Le rock progressif a fait son apparition à la fin des années 60 et a connu son moment de gloire au milieu des années 70. L’intérêt des médias de masse pour ce genre musical s’est lentement estompé dans la seconde moitié des années 80. Cela allait-il signifier pour autant la mort du rock progressif ? Aucunement, la scène musicale rock progressif n’a cessé d’être fertile pendant toutes ces années. Il y a évidemment certains chanteurs et musiciens des années 70 qui ont continué de produire, mais il y en a aussi une multitude d’autres qui se sont joint à eux durant les quatre dernières décennies. Ceux-ci reconnaissent que les Québécois sont de grands connaisseurs et des passionnés rock progressif et ils leurs rendent bien. On a qu’à regarder le nombre de concerts ayant eu lieu à Québec dans les 12 derniers mois : Yes, Pendragon, Transatlantic, Dream Theater, Sound of contact, Neal Morse, The D Project, RPWL, the Flower Kings et j’en passe. Chaque année en mai, les québécois ont la chance de pouvoir vivre un événement qui leur permet de littéralement baigner dans l’esprit musical du rock progressif. Le festival Terra Incognita fêtait d’ailleurs cette année ses 10 ans d’existence. Pour l’occasion, les têtes d’affiche pour chacun des trois soirs que durait l’évènement étaient respectivement : IZZ, Glass Hammer et Fabio Zuffanti. Chaque soir, le concert du groupe principal était précédé par deux autres concerts d’artistes de la scène du rock progressif. J’ai eu le plaisir d’assister aux concerts du samedi 17 mai, soirée où Glass Hammer, 3RDegree et Néodyme s’offraient en prestation.
Le premier groupe à briser la glace fut le groupe québécois Néodyme. Le quatuor formé en 2007 possède à ses actifs trois albums studio et travaille présentement sur le quatrième. C’est dans ceux-ci qu’ils ont puisés le matériel nécessaire pour alimenter la prestation de 90 minutes qu’ils nous ont offerte dans le cadre de Terra Incognita. Fort de ses six années d’expériences, Néodyme a su livrer sur scène, et ce de façon remarquable, des pièces instrumentales très techniques tirant leurs racines de la musique classique et du jazz. Par moment, le côté jazzé de certaines pièces rappelait les envolées du groupe UZEB. Cela dit, ce n’était que de brefs rappels et loin de moi l’idée de vouloir comparer les deux groupes, Néodyme ayant un esprit musical qui lui est propre. C’est une musique très inspirée, tantôt mélodique et planante, tantôt rock presque métallique avec des relents de jazz fusion.
Le mélange de pièces provenant des différents albums m’a permis de constater la progression du groupe. En effet, les pièces plus récentes avaient une signature plus complexe démontrant une maturité musicale grandissante au sein de la formation. Cela dit, les pièces du premier album n’ont rien de simple, elles sont d’ailleurs parmi celles que j’ai préférées. Les spectateurs ont eux aussi apprécié ce qu’ils ont entendu. La réception polie du début de la prestation s’est rapidement transformée en applaudissements et en cris d’appréciation.
La qualité du spectacle et l’énergie positive qui se dégageait du groupe ne pouvaient que gagner le cœur du public. La bonne humeur des membres du quatuor ainsi que le plaisir qu’ils avaient à donner leur spectacle était d’ailleurs très visibles. Quoi de plus agréable que de voir à l’œuvre des musiciens qui aiment ce qu’ils font. Néodyme fut pour moi une belle découverte et ils peuvent dire : Mission accomplie !
Liste des pièces instrumentales interprétées par Néodyme :
- Sous prescription (Le guetteur)
- M. Fraunky (Le guetteur)
- L’ouverture de la brèche (Le guetteur)
- Fuite d’attention (album à paraitre)
- Casse-tête (La tour)
- Sommeil en veille (Ensemble derrière la lune)
- La décente (La tour)
- Perceptions (Ensemble derrière la lune)
- Soubresaut du temps (Le guetteur)
- Grimoire (Le guetteur)
- Le jour de la nuit (album à paraitre)
- Montagnes Russes (La tour)
C’est 3RDegree qui a par la suite pris d’assaut la scène. Le groupe américain a vu le jour au début des années 90 et a produit à ce jour quatre albums. La plus récente parution du groupe, l’album The long division (2012) a eu droit à des critiques élogieuses et s’est retrouvé parmi les top 10 et top 20 de plusieurs magazines ou sites Web dédiés au rock progressif, lors du bilan de l’année 2012. L’enregistrement de leur cinquième album (studio) va bon train, cependant aucune date de parution n’a encore été avancée. Pour 3RDegree, cette visite à Québec constituait une première sortie hors des États-Unis. Dès son entrée sur scène, le groupe a annoncé ses couleurs, sa prestation en serait une empreinte d’énergie et d’humour. En effet, ils ont surpris les spectateurs en jouant une mini comédie lors de leur entrée sur scène. Tout au long du concert, le chanteur George Dobbs a pris plaisir à faire rire la foule. Les autres membres du groupe se sont d’ailleurs prêtés à l’exercice avec un naturel qui laisse croire que cette atmosphère de détente par le rire fait partie du quotidien du groupe. Bien que l’ambiance fût tout en légèreté, la musique livrée par 3RDegree ne pourrait recevoir ce qualificatif. Les harmonies vocales, d’une grande richesse, nous plongent à certains moments dans des sonorités d’une grande puissance qui frisaient même parfois la dissonance que l’on rencontre souvent dans le free jazz et la musique classique contemporaine. Sans vouloir mettre de côté les influences du groupe qui vont du jazz au métal, en passant par la pop, le rock progressif européen, le classique et la musique électronique, il est clair que 3RDegree à une sonorité qui lui est définitivement propre et unique.
Les cinq musiciens en pleines maitrise de leur art nous ont livré une performance sans reproche où des pièces issues de leurs différents albums ont été présentées. Ces dernières ont données lieu à des envolées à la guitare et à des solos de synthétiseur aux sonorités variées, ce qui nous ramenait parfois dans le temps, au début des années 70. Bien que le groupe ne soit pas en tournée, le tout était rodé au quart de tour. La grande complicité entre les musiciens, et ce, tant au plan musical qu’à celui des échanges entre les chansons, a d’ailleurs été un élément clé dans la prestation du groupe. Quant à George Dobbs, son charisme est indéniable. Il suscite l’attention et l’intérêt du public dès son entrée sur scènes. Ce charisme allié à ses talents de claviériste et de chanteur fait de lui un des piliers du groupe.
Terra Incognita aura permis à plusieurs amateurs de musique progressive de découvrir 3RDegree, un groupe talentueux qui, sur la lancée de son album The long division (2012), tentera de gagner de nouveaux supporteurs avec son prochain album à paraître.
Liste des pièces interprétées par 3RDegree :
- Human interest story (Human interest story, 1996)
- Cautionnaty tale (Narrow-Caster, 2008)
- You’re fooling yourselves (The long division, 2012)
- Apophenia (Narrow-Caster, 2008)
- Socio-economic petri dish (The long division, 2012)
- Televised (The long division, 2012)
- Memetic pandemic (The long division, 2012)
- Ladder (Human interest story, 1996)
- Live with this forever (Narrow-Caster, 2008)
- Life at any cost (album à paraitre)
- Best and brightest (album à paraitre)
- Free for all (Narrow-Caster, 2008)
- Top secret (Human interest story, 1996)
Après les deux excellentes performances de Néodyme et 3RDegree, les spectateurs présents étaient fin prêts pour la pièce de résistance, le groupe Glass Hammer. Formé en 1992 par les deux multi-instrumentalistes Steve Babb et Fred Schendel, le groupe a mis sur le marché en 2014 son 15e album studio Ode to echo. Bien que le groupe soit à faire la promotion de cette nouvelle parution, seulement deux pièces de cet album nous été présentés. Le groupe a sûrement profité de ce passage à Québec pour faire plaisir à ses admirateurs en interprétant ses classiques tirés des albums précédents. Avec ses 15 albums studio, ce n’est pas le choix qui faisait défaut !
Dès qu’ils ont mis les pieds sur scène, les musiciens ont reçues un accueil des plus chaleureux. La musique débute, les gens dans la salle ont vite fait de reconnaître So close so far de l’album Shadowlands. Du bonheur instantané ! L’introduction musicale nous transporte immédiatement dans le monde de Glass Hammer, un univers mélodique empreint d’une complexité musicale parfaitement dosée afin de ne pas souffrir de la stérilité associée aux redus trop technique et sans âme. Carl Groves et Susie Bogdanowicz nous ont livré une version vocale très inspirée qui, à mon avis, sublime cette pièce déjà très inspirée (ce sera ainsi tout au long du concert, les deux vocalistes nous offriront des moments magiques et ferons part d’une grande complicité). Dès la fin de la pièce, la foule se lèves spontanément et les applaudissements fusent. Les membres du groupe semblent tout à fait surpris de cet accueil si chaleureux.
Après ce départ canon, Glass Hammer nous offre par la suite la pièce Beyond within tirée de l’album fétiche If . L’influence des membres fondateurs Steve Babb et Fred Schendel sur la sonorité du groupe et sur le rendu musical est indéniable. Ces deux multi-instrumentistes nous livrent tout au long de la soirée une performance de haut niveau. Comme pour un bon vin, les années ne font que rehausser leurs qualités !
Nous avons par la suite droit à Misantrog, un premier extrait du plus récent album du groupe. Cette pièce au refrain accrocheur nous fait voyager et passer par différentes émotions créées par les variations mélodiques et rythmiques. Cette prestation ne laisse aucun doute sur le bienfondé des critiques plus que positives que reçoit l’album Ode to echo.
Les deux chanteurs quittent par la suite la scène pour laisser toute la place au quatuor Schendel (clavier), Babb (guitare basse), Raulston (drum) et Shikoh (guitare). Au grand plaisir de la foule, ceux-ci nous interprètent la pièce instrumentale Chronotheme (2001). Cette courte pièce d’environ quatre minutes nous permet d’apprécier à 100% toutes les qualités techniques des quatre musiciens. Les sonorités de la guitare de Shikoh et des claviers de Schendel sont empreints de textures musicales d’une grande richesse. La foule était comblée et en redemandait.
Après avoir mis en évidence le volet instrumental, le groupe poursuit avec quatre pièces très mélodiques : A rose for Emily, Through a glass darkly, Rest et Porpoise song, mettant en vedette les voix de Susie et Carl. La foule se laisse littéralement bercer par ces quatre pièces. À une certaine époque, les briquets auraient été allumés, pontés bien haut dans les airs et auraient valsés aux rythmes de ces pièces. Pour terminer la soirée, Glass Hammer a interprété les deux classiques If the stars et Time marches on, et ce, pour le plus grand plaisir de leurs admirateurs qui les ont applaudis à tout rompre avant de quitter la salle le sourire aux lèvres. Ce sont des performances de ce genre qui font que le rock progressif est toujours bien vivant !
Pour ceux qui n’ont pas eu l’opportunité d’assister à l’une des soirées du festival Terra Incognita 2014, je vous invite à visiter le site du festival pour en savoir plus sur l’évènement.
Liste des pièces interprétées par Glass Hammer :
- So close so far (Shadowlands, 2004)
- Beyond within (If, 2010)
- Misantrog (Ode to echo, 2014)
- Chronotheme (Chronometree, 2001)
- A rose for Emily (Three cheers for the broken-hearted, 2009)
- Through a glass darkly (The inconsolable secret, 2005)
- Rest (Culture of ascent, 2007)
- Porpoise song (Ode to echo, 2014)
- If the stars (If, 2010)
- Time marches on (Parelandra, 1995)
Albums photo de la soirée
Glass Hammer : http://danielbouchard.zenfolio.com/glasshammer/slideshow
3RDegree : http://danielbouchard.zenfolio.com/3rdegree/slideshow
Néodyme : http://danielbouchard.zenfolio.com/p726763945/slideshow
Crédit photos : Daniel Bouchard
Sites Web
Glass Hammer : http://glasshammer.com/
3RDegree : http://www.3rdegreeonline.com/
Néodyme : http://www.neodyme.ca/Main.html
