Trainspotting !

Jean-Pierre Cloutier dans Trainspotting
Jean-Pierre Cloutier dans Trainspotting

Au moment où l’on vient d’apprendre que Danny Boyle a annoncé qu’il allait réaliser une suite de « Trainspotting » qui devrait sortir en 2016, voilà que le Collectif FIX, redonne vie à  Trainspotting, un roman d’Irvine Welsh publié en 1993 qui a donné lieu au film de Dany Boyle en 1996 et une adaptation théâtrale de Wajdi Mouawad et Martin Bowman présentée au Quat’sous à Montréal en 1998.

Ainsi, Premier Acte était l’hôte, hier mardi le 9 avril, de la première de cette pièce qui jette un regard lucide sur une génération de jeunes en manque de repères devant une vie et une société qu’ils ne choisissent pas et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas, au point d’anesthésier leur vie par la drogue, pour la rendre plus confortable.

Au chômage comme la plupart des jeunes Écossais de sa génération, Mark Renton (Lucien Ratio) traîne dans la banlieue d’Édimbourg avec ses copains paumés, Sick Boy (un cinéphile tombeur de filles), Begbie (un dangereux désaxé cherchant toujours la bagarre), Tommy (un adepte de la musculation) et Alisson (copine de Sick Boy qui tente de concilier sa dépendance à la drogue avec son nouveau rôle de mère). Pour tromper leur ennui, ils consomment de la drogue, sauf Tommy, qui vit une autre forme de dépendance. 

Lucien Ratio
Lucien Ratio

Avec parfois des projections sur les murs, des éclairages ciblés, utilisés avec parcimonie et de la musique tonitruante, parfois stressante,  qui ajoute à l’univers sombre, lourd et glauque qui est présenté, le public s’abreuve des paroles brutes, crues et crasses de ces protagonistes dans leur mal à l’âme qui les poussent vers la drogue et la déchéance. 

Pour le décor, tout est gris, sale et crasseux. On retrouve sur cette scène tout en largeur, trois possibilités d’endroits différents, séparés par des clôtures, avec portes, fenêtres, trou dans le plancher et la possibilité d’utiliser le devant de la scène, comme un long chemin de fer, ou une ruelle où les jeunes laissent aller leur fou, dans des courses folles, des poussées d’énergies frénétiques, qui contraste avec l’état de torpeur, et d’inertie liée aux moments de «shoot» à l’héroïne. 

Claude Breton-Potvin et Jean-Pierre Cloutier
Claude Breton-Potvin et Jean-Pierre Cloutier

Ces divers lieux permettent de mettre en scène divers moments dans la vie de ces jeunes, alors que par des monologues grossiers, vulgaires, où sacres, sexe et substances fécales sont amplement utilisés, ils évoquent des souvenirs, décrivent leurs états de manque et leur mal de vivre. Le public assiste à des séances de piqueries, à des moments de délires suites à la prise de substances hallucinogènes, bref à tous les effets de la drogue sur ces jeunes en détresse. Ouf! 

Pour les besoins de la pièce, l’équipe s’est informée auprès des intervenants de l’organisme Point de repère pour se faire expliquer les sensations et les étapes liées à la consommation des différentes drogues. Et je pense que les comédiens ont relevé le défi avec brio pour si bien nous faire ressentir ces sensations! Quelle performance! 

Lucien Ratio, dans le rôle de Mark, est criant de vérité. Avec ses descriptions de «bad trip» de merde, de pisse et de vomi, on ne peut que rire, malgré notre malaise de l’entendre raconter ses déboires. En état de crise de manque, on a mal avec lui. En désarroi face à la vie qu’il ne veut pas choisir, on est de tout cœur avec lui, en espérant qu’il réussisse à s’en sortir.

Jean-Pierre Cloutier, ce cher Tommy, qui ne veut essayer qu’une seule fois, fait pitié de le voir si dépendant de tout… Cela fait mal de le voir à la fin du spectacle, se donner le dernier fix de sa vie! 

Charles-Étienne Beaulne et Lucien Ratio
Charles-Étienne Beaulne et Lucien Ratio

Charles-Étienne Beaulne multiplie les personnages, de la mère de Mark, en passant par  Sick Boy, et Begbie, il joue tour à tour, le désaxé, le fou furieux, celui qui dit plus de sacres que dans une messe à l’Église. Il dégage la peur, la rage, la colère. Ouf!! 

Claude Breton-Potvin incarne, June, enceinte jusqu’aux yeux, mais aussi Alisson, la junkie, nouvelle maman qui nous déchire le cœur… et les tympans, dans un moment de panique et d’effroi lorsque le malheur arrive. Sublime! Elle incarne aussi une serveuse de restaurant, qui prend sa douce vengeance sur des clients arrogants. C’est jouissif de l’entendre, mais les hauts-le-cœur ne sont pas loin non plus. 

De voir pendant presqu’une heure trente minutes des jeunes en manque, qui se piquent, qui sacrent et gueulent leur mal de vivre, cela devient lourd et écrasant pour le public. 

Pour ma part, je suis sortie de la salle, sans mot, complètement suffoquée et assommée par cette pièce qui ne peut que nous porter à la réflexion sur la drogue et ses effets, mais aussi, sur l’importance de faire une place à nos jeunes pour qu’ils se sentent compris et supportés. 

Ouf! C’est tout ce que je trouve à dire! 
Production : Collectif FIX 
Texte Irvine Welsh 
Traduction et adaptation : Wajdi Mouawad 
Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau 
Décor et Éclairage : Jean-François Labbé 
Costume et accessoire : Karine Mecteau Bouchard
Environnement sonore : Philip Larouche
Distribution : Claude Breton-Potvin, Charles-Étienne Beaulne, Jean-Pierre Cloutier, Lucien Ratio 

La pièce est présentée Du 9 au 26 avril 2013 à 20 h, et le dernier samedi, 27 avril à 15h
à Premier Acte, rue Salaberry.

www.premieracte.ca 

 

Crédit photos : Gabriel Talbot-Lachance.