Voleurs d’enfants un deuxième tome de la série Les Chroniques de Gervais d’Anceny par Maryse Rouy qui tient toutes ses promesses

Maryse Rouy Voleurs d'enfants © photo: courtoisie
Maryse Rouy Voleurs d’enfants © photo: courtoisie

C’est à nouveau un drame familial qui force Gervais d’Anceny, que nous avions découvert dans le roman de Maryse Rouy, Meurtre à l’hôtel Despréaux, à quitter son monastère normand du Neubourg pour rejoindre Paris. Son statut d’oblat, l’autorise en effet à vivre comme les moines sans toutefois prononcer ses vœux et donc être soumis à la règle de la clôture. C’est donc accablé par la terrible nouvelle de l’enlèvement de son petit fils adoré, Colin, qu’il retrouve son fils et sa bru en leur maison de commerce, en plein cœur de Paris. Un Paris qui, en ce 14ème siècle, est une ville bien dangereuse, miséreuse voire même pour beaucoup de ses habitants, indigente, mais aussi riche des possibilités du commerce pour tous ces grands marchands négociants en draps, vins… qui forment la bourgeoise montante à laquelle Gervais d’Anceny et sa famille appartiennent. Une ville où, à l’image de la société française tout entière et même européenne très hiérarchisée et cloisonnée, les ascensions sociales, aussi minimes soient-elles, sont rares.

Son fils Philippe et sa femme Mariette espèrent beaucoup de l’aide de Gervais alors que la prévôté (la police de l’époque) semble avoir abandonné une enquête dont l’issue leur semble comme à plusieurs écrite : Colin a été enlevé comme beaucoup d’autres enfants, probablement même par une bande bien organisée, pour être réduit à l’état de mendiant après que ses ravisseurs auront eut soin de le mutiler pour contourner l’interdiction faite aux valides de mendier. Alors pourquoi se raccrocher à l’espoir que Gervais pourra réussir là où la prévôté et ses troupes ont visiblement échoué : Car Gervais a fait merveille quelques mois auparavant lorsque Simon, le fils de sa nièce, Mathilde Despréaux, était accusé à tord d’avoir tué une comédienne. Sa parenté espère donc beaucoup de lui, de sa capacité de raisonnement, mais aussi de sa grande connaissance autant des hommes que de Paris, de son fonctionnement, sans compter une amitié avec le prévost-adjoint ce qui ouvre bien des portes et permet de relancer les ardeurs un peu ralentie des troupes de ce dernier et, il ne faut pas se le cacher, de lui-même. Une amitié aussi qui reste précieuse car elle permet de pouvoir disposer quand nécessaire de l’aide et de l’appui des forces officielles. Pourtant, la tâche est bien rude et Gervais malgré toute son ardeur et l’aide de ceux qui se sont joints à lui, notamment Perrin assistant de Philippe dans sa maison de commerce, Valentin, l’ancien mendiant recueilli par la famille et Justin le valet de cuisine, semble devoir perdre la partie. Ce n’est qu’au péril de leur vie que l’énigme sera résolue mais les vies qui en dépendent pourront-elles, elles, être sauvées?

C’est avec un véritable plaisir que nous retrouvons dans ce second tome des Chroniques de Gervais d’Anceny tous les personnages et le fil de leur vie mais aussi le Paris du 14ème siècle, autre véritable personnage de cette série, dont nous avions fait la connaissance dans Meurtre à l’hôtel Despréaux. L’auteure a su notamment établir les ponts entre ses deux tomes en continuant de tisser les liens entre les personnages et, par la même, nourrir la nouvelle intrigue. Nous avions en effet envie de connaître la suite des relations entre tous les protagonistes et surtout les conséquences que l’intrigue avait eues sur celles-ci. Maryse Rouy, répond parfaitement à nos attentes. Pour autant, le nouveau lecteur saura suivre ce nouveau roman sans être frustré grâce au doigté de la romancière qui par le truchement de Gervais, remet en scène, les éléments explicatifs nécessaires de la précédente histoire sans que cela paraisse jamais plaqué ou inutile et lourd au lecteur déjà « introduit ». C’est donc naturellement que Voleurs d’enfants s’inscrit dans le prolongement de Meurtre à l’Hôtel Despréaux.

Pour autant, le deuxième volet des Chroniques de Gervais d’Anceny n’est pas qu’une simple variation d’une recette qui avait réussie. En effet, même si le socle du roman repose cette fois-ci encore sur l’interaction entre un roman historique rigoureux et un roman policier, Maryse Rouy a su renouveler non seulement le fil du suspense mais aussi l’angle de vue. Ainsi, si dans le premier roman la profondeur du roman était à chercher dans les différents niveaux de lecture qu’engendrait un récit à plusieurs plans, la vie au monastère, les questionnements de l’engagement spirituel, les liens entre deux amis de longue date, la vie dans le Paris du 14ème siècle et une affaire policière à résoudre, ici l’emphase est plutôt mise, et avec succès, tant sur la chronique sociale du Paris de l’époque et les relations qui se tissent entre les membres d’une société bien loin de nous que dans le suspense de l’intrigue. En effet celui-ci est bien plus ménagé, notamment avec la chute finale, que dans le premier tome et le lecteur ne rencontre plus cette sensation de facilité ou de prétexte à, qu’il avait pu alors regretter.

Cette fois encore, Maryse Rouy nous entraine dans une plongée au cœur d’une époque, le Moyen Âge, dont nous croyons tout connaître au gré des stéréotypes qui peuplent notre imaginaire et qui, grâce à ses romans, mais aussi à son érudition, nous apparaît certes comme violente mais aussi tellement plus riche et complexe dans ses rapports sociaux et humains comme dans sa vie quotidienne et économique. Une thématique, les rapts d’enfants pour les réduire en esclavage, qui  résonne aussi malheureusement douloureusement pour les  témoins que nous sommes des mêmes atrocités en ce 21ème siècle et qui nous rappelle, fort à propos, que la barbarie n’est pas réservée à ces temps lointain. Voleurs d’enfants s’inscrit donc pleinement dans l’œuvre de Maryse Rouy, auteure qui aime dans la plupart de ses livres faire se rejoindre ses deux passions : Le Moyen Âge et le roman policier. Une réussite rigoureuse et dynamique qui a été reconnue par Le Prix Saint-Pacôme qui lui a été remis pour Au nom de Compostel et par le succès que connaissent ses livres auprès des lecteurs.

Pour ce deuxième tome des Chroniques de Gervais d’Anceny, Maryse Rouy nous indique, comme elle l’avait fait pour Meurtre à l’hôtel Despréaux, sa même source historique d’inspiration datant du début du 15ème siècle: Le Journal d’un bourgeois de Paris, l’une des principales chroniques urbaines de cette époque parvenue jusqu’à nous.
Cette fois encore, l’auteure a prévu de faciliter notre lecture autant que notre immersion dans la France du 14ème siècle par deux glossaires : Un, des principaux protagonistes du livre (indispensable pour les nouveaux lecteurs de la série) et l’autre, des termes et vocabulaire d’époque utilisés dans le récit.

Nous espérons que bientôt l’auteure puisera une nouvelle fois dans un recueil d’époque le sujet qui nous permettra de connaître la suite de la vie de Gervais et de sa famille élargie!

Maryse Rouy © Maxyme G. Delisle
Maryse Rouy © Maxyme G. Delisle

À propos de l’auteure:

Maryse Rouy a publié une trentaine de romans. Qu’ils s’adressent aux jeunes ou aux adultes, ils marient harmonieusement une recherche approfondie et les libertés de la fiction. Bien qu’elle se soit intéressée à diverses époques, le Moyen Âge reste sa période de prédilection.

Les Chroniques de Gervais d’Anceny: Voleurs d’enfants
Maryse Rouy
Roman
Éditions Druide http://www.editionsdruide.com
312 pages
24,95 $
En librairie le 4 février 2015
isbn papier : 978-2-89711-177-9
isbn epub : 978-2-89711-178-6
isbn pdf : 978-2-89711-179-3
Les libraires: http://www.leslibraires.ca/livres/les-chroniques-gervais-anceny-2-voleurs-maryse-rouy-9782897111779.html/ceaff1d7d9ad1913068336b8e2464172418775df41c673bd84094234bdea9ee40965223ab291ab98d3c875d776ed279b506e0a1e4eded5f274138a2c42a42bc6/?u=4850

© photo: courtoisie