Fantasia : Les 4 Soldats de Robert Morin tombent à l’eau

Les 4 Soldats
Les 4 Soldats

Tapis rouge pour Christian de la Cortina, Camille Mongeau, Aliocha Schneider et Antoine Bertrand, lundi soir, pour la première mondiale de Les 4 Soldats. Le film de Robert Morin était présenté au Théâtre Impérial dans le cadre de la 17ème édition du Festival International de Films Fantasia.

« Cela faisait longtemps qu’il me traînait dans les mains », se souvient Robert Morin en parlant de Quatre Soldats, le roman presque éponyme d’Hubert Mingarelli, récipiendaire du Prix Médicis en 2003.
Happé par sa « tristesse nostalgique », Robert Morin a par la suite écrit plusieurs versions de ce qui deviendra Les 4 Soldats. Après plusieurs détours, dont l’Afghanistan, c’est dans un proche Québec futur que l’histoire atterrira finalement -le théâtre des opérations n’étant pas le plus important pour le réalisateur, qui souhaite tourner un « confilm », c’est-à-dire un film conceptuel.
Robert Morin se concentre dans cette voie sur le concept de trêve, laquelle prend la guerre pour « tremplin. »

Les 4 Soldats raconte la rencontre de quatre destins au sein d’un espace-temps éphémère. Cet espace-temps, c’est un étang que Matéo, Dominique, Kévin et Big Max découvrent en plein milieu d’une trêve, et qui va devenir leur secret, leur lieu de retrait en-dehors de la guerre.
L’histoire, c’est en même temps celle de l’avènement d’une écrivaine, Dominique ; c’est à travers sa narration que l’on suit une heure et demie durant le déroulement de son « souvenir le plus précieux. »

Simple volontairement, Les 4 Soldats est un film peu verbeux, Robert Morin n’ayant pas voulu tomber dans la psychologie, mais ayant plutôt travaillé à accentuer l’aspect contes pour enfants du roman, créant pour ce faire des personnages porteurs d’une leçon de vie.

Aliocha Schneider, Camille Mongeau, Christian de la Cortina, Antoine Bertrand
Aliocha Schneider, Camille Mongeau, Christian de la Cortina, Antoine Bertrand

Cette leçon passe par des personnages « prérequis », castés par Robert Morin lui-même, qui à cette époque a en tête des « archétypes visuels. » Ainsi :

Matéo, interprété par Christian de la Cortina, est un dur au cœur tendre.
Dominique, incarnée par Camille Mongeau, est une tomboy tourmentée par la mort de ses parents. Le personnage de Dominique était initialement un garçon à l’orientation sexuelle équivoque, mais Robert Morin a finalement préféré en faire une fille afin d’éviter d’avoir à s’attarder sur la résolution de son éventuel coming out, qui aurait pris trop d’importance dans le scénario et aurait de surcroît compliqué ses relations avec Matéo.
Kévin, incarné par Aliocha Schneider, est un tireur d’élite taciturne.
Big Max enfin, interprété Antoine Bertrand, est un déficient mental rieux. Un « rôle piège », que l’acteur a pris à cœur de ne pas caricaturer, se fiant à Robert Morin pour le recadrer.

« La place des personnages était bien définie, et les liens entre eux étaient clairs. » explique Christian de la Cortina qui, comme les autres acteurs, est entré « naturellement » dans la famille composée par Les 4 soldats.
Matéo sera ainsi le père, Dominique la mère, Kévin l’adolescent et Big Max le bébé. Un cinquième membre, inattendu, entrera sur le tard dans leur intimité.

Robert Morin
Robert Morin

Robert Morin a coupé plusieurs scènes dans lesquelles apparaissaient des personnages secondaires, suivant par là sa volonté de se concentrer sur le petit cercle formé par Les 4 Soldats.

La complicité filiale montrée à l’écran a été facilitée par le format du film en lui-même, la plupart des scènes tournées en plan-séquence requérant la présence les quatre acteurs. « On a passé beaucoup de temps ensemble » pendant le tournage, qui s’est étendu sur un mois l’été dernier et cinq jours cet hiver. « On était dans l’ambiance ; on dormait sur des lits de camp. » se rappelle Christan de la Cortina.
Les scènes avec les animaux n’ont pas été de tout repos (notamment celle avec le cochon). Les acteurs ont par ailleurs pris part à une séance de tir un après-midi afin de se familiariser avec le maniement des armes.

C’était néanmoins un « tournage doux », estime Aliocha Schneider. « Robert Morin est plus léger que ce à quoi on pourrait s’attendre. » renchérit Antoine Bertrand : « Le créateur ne ressemble pas à sa création. » Le réalisateur a ainsi laissé libres ses acteurs, les incitant à « jouer au naturel. »

Christian de la Cortina a préféré ne pas lire le roman afin de se laisser guider par la vision de Robert Morin.
Camille Mongeau, elle, l’a lu après le tournage.
Aliocha Schneider a pour sa part « joué sa partition », trouvant entre les lignes des répliques l’attitude de son personnage pour de cette manière avoir « juste à être. » « Les dreadlocks ont aidé. » ajoute-t-il.
Antoine Bertrand s’est quant à lui appuyé sur Quatre Soldats pour y prélever « plus d’explications » sur les personnages, leurs relations et les situations.

« On tourne le livre. » mais « Le roman laisse beaucoup de place à l’interprétation. Ca aurait été joué par quelqu’un d’autre, ça aurait été tout aussi bien, ça aurait apporté autre chose. » assure Antoine Bertrand quant à son personnage.

Antoine L'Ecuyer, Antoine Bertrand, Christian de la Cortina, Aliocha Schneider, Camille Mongeau
Antoine L’Ecuyer, Antoine Bertrand, Christian de la Cortina, Aliocha Schneider, Camille Mongeau

Sorti de sa « zone de confort », Robert Morin s’est essayé au film contemplatif. Si on peut applaudir le risque pris, le résultat tombe un peu à l’eau.
Dommage, car le potentiel de la situation aurait permis l’introduction d’un peu de tension psychologique. Au lieu de ça, les relations entre les personnages restent superficielles et les répliques font plouf. L’extérieur étant aux abonnés absents, ce n’est pas du côté de la hiérarchie des quatre soldats ni de leurs ennemis que l’on regardera pour voir venir un véritable événement.
Le quator tombe alors dans la répétition de petits « rituels » parvenant à peine à faire survivre la trêve, la parenthèse que le réalisateur a ouverte sans arriver vraiment à la faire vivre.

« Je ne savais pas quoi dire, alors j’ai laissé l’étang le dire. » déclare à un moment donné le personnage de Dominique.
L’image de l’étang dit tout : le film est lisse, sans réelle profondeur, seulement mis en relief, en surface, par quelques timides remous.

Les 4 soldats sort le 16 août sur les écrans québécois.

Scénario, ralisation : Robert Morin
Collaboration au scénario : Valérie Beaugrand-Champagne
Direction de la photographie : Jean-Pierre St-Louis
Direction artistique : André-Line Beauparlant
Production : Stéphanie Morissette
Productrice exécutive : Lorraine Dufour

Crédits photographiques : Métropole Films