Dans la république du bonheur une expérience théâtrale unique!

Joanie Lejoux, Noémie O'Farrell
Joanie Lehoux, Noémie O’Farrell

Depuis le 13 janvier dernier, le théâtre du Trident présente à la salle Crémazie la pièce Dans la République du bonheur de l’auteur Martin Crimp et mise en scène par Christian Lapointe. Noël en Floride dans un univers kitsch, où tout baigne dans l’étrange, l’absurde et l’inconfortable incompréhension. Préparez-vous à être secoué !

Synopsis: Le repas de Noël d’une famille aux allures unies est interrompu par l’arrivée inattendue de l’oncle Bob (David Giguère). Mais Bob ne restera pas. Sa femme Madeleine (Éve Landry) l’attend dans la voiture. Madeleine l’a chargé de répandre en mots sa haine et son dégoût de sa propre famille avant de partir vivre son bonheur ailleurs.

D’emblée dites-vous que si vous ne comprenez pas, si vous êtes déstabilisés, si vous avez l’impression de faire partie d’un énorme vidéoclip, ou d’une satire d’une pièce de music-hall, c’est probablement normal. Le texte de Martin Crimp, dramaturge britannique connu pour son écriture crue et son humour noir, juxtaposé à la mise en scène très burlesque, style cabaret, à l’univers kitsch, créé par Christian Lapointe donne lieu à une expérience théâtrale unique qui est préférable de voir et même presque impossible à bien décrire pour se faire une idée.

Normand Bissonnette et Lise Castonguay
Normand Bissonnette et Lise Castonguay

Lapointe aborde le thème de la liberté individuelle à l’intérieur de la collectivité, dans cette pièce structurée en 3 parties. Dès la levée du rideau, on retrouve un décor fabuleux d’un Noël en famille, quelque part en Floride. Du gazon, du sable, une piscine, des chaises de patio, un pit pour jouer au fer, une bicyclette d’exercice, un sapin, des cadeaux, des lumières de Noël et même une toilette chimique et un écran projetant l’image tantôt d’un aquarium, d’un feu de foyer et même d’un théâtre de marionnettes de barbies. Ajoutez à cela des personnages aussi colorés que leurs vêtements. Une mère (Lise Castonguay), aux couleurs jaune serin, qui veut l’harmonie entre ses deux filles, mais ne cesse de montrer son favoritisme pour l’une d’elles. Un père (Normand Bissonnette) qui prétend être sourd lorsqu’il ne veut pas entendre, un grand-père (Roland Lepage) allumé par les petites revues porno et qui s’enorgueillit de pouvoir encore bander, mais semble oublier que c’est sa femme, la grand-mère (Denise Gagnon) qui fut un jour une grande médecin qui fait toujours vivre sa famille et s’amuse encore à regarder les gens de haut lors de ses promenades en taxi. Et les deux filles, l’une en robe bonbon (Joanie Lehoux), qui est tombée enceinte et est la chou chou de la famille et l’autre en bleue (Noémie O’Farrell) jalouse de sa sœur, qui en a gros sur le cœur et qui ne cesse de prendre des selfies. Tour à tour, ces personnages, en prenant le micro et en s’adressant au public, se disent leurs quatre vérités sous le couvert de la blague parfois, tempèrent leurs propos et tentent de garder une soi-disant harmonie… jusqu’à l’arrivée de l’oncle Bob (David Giguère) qui lui, bien qu’il adore sa famille, se fait le porte-parole de sa femme Madeleine (brillante Ève Landry) qui attend dans l’auto, en envoyant promener toute la famille avec des répliques cinglantes, un fiel acéré, mais avec une fausse confiance en lui, tel un poème, un slam dont il n’est pas l’auteur et qu’il tente de délivrer du mieux qu’il peut.

David Giguère
David Giguère

Bob et Madeleine ont décidé de quitter la famille, de partir pour ne plus revenir. Ils s’en vont vivre leur bonheur, dans leur république du bonheur. Et c’est là que la deuxième partie de la pièce enchaine, avec chansons (mises en musique par Keith Kouna) accompagnées de guitare ou de synthétiseur et de vidéoclips sur écran géant. Il y a aussi un théâtre de marionnettes de barbies, à l’image des personnages de la pièce. Puis, le tout se termine par la troisième partie, où là, les cinq règles d’or de la république du bonheur sont énoncées (La liberté d’écrire le scénario de ma propre vie, La Liberté d’écarter les jambes, cela n’a rien de politique , La Liberté de faire l’expérience d’un horrible trauma , La Liberté de tourner la page et de passer à autre chose, La Liberté d’avoir l’air bien et vivre pour toujours ) et que tout un chacun parle à tour de rôle, empruntant les mots de l’autre, en répétant ceux des autres, en ajoutant les siens. Bref tous les procédés narratifs y passent et on ne sait plus qui parle, ni ce qu’ils veulent vraiment dire. C’est plutôt comme une mélodie qu’on récite, des phrases avec du rythme, souvent accompagné de musique, ou du moins de son. Du théâtre de l’absurde à la Eugène Ionesco, mélangé aux procédés théâtraux de Harold Pinter où les dialogues basculent de manière inattendue, des récits flous et contradictoires, un dérapage verbal rempli de répétition, saturation, un véritable travail stylistique.

Les acteurs sont fabuleux dans cette pièce pour le moins étrange. Ils chantent, s’harmonisent entre eux en parole et en gestes. Chose certaine, on ne s’ennuie jamais, car les personnages sont presque toujours présents et s’activent constamment sur cette grande scène utilisée à pleine capacité.

La mise en scène de Christian Lapointe est extrêmement originale, ingénieuse, et fait en sorte qu’on veut continuer d’écouter et de regarder cette pièce, même si on a souvent l’impression de n’y rien comprendre. On cherche un sens à tout ça, mais bien honnêtement, on n’en trouve pas, sauf qu’on reste accroché pendant 1 h 45 à cet univers fascinant et ces personnages qui nous accrochent, nous écorchent, nous intriguent, nous divertissent.

Lise Castonguay et Ève Landry
Lise Castonguay et Ève Landry

La pièce est présentée du 13 janvier au 7 février 2015 à Québec au Théatre du Trident

Puis elle sera présentée du 19 février au 28 février 2015 à Montréal à la Place des arts

Distribution

Normand Bissonnette (papa)

Lise Castonguay (maman)

Denise Gagnon (grand-mère)

David Giguère (oncle Bob)

Ève Landry (Madeleine)

Joanie Lehoux (Hazel)

Roland Lepage (grand-père)

Noémie O’Farrell (Debbie)

 

Conception

Scénographie : Matéo Thébaudeau et Jean Hazel

Costumes : Virginie Leclerc

Éclairages : Martin Sirois

Musique : Keith Kouna

Dramaturgie : Sophie Devirieux

Projections : Lionel Arnould

Coiffures : Sébastien Ouellet

Maquillages : Sébastien Ouellet

Accessoires : Julie Lévesque

http://www.letrident.com/index.php/alaffiche/dans-la-republique-du-bonheur

http://www.theatreblanc.qc.ca/dans-la-republique-du-bonheur/

 

Crédit photo : Nicola-Frank Vachon