Belles Soeurs The Musical: un succès sur toute la ligne à ne pas manquer

Depuis 1968, la pièce de théâtre «Les Belles-Soeurs» de Michel Tremblay a connu plusieurs traductions et adaptations, toutes aussi réussies les unes des autres. Cette nouvelle version musicale anglophone ne déroge pas, c’est un spectacle différent mais tout aussi renversant. Drôle et touchant à la fois, «Belles Soeurs – The Musical» est une merveilleuse vitrine de la réalité des femmes de l’époque au Québec qui pourrait être facilement exportable ailleurs dans le monde. Le Centre Segal des arts de la scène frappe un grand coup en présentant cette éblouissante production jusqu’au 16 novembre.

L’histoire débute avec Germaine Lauzon qui gagne un million de timbres-primes qu’elle doit coller dans des livrets pour réclamer des prix. Elle invite donc sa famille et ses voisines à un «party» pour coller des timbres. La jalousie et l’envie feront ressortir les conflits et la véritable personnalité de chacune et de leurs amitiés. L’arrivée du mouton noir de la famille de Germaine, Pierrette, causera un émoi dans la cuisine et ajoutera du piquant aux conflits. À noter que la fin de cette version est différente des autres «Belles Soeurs». Disons seulement qu’on a voulu montrer le côté givré de l’histoire!

Belles Soeurs The MusicalCette version anglophone est différente en plusieurs points de vue de la production musicale francophone d’il y a 4 ans. Quelques personnages sont disparus (3 de moins) et plusieurs nouvelles chansons sont introduites. Mais l’essence même de ce chef-d’oeuvre reste et cette version ajoute une vision différente observée par des yeux extérieurs à cette culture.

Les interprètes ont toutes de très belles voix justes et agréables à entendre raconter leur histoire. Il n’y a pas vraiment de point faible dans la distribution. La mise en scène de René Richard Cyr est géniale et dépasse toutes attentes. Il semble même l’avoir amélioré avec quelques ajouts. Les chansons sont entraînantes et avec du mouvement ce qui permet de rehausser la qualité du spectacle. On sort de notre soirée comblé et avec plusieurs chansons en tête, ce qui est très bon signe. Sans compter que la pièce de théâtre à l’origine de cette comédie musicale est une référence théâtrale québécoise et probablement la plus exportée et traduite de l’histoire du Québec. Quand on réunit tous ces éléments, vous avez la raison qui fait de ce spectacle un grand succès et un événement à voir absolument.

Élise Cormier (Linda), Astrid Van Wieren (Germaine) et Genevieve Leclerc (Pierrette)
Élise Cormier (Linda), Astrid Van Wieren (Germaine) et Genevieve Leclerc (Pierrette)

Astrid Van Wieren (Germaine Lauzon) dans le rôle principal excelle par son jeu et sa voix. Sa chanson «Free» qui débute le spectacle donne le ton avec son rythme et son assurance. Sa présence scénique et sa voix prennent tout l’espace quand nécessaire et son jeu intense à la scène finale est émouvant. Genevieve Leclerc (Pierrette, la jeune soeur de Germaine) n’arrive qu’à la fin du premier acte mais devient un des pivots de l’histoire. On sent la rébellion de son personnage mais aussi une certaine envie de réconciliation. Elle a une voix solide et puissante avec un penchant un peu jazz. Elle est pleine d’émotions et touchante dans sa chanson «Johnny» vers la fin. Élise Cormier (Linda, la fille de Germaine) joue et chante tout en nuances. Parfois avec une voix douce qui semble sortir d’un film de Disney, puis quand son personnage met sa fragilité de côté elle sort sa voix puissante. Sa chanson «I Hate Her» est mémorable.

Parmi les numéros très réussis on remarque «Dull Life» dont la mise en scène et les harmonies vocales nous restent en tête. Paula Wolfson (Angéline) vole la vedette dans «In a Club» (chanté avec Linda et Pierrette) grâce à sa voix de poitrine puissante. Stephanie McNamara (Rose) dans «If Life Was a Movie» nous donne tout un spectacle, sans compter les belles harmonies qui l’accompagnent. Lisa Horner (Mme De Courval) surprend et nous amuse avec sa voix classique pleine de vibrato. Lili Connor (Des-Neiges) utilise toutes les nuances de sa voix ce qui la rend plus expressive. Valerie Boyle (Yvette) nous fait bien rire avec sa chanson interminable des invités du mariage de sa fille. Mais c’est sans contredit la chanson «Ode to Bingo» qui marque le plus: les harmonies, la mise en scène, les éclairages, bref tout de cette chanson donne le goût de revoir cette scène plusieurs fois.

Ode to Bingo
Ode to Bingo

Tous les petits détails donnent une finition parfaite au spectacle. Par exemple un thème musical est utilisé à chaque fois qu’il y a vol de timbres. Le percussionniste qui utilise des articles de cuisine est un ajout plutôt original. Les six musiciens sont discrets (sur les côtés à l’arrière) mais efficaces. La sonorisation est aussi très réussie: l’équilibre entre les paroles et la musique est tout à fait naturel.

Si vous aimez le théâtre ou la comédie musicale, courrez acheter vos billets. C’est une version différente de ce qu’on connaît de la pièce de théâtre mais qui est glorifiée par une musique et des arrangements qui donnent un mouvement à cette épopée. Amenez vos parents ou amenez vos enfants, vous êtes assuré de passer une soirée à la fois divertissante et émouvante. C’est un des meilleurs spectacles de l’année.

Les bons coups: oeuvre exceptionnelle, musique, interprètes de talent, mise en scène, détails, chansons accrocheuses

Les moins bons coups: manque de temps pour explorer certains personnages secondaires

Astrid Van Wieren (Germaine Lauzon)
Astrid Van Wieren (Germaine Lauzon)

Équipe de création
D’après le pièce «Les Belles Soeurs» de Michel Tremblay
Production de Copa de Oro
Mise en scène: René Richard Cyr
Livret et paroles francophones: René Richard Cyr
Musique: Daniel Bélanger
Livret anglophone: Brian Hill
Paroles anglophones, musique additionnelle et adaptation de la musique: Neil Bartram
Orchestration et direction musicale: Chris Barillaro
Décors: Jean Bard
Costumes: Mérédith Caron
Éclairages: Martin Labrecque

Distribution: Valerie Boyle (Yvette Longpré), Lili Connor (Des-Neiges Verrette), Élise Cormier (Linda Lauzon), Lisa Horner (Lisette De Courval), Genevieve Leclerc (Pierrette Guérin), Anik Matern (Thérèse Dubuc), Geneviève St-Louis (Marie-Ange Brouillette), Stephanie McNamara (Rose Ouimet), Marcia Tratt (Rhéauna Bibeau), Astrid Van Wieren (Germaine Lauzon), Paula Wolfson (Angéline Sauvé), Jocelyne Zucco (Olivine Dubuc).

Musiciens: Chris Barillaro, Mike De Massi, Meiling Fong, Camille Paquette-Roy, Jason Stillman, Alessandro Valiante.

Présenté en anglais du 19 octobre au 16 novembre 2014 au Centre Segal des Arts de la Scène (5170 Côte-Ste-Catherine, Montréal).
Durée de 2h10 avec entracte.
Billets (50$-64$) sur http://www.segalcentre.org/ ou au 514-739-7944

Photos: Andrée Lanthier