tu m’aimes, paru aux éditions Albin Michel.

La rencontre avec l’acteur Claude Rich aura elle aussi été déterminante puisque trois ans après Le Caïman, Antoine Rault lui propose le rôle de Mazarin dans sa nouvelle pièce Le Diable rouge. Jouée au Théâtre de Montparnasse, la production remporte un succès fulgurant, est nommée aux Globes de Cristal et sept fois aux Molières. Elle y remporte d’ailleurs deux prix. Depuis, Antoine Rault a signé La vie sinon rien, Le Démon de Hannah, qui raconte l’histoire d’amour entre Martin Heidegger, philosophe et allié de Hitler, et Hannah Arendt, intellectuelle juive, et L’Intrus.

C’est une histoire inspirante que celle d’Antoine Rault, marquée par une longue traversée du désert et par un succès à la hauteur de son talent. Celui qui affirme que « c’est l’amour et la passion qui m’ont fait avancer » aura taillé sa place avec acharnement et avec énormément de détermination.

Serge Denoncourt

Sur le plan de la mise en scène, tout a commencé pour Serge Denoncourt, en 1987, avec Grand et Petit qui signale l’artiste comme un metteur en scène au talent peu commun.

Depuis cette date, il a signé plusieurs mises en scène remarquables. Citons, entre autres, La Demande en mariage de Tchekhov en 1989, Georges Dandin de Molière et Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht en 1990, Ils étaient tous mes fils et Vu du pont d’Arthur Miller chez DUCEPPE en 1991 et 1993.

Les spectateurs assidus de DUCEPPE se rappelleront avec bonheur sa mise en scène captivante du Chemin des Passes-Dangereuses de Michel Marc Bouchard. Et comment passer sous silence La Grande Magia d’Eduardo de Filippo en 1998 ainsi que Rien à voir avec les rossignols de Tennessee Williams à l’automne 2000, Une journée particulière d’Ettore Scola à l’automne 2001 et L’Habilleur de Ronald Harwood à l’automne 2003, toujours chez DUCEPPE.

En 1999, au Théâtre de Quat’Sous, il conçoit et met en scène un magnifique spectacle, Je suis une mouette (non ce n’est pas ça), ainsi que La Cerisaie de Tchekhov, une coproduction du Théâtre de l’Opsis et du TNM. Depuis 2000, il a conçu et mis en scène plusieurs spectacles d’Arturo Brachetti et en 2002, il a reçu, le Masque du public Loto- Québec pour sa mise en scène des Feluettes de Michel Marc Bouchard à l’Espace GO.

En 2007, après avoir brillamment mis en scène La Leçon d’histoire d’Alan Bennett chez DUCEPPE, il s’attaque à la réalisation de la fresque Les Aventures d’un Flo, d’après un texte de Michel Marc Bouchard, présentée à Ville de Saguenay.

En 2008, il réalise, pour le Cirque du Soleil, un spectacle de magie mettant en vedette Criss Angel qui tient l’affiche au Luxor Resort and Casino à Las Vegas. L’année d’après, il signe le fabuleux Fragments de mensonges inutiles de Michel Tremblay chez DUCEPPE.

En 2010, il réalise Le blues d’la métropole, une comédie musicale d’après l’oeuvre de Beau Dommage. Il met en scène Il Campiello de Goldoni pour le Théâtre de l’Opsis. En 2011, il réussit un coup de maître en présentant GRUBB (Gypsy Roma Urban Balkan Beats), un « musical » qu’il a mis au point avec des jeunes Roms. Toujours en 2011, il réalise son Projet Andromaque à l’Espace GO, puis revient chez DUCEPPE, en 2012, pour monter avec succès la toute dernière création de Michel Tremblay, L’Oratorio de Noël. Il signait à l’automne dernier la dernière création de Michel Marc Bouchard, Christine la reine-garçon, qui remporta un franc succès au TNM.

C’est avec bonheur que nous l’accueillons de nouveau chez DUCEPPE cette année Rappelons qu’en début de saison, il mettait en scène Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges d’après le roman de Michel Tremblay dont il a fait l’adaptation pour la scène.

Régner, vivre, mourir… et régner encore

« Mazarin fera, jusqu’à son dernier soupir, de la politique » disait Serge Denoncourt lors d’une lecture avec les comédiens. Grand homme d’État, successeur du cardinal Richelieu, amant de la régente Anne d’Autriche prétendent certains, parrain du Dauphin Louis XIV et tuteur de ce dernier, l’Italien d’origine aura grandement influencé la France du 17e siècle. Dans la pièce, Jules Mazarin cherche à achever son oeuvre et à signer la paix avec l’Espagne qui fait la guerre à la France depuis des décennies. Michel Dumont, comédien émérite et figure de proue de DUCEPPE, n’est pas étranger aux rôles iconiques. On ne s’étonne aucunement que cet acteur au talent plus d’une fois confirmé, au registre infini et à la présence indéniable revête le rôle de l’emblématique cardinal.

À ses côtés et toute aussi au sommet de son art, Monique Miller incarne la reine Anne d’Autriche. Interprète à la carrière impressionnante, femme de scène comme il en existe peu, elle insuffle à la monarque toute la profondeur et l’acuité dont elle fait preuve sous la plume d’Antoine Rault. Veuve de Louis XIII et mère du jeune Louis XIV, elle fera tout pour que le Dauphin de France choisisse un mariage de raison plutôt qu’un mariage de passion amoureuse.

Cet amour, l’héritier du trône bientôt prêt à régner, ici incarné par le charismatique François-Xavier Dufour qui joue chez DUCEPPE pour la première fois, l’éprouvera pour la belle Italienne Marie Mancini, défendue par Magalie Lépine-Blondeau qui elle aussi fait son entrée chez nous. D’une naissance inférieure au roi mais d’une intelligence et d’une ambition redoutables, la jeune Marie devra affronter les grands de la cour de France.

Dans le rôle de Jean-Baptiste Colbert, alors gestionnaire de l’immense fortune de Mazarin, on retrouve le comédien Jean-François Casabonne. Conscient que son protecteur approche du trépas mais continuant à veiller à son bien-être, Colbert tentera de préparer sa propre promotion parmi le conseil royal du roi en devenir. Marcel Girard campe quant à lui le rôle de Bernouin, le fidèle serviteur de Mazarin.

Le Diable rouge

d’Antoine Rault

mise en scène de Serge Denoncourt

Michel Dumont. Monique Miller,Jean-François Casabonne. François-Xavier Dufour. Marcel Girard, Magalie Lépine-Blondeau,

Décor Guillaume Lord

Costumes François Barbeau

Éclairages Martin Labrecque

Son Micolas Basque

Accessoires Normand Blais

Assistance à la mise en scène Suzanne Crocker

Du 10 avril au 18 mai

DUCEPPE des émotions en temps réel En collaboration avec La Presse

À l’affiche

Du 10 avril au 18 mai

au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts

En semaine à 20 h

les samedis à 16 h et 20 h 30

les dimanches 21 avril et 5 mai à 14 h 30

Détails sur duceppe.com

RÉSERVATIONS:

laplacedesarts.com

Prix des billets

20,95 $ à 58,50 $

(Incluant les taxes et frais de service facturés par la Place des Arts.)

POUR LA FAMILLE ET LES JEUNES

VOUS ET VOTRE ADO (12-17 ANS)

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seulement 20,95 $ (22,45 $ lors d’un achat par téléphone ou par Internet)

(Incluant les taxes et frais de service facturés par la Place des Arts.)

ÉGALEMENT DISPONIBLE:

Tarif jeunesse (18 à 30 ans)

41,63 $ (45,63 $ lors d’un achat par téléphone ou par Internet)

(Incluant les taxes et frais de service facturés par la Place des Arts.)

Billets de dernière minute les mardis et mercredis

Jeudi 2 pour 1

Détails sur duceppe.com

GRATUIT

Les Causeries DUCEPPE en temps réel

Pour tout savoir sur les coulisses de la pièce Le Diable rouge

Avec Serge Denoncourt, Monique Miller et Michel Dumont

le 18 avril de 17 h à 17 h 45

Les midis DUCEPPE 101

Le théâtre québécois à l’international

Avec Michel Marc Bouchard et Michel Dumont

le 15 mai de 12 h 15 à 13 h

en collaboration avec la Société de la Place des Arts

Espace culturel Georges-Émile-Lapalme

Devant l’entrée du Théâtre Jean-Duceppe

photo: courtoisie