La liberté

Simon Landry-Désy et Dominique Leduc ©Francis Rhéaume
Simon Landry-Désy et Dominique Leduc ©Francis Rhéaume

Nous nous disons libres, nous qui n’avons toujours connu que cela, mais nous sommes d’abord libres parce qu’on nous l’a laissé entendre, libres par comparaison avec d’autres qui ne l’ont jamais été ou qui ne le sont plus. Et satisfaits de cette certitude, peu d’entre nous avons entrepris de questionner en profondeur cette idée de liberté. C’est pourtant ce qu’a choisi de faire Martin Bellemare avec sa pièce La liberté, dont la première avait lieu hier soir au théâtre Denise-Pelletier.

Dans nos sociétés où tout s’achète, se consume et s’invente à une vitesse folle, comment cela se passerait-il si, au lieu d’entendre parler de suicide assisté, d’euthanasie ou d’aide médicale à mourir, nous entendions plutôt parler d’un service qui vous vend la mort « comme vous la voulez »? Par pendaison? Par balle? Par injection létale? Avec ou sans souffrance? Une mort certifiée ISO pour tous, tant pour les malades que pour les bien portants. C’est dans ce pseudo futur que vivent Paul, Mary, Max et Peter. Paul vient de faire entrer son fils dans le service gouvernemental auquel il se targue d’appartenir. Il commence à l’initier avec une neutralité chirurgicale quand une personne qu’il connaît trop bien se présente pour recevoir ce service de mort.  C’est à ce moment que tout bascule. Les gestes et paroles répétés machinalement dans l’exercice de ses fonctions perdent leur sens, l’émotion fait surface. Il se retrouve acculé au pied de cette liberté de choix qu’il avait si bien défendue jusque-là.

Gabrielle Côté ©Francis Rhéaume
Gabrielle Côté ©Francis Rhéaume

La liberté, c’est une fable d’horreur moderne d’une extrême lucidité. Ce n’est pas une pièce sur l’aide médicale à mourir, mais une forme d’extrapolation. Elle montre d’un doigt brutal des concepts qu’on prend souvent pour acquis: le travail, l’amour, la famille, la liberté de choix. Le texte est riche et laisse, par bonheur, peu de place aux moments de silence. La musique et les effets sonores créent un climat d’inquiétante étrangeté qui rendent le spectateur captif. Le décor presque inexistant (quelques chaises) met en valeur un jeu de lumières subtil qui lui, met en valeur l’expressivité de comédiens qui supportent le texte avec brio. À la toute fin de la pièce, ils ont été applaudi trois fois, mais il n’y a pas eu d’ovation debout. Sûrement parce que public avait les jambes sciées. Le souffle court et les jambes sciées.

La liberté, au théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 24 octobre

Texte Martin Bellemare

Mise en scène Gaétan Paré

Avec  Frédéric Blanchette, Gabrielle Côté, Gérald Gagnon, Simon Landry-Désy et Dominique Leduc

Informations et billets http://www.denise-pelletier.qc.ca/spectacles/42/