Pour ceux qui, comme moi, sont féru des arts de la scène, ou de grands adeptes des exploits et grandes réalisations de Robert Lepage, ou qui veulent tout simplement voir l’envers du décor d’une production d’un spectacle d’envergure et voir le génie créatif au travail, cet essai documentaire Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera est un must!
Bernard Gilbert, écrivain et directeur de production pour Ex Machina entre 2004 et 2012, a participé à la réalisation de la tétralogie du Ring de Wagner,( L’Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried et Le Crépuscule des dieux), mise en scène par Robert Lepage et présentée au MET à New York, lors des saisons 2010-2011 et 2011-2012.
À partir de l’acceptation de la proposition du MET par Robert Lepage au printemps 2005, jusqu’à la présentation du cycle complet en mai 2012, ce bouquin retrace, en long et en large, tout le travail, les rencontres, les laboratoires, les essais et erreurs ainsi que les embûches qui ont mené à la conception de cette tétralogie du Ring de Wagner.
Pour les néophytes comme moi, en matière d’opéra, Bernard Gilbert prend le temps de bien nous initier à l’Anneau du Nibelung. Il nous décortique chacune des parties de la tétralogie, avec le synopsis de chacun, scène par scène. De plus, il nous dresse un tableau historique pour bien connaître qui était Wagner et comment il a créé son œuvre du Ring. Tout cela est bien formateur pour moi, qui n’ai jamais vu aucune partie de ce Ring. Mais ce qui m’a le plus captivé, ce sont les commentaires de Robert Lepage, qui nous explique comment il est tombé en amour avec l’opéra, comment il a appris, au fil du temps, à maitriser le médium de l’opéra, puis sa vision du Ring et du défi qui l’attend.
Voici quelques-uns des propos qui m’ont bien impressionné : «Lepage veut que les solistes acceptent de jouer dans des conditions différentes, moins confortables… Selon lui, quand les chanteurs sont placés dans des situations nouvelles, comme des positions physiques inhabituelles, leurs personnages, les émotions de leurs personnages adviennent d’une manière créative.»
Concernant le Ring, Robert mentionne : « J’ai voulu fouiller l’œuvre même, le livret et la musique, pour trouver de quoi parle le Ring. Cela fait, j’ai décidé d’être fidèle non seulement à Wagner, mais aussi aux premières idées, aux sources d’où cette œuvre a jailli. Et j’ai souhaité initier les gens qui connaissent peu, ou pas, ce chef-d’œuvre.»
Tout au long du processus de création, Bernard Gilbert a tenu un journal de la réalisation de «L’Anneau du Nibelung» entre 2006 et 2012. Il a pris de notes, a accumulé les résumés des réunions, les notes de productions, les extraits de courriels échangés. Il a côtoyé l’équipe de collaborateurs engagés à New York, Varennes et Québec et a assisté à une multitude de répétitions autant dans les divers locaux de Varennes, Québec (La Caserne) et au MET de New York, pour en ressortir autant ses observations personnelles, que les commentaires très pertinents de Robert Lepage entre autres. Ce dernier tenait à recréer fidèlement les intentions du compositeur inscrit dans le livret du Ring. Pour ce faire, Robert a mis à contribution son génie scénique, et les ressources à la fine pointe de la technologie à sa disposition.
Au fil de la lecture de cet essai documentaire, le lecteur est amené à l’intérieur de la cellule de création pour mieux apprécier tout l’effort et le travail requis pour réussir un projet aussi colossal. Le lecteur est donc témoin du travail au quotidien de l’équipe de concepteurs, de l’équipe de production, des techniciens qui réfléchissent, testent, expérimentent, explorent, valident, développent et reviennent en arrière. On découvre comment on fait des laboratoires à la Caserne, avec Robert Lepage et c’est fascinant! On est tenu en haleine tout au long du journal de bord! Tout est décrit. Les embûches, les succès, les erreurs de parcours, les délais, les retards sur le calendrier. Mais surtout, le lecteur est témoin de la gestion que nécessite un projet de si grande envergure, mais aussi, tout l’esprit d’entraide, de collaboration, la dévotion de chacun, la persévérance, l’acharnement et la précision avec laquelle tous les détails sont pris en considération, pour en arriver à la vision du maitre d’œuvre Robert Lepage.
Pour ajouter à tout cela, le livre contient plus de 150 illustrations pour nous montrer le décor majestueux et extrêmement complexe, mais efficace et magique qui est créé pour cet opéra. On y voit aussi les costumes et les accessoires qui ont été élaborés, ainsi que plusieurs scènes de répétitions avec les chanteurs, acrobates et figurants. Quelle Machine!!
À la fin de la lecture de ce livre, je n’ai pu qu’être soulagée de savoir que cette aventure de plus de 7 ans s’est terminée par un succès retentissant et je suis encore plus fière des accomplissements de Robert Lepage et sa compagnie Ex Machina dans le domaine des arts de la scène. Maintenant, j’ai nécessairement le goût de voir cet opéra en DVD et le making of qui a été produit pour cette œuvre magistrale.
Écrivain et gestionnaire culturel, Bernard Gilbert œuvre depuis plus de 30 ans dans le domaine des arts et de la culture. D’abord journaliste, il a collaboré régulièrement à la radio de Radio-Canada. En 1989, il devient directeur du Théâtre Périscope avant de fonder, en 1991, le Carrefour international de théâtre de Québec, festival qu’il a dirigé jusqu’en 1998. Il a depuis collaboré à la programmation de nombreux événements d’envergure. Bernard Gilbert occupe depuis septembre 2013 la direction de la Maison de la littérature de Québec et du festival Québec en toutes lettres.
«Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera» de Bernard Gilbert est en librairie depuis le 26 novembre. Le lancement officiel a eu lieu le 3 décembre dernier à 17 h à la Caserne, à Québec.
Prix : 39,95 $.
281 pages illustrées
Éditions L’instant même coll. L’instant scène :
