Wayne McGregor, ce corps pensant

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Far de Wayne McGregor

La Place des Arts accueillait hier FAR, la dernière pièce du chorégraphe britannique Wayne McGregor inspirée de l’ouvrage Flesh in the Age of Reason, dans lequel Ray Poter explore l’évolution de la conception du corps et de l’esprit depuis le siècle des Lumières.

Innovation est le mot pour qualifier le travail de Wayne McGregor, un chorégraphe qui bouscule les codes de la profession. La frontière ambiguë entre l’âme et la chair transparaît dans l’oeuvre dont le style chorégraphique est marqué par des déséquilibres incessants, une absence de synchronisation et une rapidité de geste à en couper le souffle. Les bras déambulants et les nombreuses contorsions échappent à la logique classique. FAR est une suite chorégraphique où danseuses et danseurs se portent mutuellement bafouant avec grâce les codes sexués de la danse. Les costumes aux teintes grisâtres contribuent à cette mise à nue des personnages sans différenciation de genre.

Cette ambiguité se reflète dans une trame sonore électronique du compositeur australien Ben Frost aux rythmes imprécis parfois discordants. Traditionnellement, la musique guide le danseur. Dans FAR, le danseur n’a d’autre choix que de puiser au plus profond de lui-même pour trouver ses repères. “L’un des défis majeurs dans cette création était justement de trouver son rythme intérieur” exprime la danseuse Jessica Wright. “FAR n’exprime pas une histoire ou des émotions, mais plutôt une intention générale” poursuit-elle.

Durant le processus de création, Wayne McGregor a fait appel à des anthropologues, des chercheurs en science cognitive et des ingénieurs. rAndom International signe la création d’un panneau gigantesque installé au fond de la scène composé de 3000 ampoules qui illuminent à tour de rôle une série de chiffres sans logique apparente. La relation de proximité entre le chorégraphe et ses danseurs bouscule les normes de hiérarchie encore très présentes dans la danse. FAR est principalement composée de duos et de trios où chaque danseur incarne une “intention” singulière.

Wayne McGregor qui avait déjà surpris le public montréalais en 2011 avec Entity nous propose cette fois une démarche innovante et des prises de risque qui lui réussissent. Il nous prête à voir un monde dénué de lieux communs où la l’esprit rationnel des Lumières se met au service du mouvement dansé.

Photo: courtoisie