Magnifique texte de l’écrivain François Archambault sur la thématique de cette année: Le Québec en nous, d’hier à demain

François Archambault, auteur
François Archambault, auteur

Riche de son histoire, le peuple québécois a traversé les siècles pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Nous sommes huit millions à occuper ce majestueux territoire du nord de l’Amérique et à partager une fierté de grandir ensemble.

Les Cartier, Maisonneuve, Champlain, Papineau, Nelligan, Richard, Lesage, Payette, Lévesque, et plus récemment les Laferrière, Lepage, Dion, Dolan, Laliberté ont façonné ce que nous sommes et ont fait du Québec une terre où il fait bon vivre et s’épanouir. C’est par milliers que nous sommes arrivés, que nous arrivons et que nous arriverons, pour construire cette nation aux mille talents.

Unique au monde, notre identité est le ciment qui nous unit, qui permet de se comprendre et de se démarquer. Cette identité est en nous, cette identité est nous!

Cette année, les Québécois sont conviés à transmettre leur fierté, leurs passions, leurs traditions. D’hier à demain, partageons ce qui nous tient à cœur!

CÉLÉBRONS NOTRE PASSÉ!

Notre héritage est précieux et exceptionnel. Premiers habitants de ces vastes contrées, les autochtones ont salué les arrivants des vieux continents, leur transmettant leurs légendes, leurs coutumes et leur mode de vie. Célébrons notre mémoire et nos racines, ces événements qui font partie intégrante de nous!

CÉLÉBRONS NOTRE PRÉSENT!

Aujourd’hui, ils arrivent de partout pour bâtir notre Québec, leur Québec. Partageons ensemble notre amour pour notre langue nationale, nos valeurs et notre liberté. Célébrons nos aspirations à nous dépasser et à atteindre des sommets!

CÉLÉBRONS NOTRE AVENIR!

Au Québec, nos enfants sont notre plus grande richesse. Par leur joie de vivre et leur enthousiasme, c’est eux qui poursuivront le travail de nos ancêtres. Nos jeunes se démarquent dans nos écoles, dans nos équipes sportives, dans nos médias, sur nos scènes, par leur capacité d’aller toujours plus loin. Donnons-leur notre fierté! À nous de transmettre le legs de nos parents, de nos grands-parents, en laissant nos racines s’étendre dans leur cœur.

Les siècles passent, mais les traditions se poursuivent! En 2013, transmettons nos passions et nos valeurs qui forment notre personnalité si unique. Célébrons le Québec en nous

RÉCIT DE FRANÇOIS ARCHAMBAULT

François Archambault, auteur

D’où vient-on? Que sait-on de sa propre histoire? De quel élan est-on fait?

Personnellement, je sais que je viens de la rencontre d’un Archambault et d’une O’Neill, d’un Québécois et de la fille d’un Irlandais, et que les tous premiers pas de l’histoire d’amour de mes parents se sont faits dans une ruelle de Montréal, en jouant au badminton… Né en 1968, je suis un enfant de l’Expo. Premier d’une famille de trois garçons, ma mère me dira un jour que je suis l’enfant de l’amour. Mon frère Stéphane, celui de la réconciliation. Mon jeune frère Benoît, né sept ans après moi, l’enfant de la surprise…

Déjà, avant même que nous soyons au monde, nous nous inscrivons dans une histoire plus grande dont nous ignorons presque tout. L’histoire de nos parents, de leurs propres parents, celle du territoire qui nous porte et qu’on finit par porter en soi.

Si on pense aux premiers colons qui ont traversé l’océan pour venir s’établir ici, on peut dire que ceux dont nous sommes le prolongement étaient faits de courage… et d’une bonne dose de folie! Qu’est-ce qui pousse un homme, une femme, à tout quitter pour s’établir sur une contrée où tout est à faire? Un désir de liberté, à n’en pas douter.

Nous venons d’un élan de liberté, d’une soif d’inconnu, d’un courage presque insensé. Peut-on imaginer la surprise des premiers habitants européens devant la rigueur de nos hivers? Seuls au monde, dans la nuit froide et étoilée, entourés de forêts interminables de part et d’autre… À quoi pouvaient-ils penser? Regrettaient-ils d’être venus s’établir ici? Maudissaient-ils la neige et le vent glacial qui leur brûlaient le visage? Nous venons forcément de patience éprouvée, de nerfs à vif, d’endurance et d’obstination.

Nous venons aussi de travail et d’acharnement, de solidarités tissées autour d’un feu ou d’un repas, unis pour faire face à un isolement parfois pénible, avec pour armes la musique, les chansons et les histoires à dormir debout, équipés pour veiller tard et se désennuyer d’être presque seuls au Nouveau Monde… De la musique, des chansons et des histoires qui résonnent encore en nous aujourd’hui.

Je viens d’une famille d’artistes. Mes frères et ma belle-soeur font de la musique, ma blonde du théâtre. Mon enfance a été portée par les chants de Vigneault, mon grand-père, et le rock’n roll de Charlebois, l’oncle à l’œil moqueur. J’ai pour oncles et pour tantes les membres de la famille Plouffe. Yvon Deschamps, aussi, qui faisait rager mes tantes avec ses blagues sur le mouvement féministe… Et quand je m’installe à l’ordinateur pour écrire, Yvon est là, j’entends son rire; je suis accompagné, je pourrais presque dire « guidé » par lui, par Michel Tremblay, Gratien Gélinas et bien d’autres artistes québécois, américains, anglais, irlandais, écossais…

Notre héritage est complexe. Nous venons de notre rencontre avec les peuples amérindiens, faite de confrontations et de collaborations, d’accords commerciaux, de luttes de territoire, d’entraide, de trahisons et d’amours secrètes entre les deux camps. Nous venons d’un choc brutal avec les anglais. D’une blessure. D’une défaite historique difficile à avaler. Mais nous sommes faits aussi de survivance et de résilience. Nous venons d’une force incroyable, d’une obstination à ne pas mourir, à ne pas disparaître.

Je suis né en 1968, dans un Québec en pleine ébullition. Il y a cet élan-là, aussi, en moi. Cette marche-là, elle fait partie de ma petite histoire. Je l’ai vécue dans la cour d’école, où les enfants se chamaillaient avec leurs macarons du OUI et du NON comme s’ils étaient les joueurs des Canadiens affrontant ceux des Nordiques. Je l’ai vécue, aussi, dans le salon, où j’ai vu pleurer mon père pour la première fois, un soir de mai 1980.

Je viens d’une enfance à jouer à la guerre dans les ruelles montréalaises, puis au hockey bottine dans les rues tranquilles de la banlieue. J’ai été porté par les triomphes du club de hockey le Canadien et dans mon cœur d’enfant Larry Robinson, Steve Shutt et Ken Dryden me rendaient aussi fiers d’être québécois que Guy Lafleur, Jacques Lemaire et Serge Savard. J’ai célébré la victoire et porté à bout de bras la Coupe Stanley plus souvent qu’à mon tour… avec une toune de Beau Dommage dans la tête.

Nous ne sommes ni français, ni amérindiens, ni anglais. Nous sommes une rencontre de tout ça et bien plus encore. Nous sommes la somme de millions de petites histoires tissées, entremêlées, d’histoires vraies, de souvenirs déformés, de légendes fantasmées…

Je suis le père de deux enfants. Alfred et Clémence. Leurs parents se sont rencontrés à l’école de théâtre. Ils se sont serrés dans les bras avant de jouer une scène ensemble et se sont retrouvés seuls pendant le party de la dernière. Leur mère a dit : François Archambault, j’ai envie de t’embrasser. Leur père a accepté l’invitation et c’est comme ça qu’une partie de leur histoire a commencé. Même si elle était déjà commencée depuis longtemps.

Alfred et Clémence, et leurs cousins Jules, Clovis et Léo, ainsi que la toute dernière arrivée, cousine Jeanne, ne réalisent pas encore qu’ils font partie d’une histoire plus grande qu’eux. Et que cette histoire ne cessera pas de sitôt de se jouer en eux et avec eux.

Cette grande histoire, celle de ma famille élargie, celle de mes proches, celle du Québec…

BIOGRAPHIE – FRANÇOIS ARCHAMBAULT

François Archambault est diplômé en écriture dramatique de l’École Nationale de théâtre du Canada en 1993, il est l’auteur d’une vingtaine de pièces traduites en différentes langues et présentées au Québec, au Canada et à l’étranger. En 1998, il remportait, avec sa pièce 15 secondes, le Prix du Gouverneur Général. La Société des loisirs, dont la production originale a été jouée 142 fois, lui a valu le « Masque du texte original » à la Soirée des Masques 2004.

En plus d’écrire pour le théâtre, François Archambault a scénarisé les deux saisons de la série Les Étoiles filantes, diffusée à la télévision de Radio-Canada. Il a collaboré, aussi, à l’écriture de la série web Fabrique-moi un Conte. En mai 2013, François Archambault proposera à la Licorne sa dernière créationEnfantillages dans une mise en scène de Frédéric Blanchette.