Danse de garçons ou la testostérone apprivoisée

 

Danse de garçons
Danse de garçons

Bienvenue dans un monde de gars, mais cette fois-ci, nous ne sommes pas accotés à un bar ni sur une glace avec un bâton, nous sommes assis de part et d’autre d’une salle de danse, à regarder sept hommes qui s’évertuent à définir leur masculinité. Danse de garçons est présenté dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec à la salle Multi du complexe Méduse le 31 mai et le 1er juin à 21 h. Ce projet est mis de l’avant par Éliot Laprise et Steve Gagnon, deux acteurs, qui approchent Karine Ledoyen, une chorégraphe de Québec bien connue,  pour exprimer leur virilité sans passer par le verbe et la mise en scène.

Ce tour de force propose la rencontre ultime de deux univers artistiques limitrophes mais foncièrement opposés. Là où les acteurs devaient jouer le mot et la raison pour susciter l’émotion, ils doivent maintenant éprouver avant de jouer le geste, la voix du silence. La perception que les hommes ont d’eux-mêmes se heurte à l’œil délicat et subjectif de la femme : la dichotomie Ledoyen/acteurs. Subsisteront quelques stéréotypes incontournables, mais aussi une énergie purement virile et insoupçonnée. Dans cette performance où la multidisciplinarité ou l’inexpérience des acteurs entraînaient un risque potentiel de livrer un produit amateur de moindre qualité, les appréhensions tombent; la chorégraphie,

 

Danse de garçons
Danse de garçons

A

daptée aux néophytes, ne suggère ni synchronisme, ni technique, ni précision…que la force et l’énergie brutes des corps. La beauté du spectacle réside dans cette absence de finesse et dans l’investissement physique des nouveaux danseurs, qui ont dû réapprivoiser leur corps, laisser tomber leur pudeur et leur inconfort au profit de la proximité des autres corps, jamais explorée, et si étrangère à la philosophie masculine.

Cette exploration de la gente masculine témoigne du mouvement solidaire des hommes dans ce qu’il a de plus grossier, de plus vrai. Danse de garçons repose sur la recherche de l’équilibre. Les tableaux lents exposent au grand jour la vulnérabilité de l’homme, ses peurs, ses échecs, sa fragilité enfouie, tandis que les scènes explosives, essoufflantes, bruyantes, dévoilent toute la testostérone clichée et bien réelle de la brutalité et de la force des hommes. Au milieu d’un tourbillon d’émotions, chacun doit y trouver l’harmonie et Danse de garçons, avec son portrait non exhaustif mais recherché du vrai gars, exprime parfaitement cette quête identitaire où celui-ci tombe et se relève constamment, mû par l’orgueil et la persévérance.

Danse de garçons
Danse de garçons

Sur l’élan d’une musique troublante, les acteurs-danseurs manipulent des planches de bois qui constituent leur monde concret, leur rapport au matériel. Le thème de l’équilibre est surtout visité par ces planches à la fois béquilles et prisons, et elles régissent leur destinée incertaine. Tantôt un radeau, une arme blanche, un terrain de football, des labyrinthes, les madriers sont le fil conducteur des différentes ambiances dans lesquelles le spectateur est propulsé. Tout autant caméléons, les danseurs suivent le décor et incarnent l’homme-singe jusqu’au lutteur, en passant par le soldat et l’athlète. Karine Ledoyen réussit franchement à créer un univers viril et authentique dans une chorégraphie physique, parfois agressive et dérangeante, mais aussi intense qu’émouvante.

Ne manquez pas ce voyage initiatique dans le corps et l’esprit masculins. La rencontre, au cœur du projet Danse de garçons,  témoigne du langage universel et commun entre théâtre et danse et d’une image convergente que l’homme et la femme se font de la gent masculine moderne. Danse de garçons dépassent les limites du stéréotype sans toutefois verser dans le leurre et le déni.

Cote : 4/5

Chorégraphie : Karine Ledoyen en collaboration avec les interprètes et la participation des Christian Essiambre, Christian Michaud, Simon Dépôt et Gabriel Fournier

Interprètes : Charles-Étienne Beaulne, Jean-Michel Girouard, Éliot Laprise, Jocelyn Paré, Jocelyn Pelletier, Fabien Piché et Lucien Ratio

Assistante-chorégraphe et répétitirice : Ginelle Chagnon

Conseiller artistique : Daniel Danis

Conception sonore : Jean-Michel Dumas

Costumes : Dominic Thibault

Directrice de production : Karine Ledoyen

Production : Danse K par K en coproduction avec Daniel Danis, Arts3Sciences et le collectif du Temps qui s’arrête

Carrefour international de théâtre : www.carrefourtheatre.qc.ca

Crédit photos : Lise Breton