Roman : Marches à Copenhague

Marches à Copenhague - Éditions Druide (photo : courtoisie)
Marches à Copenhague - Éditions Druide (photo : courtoisie)
Marches à Copenhague - Éditions Druide (photo : courtoisie)
Marches à Copenhague – Éditions Druide (photo : courtoisie)

Lou Juillet cherche participants pour expérience à l’extérieur du pays. Les exercices seront pratiqués dehors, dans les rues d’une ville à déterminer. Mi-août à mi-novembre. Boîte vocale : 514 515.5155.
(…) 

Je veux que nous nous unissions au présent, à ce que nous rencontrons… pour être qui nous sommes.

C’est à cette petite annonce qu’ont répondu les participants au projet d’Expérience directe élaboré par Lou Juillet. Intéressée à se rappeler qui elle est de nature, par opposition à qui elle est devenue en apparence, son plan est simple : ses participants et elle marcheront dans les rues de Copenhague et devront expérimenter selon ses directives. On suit le petit groupe de marcheurs, entrant à l’occasion dans leur tête selon l’intensité de leur réaction face aux Expériences directes. La narration est notre oeil et possède sa propre interprétation mais s’ajoute à celle-ci un autre point de vue plus froid, plus incisif celui-là : le Dehors s’exprime sur ce qu’il voit de chacun d’eux. Le Dehors a un jugement. Et c’est dans les différents points de vue qu’est l’intérêt de cette lecture. Par l’expérimentation simple, par la confrontation de leur être inconscient avec les stimuli choisis, les participants se révèlent aux autres en même temps qu’à eux-mêmes. Qui eut-crû que de focaliser sur la couleur rouge la durée d’une marche puisse ébranler quelqu’un jusque dans ses fondements? Que le stimulus de toucher un morceau de son vêtement puisse amener des pensées violentes à un jeune homme sans histoire? Et que dire d’un homme qui se meurt quasiment après avoir suivi la consigne de goûter son repas jusqu’à ce qu’il en saisisse le vrai goût? Car être attentifs à leur propre présence, aux variations de leur vrai eux-mêmes provoquées par l’Expérience directe que Lou Juillet leur impose est beaucoup plus troublant qu’ils le croyaient. L’accès à la conscience d’eux-mêmes par opposition à la présence du Dehors leur est, pour la plupart, douloureux. Et personne n’est ce qu’il semble être, même pas pour lui-même.

Avec ses 152 pages, c’est un court roman que nous offre Marie-Claude Gagnon. On pourrait croire que ce sera une lecture légère qu’on commencera après le souper et qu’on finira le soir même confortablement installé dans son lit. On pourrait faire comme ça. Mais ce serait passer à côté de la démarche plus profonde de l’auteure. Marches à Copenhague est un roman d’observation et une lecture introspective concentrée uniquement sur le ressenti des personnages. Avec son titre, je rêvais d’arpenter la belle Copenhague mais force est d’admettre que, en changeant quelques mots ici et là, ç’aurait pu se passer n’importe où ailleurs. Exit les descriptions de lieux, exit la chronologie, on nage dans l’indéfini. On peut avoir besoin d’un temps pour se faire à cette impression de flottement mais ce n’est qu’un détail, peut-être même une question de style de Marie-Claude Gagnon. L’important est le processus qui provoque la révélation de leur vrai moi, d’assister à la renaissance des personnages, renaissance inattendue pour certains, inespérée pour d’autres. Ces hommes et ces femmes ont tous quelque chose en eux qu’ils traînent sans le savoir.

Puisque le roman est focalisé uniquement sur les participants, on aurait peut-être souhaité aller plus loin avec eux. L’ouvrage aurait perdu en légèreté mais je reste sur l’impression que le lectorat intéressé par la lecture à caractère introspectif a la trempe nécessaire pour une exploration plus en profondeur. Heureusement, l’auteur réussit à nous lier à eux. Un nous déconcerte, l’autre nous interpelle, un autre nous surprend, chacun fait vibrer une différente corde par la révélation de son vrai lui-même. L’intérêt que soulève l’expérimentation (réel projet de l’auteure, d’ailleurs) et l’opportunité de se soumettre soi-même aux exercices chaque jour (ce que j’ai fait!) valent l’achat. Et son prix alléchant n’est pas pour nuire. La perfection n’étant pas de ce monde, ce roman est une petite perle qui annonce sûrement d’autres perles à venir.

Marie-Claude-Gagnon, auteure (photo : courtoisie)
Marie-Claude-Gagnon, auteure (photo : courtoisie)

Native de Saint-Jean-de-Dieu, Marie-Claude Gagnon a été promue bachelière en communication en 1988. Après une carrière journalistique, elle se consacre désormais à l’enseignement et à la rédaction. Son premier roman Je ne sais pas vivre paru en 2001 a reçu le prix Jovette-Bernier. Marches à Copenhague est son quatrième ouvrage à être édité après Rushes (2005) et Murmures d’eaux (2007).

 

 

 

Marches à Copenhague – Marie-Claude Gagnon
Roman
Éditeur : Druide
Parution : 13 mars 2013
ISBN : 9782897110314
152 pages
Prix suggéré : 17.95$

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