Sur les traces de Champlain, un roman-voyage extraordinaire en vingt-quatre tableaux

Sur les traces de Champlain © courtoisie
Sur les traces de Champlain © courtoisie

24 auteurs francophones réunis pour 24 heures dans un train traversant le Canada d’Halifax à Toronto. Non il ne s’agit pas d’une nouvelle déclinaison de ce grand classique du roman policier dans un univers clos dont la littérature foisonne mais plutôt du projet fou et risqué d’Anne Forest-Wilson fondatrice et directrice de l’Ecriture en mouvement, cet organisme qui s’est donné pour mission de « promouvoir l’écriture dans tous ses états, d’en explorer les possibilités infinies, de plonger dans l’univers illimité de la langue, tout en jonglant avec les mots ». Ce projet, muri dans sa mise en place concrète durant deux ans et surtout rêvé depuis deux décennies, n’était pas moins que de permettre la création d’une œuvre littéraire unique en son genre, d’ouvrir la voie, d’explorer des chemins jamais défrichés à l’enseigne du héros du roman qui allait naître : Samuel de Champlain. Vingt-quatre auteurs ont accepté de relever le défi de cette œuvre collective si particulière. Vingt-quatre auteurs venus de ces terres et des cultures qui ont rythmé la vie de Champlain, la France, l’Acadie, les Territoires autochtones, l’Ontario, le Québec et qu’en retour il a influencé et même, pour certaines de ces cultures, initiées. En bien, en mal ? Là n’est pas l’objet de ce roman même si, en filigrane, demeure toujours lancinante et tellement d’actualité la question de cette Nouvelle-France qui s’implante, et se développe sur des terres qui appartiennent à d’Autres. Des « sauvages » comme on dit alors que l’on aura tôt fait, sitôt les dernières effluves de la « tabagie » retombées et la santé retrouvées grâce à leurs soins, de soumettre au nom d’un Dieu que l’on veut hégémonique et d’intérêts politiques, économiques et financiers bien compris.

Samuel de Champlain était le personnage idéal pour ce défi littéraire et l’avoir choisi était déjà en soit l’une des forces et réussites du projet. Célébrissime dans le tout le Canada, et particulièrement tout le Canada francophone, il en est le père fondateur. Pourtant, si son œuvre autant scientifique que fondatrice est connue, reconnue, étudiée, publiée, l’homme reste méconnu, et pourrait même être considéré comme le plus célèbre inconnu de notre histoire. Même son portrait, qui orne tant de monuments, tableaux, gravures …, ne le représente pas mais serait librement inspiré de celui du contrôleur des finances Michel Particelli d’Emery. Son lieu exact de naissance reste inconnu, seul son acte de baptême ayant été identifié et le lieu de sa dernière sépulture, à Québec, demeure un mystère. Les témoignages d’époque parlant de lui, autres que ses propres écrits mais dont l’objectif n’étaient évidemment pas de se raconter et encore moins de se livrer sont rares et parcellaires. Pourtant, quelle vie extraordinaire fut celle de Samuel de Champlain ! Tout à la fois, navigateur, explorateur, géographe, homme de guerre, cartographe, administrateur, meneur d’hommes, chroniqueur, diplomate, commerçant… il fut sans conteste l’un de ces hommes exceptionnels que façonna la Renaissance du monde occidental. Cette vie si foisonnante qui a fait l’Histoire mais qui a gardé tant de mystères fait de Samuel de Champlain le héros romanesque par excellence.

Mais comment rendre compte, en un seul roman, de cette richesse protéiforme en même temps que tournée vers un but ultime? C’est en cela que le roman conçu par Anne Forest-Wilson est une réponse qui s’impose : un roman à plusieurs mains comme autant d’aspects de la vie de Samuel de Champlain mais qui, réunies en un seul volume, créent un portrait cohérent en même temps que témoin de la multitude. Un roman porté, comme la vie de son héros elle-même, par l’aventure et le défi de l’exploration : ici celle de l’écriture de vingt-quatre auteurs écrivant en vingt-quatre heures, ensemble mais séparément, vingt- quatre temps qui sont autant de regards sur la vie Champlain. Un roman, dans lequel les styles multiples des écritures des auteurs ne sont jamais des ruptures de styles et qui s’inscrit dans un cheminement d’un début vers une fin dans lequel le thématique se mêle toujours harmonieusement au chronologique. Une œuvre littéraire où les regards et les genres se croisent et s’entrecroisent alliant, comme à la Renaissance, relation mystique, rationnelle, fantasmagorique, rabelaisienne, journalière, intimiste, militaire, scientifique d’un même parcours. Chacun de ces textes nous raconte un temps de la vie de Champlain, une approche de celle-ci et de ce kaléidoscope naît un portrait riche et attachant, autant qu’instructif nourrissant ainsi nos multiples rêves et rêveries de lecteur. Des arrangements avec l’Histoire, quelques anachronismes, il y en a bien sûr dans ce roman comme dans tout roman historique, même si bien sûr  les écrivains « ont faits leurs devoirs », ont travaillé leur sujet. Mais ils ne se revendiquent pas historiens, ceux-là même qui sont aujourd’hui incapables de rendre compte scientifiquement de la vie complète du fondateur de la Nouvelle-France. Chacun d’eux, d’ailleurs, à partir de ses recherches comme de son approche du personnage autant que son parcours, et de ses envies créatrices, avait, avant le départ, indiqué trois thèmes qui l’inspiraient plus particulièrement. De ses trois thèmes un seul fut retenu par les coordonnateurs du projet et lui fut dévoilé pour respecter l’esprit de l’entreprise… à la montée dans le train. Et comme l’écrit en postface Olivier Salon l’un des auteurs : Les thèmes attribués « les échanges entre écrivains permettaient d’explorer le tuilage des chapitres et le voile se dissipait, tout autant qu’on pouvait alors commencer à envisager la possibilité de ce qui n’était jusque là que potentialité…Vendredi matin nous sommes montés dans le train à Halifax. La tension était à son comble. Juste derrière le tapis rouge qui conduisait au marchepied : les funambules posaient le premier pied sur le fil … ».

C’est avec émotion et reconnaissance qu’Anne Forest-Wilson, entourée de certains des auteurs, a présenté lors d’une table ronde au Salon du Livre de Montréal, le livre « sur les traces de Champlain » tout droit sorti des presses de l’imprimeur. Émotion pour le rêve enfin réalisé, émotion et reconnaissance pour le soutien pour ce pari fou de la maison d’édition Prise de parole comme du « transporteur » Via Rail, émotion et reconnaissance envers les auteurs qui ont accepté avec générosité  et passion de relever le défi et de se mettre en danger… le danger de l’écriture à plusieurs mains, du temps imparti, du thème imposé …Dans son introduction au livre, elle rend ainsi si justement hommage à Samuel de Champlain, à la langue française et aux cultures qu’elle unit et réunit par ses auteur(e)s comme à tous ceux qui ont rendu possible ce livre rêvé: Lecteur, tu as fini de lire ce livre étrange et magnifique ou tu vas bientôt plonger dedans…Ecrire n’est ni simple ni banal. Lire n’est ni simple ni banal, c’est un choix. Lecteur, tu entres ici dans une des plus belles aventures d’écriture qui soient. Notre Roman est à toi et à eux aussi…Le Canada et la France, mes deux pays désormais, embarqués dans la même aventure littéraire, partageant des cultures et une langue, la mienne, la leur, les nôtres. Le français que nous avons en commun et plus encore, Champlain qui a permis l’impossible qui a effacé les frontières… Une parenthèse, une halte, un moment de bonheur, de complicité et d’échange dans un monde qui nous dépasse sans cesse… »

Sur les traces de Champlain, un voyage extraordinaire en vingt-quatre tableaux
Collectif – Les 24 heures du roman
Anne Forrest-Wilson, idéation et direction
Acadie : Herménégilde Chiasson et Gracia Couturier
France : Michèle Audin, Frédéric Forte, Paul Fournel, Hervé Le Tellier, Ian Monk et Olivier Salon
Ontario : Jean M. Fahmy, Vittorio Frigerio, Hélène Koscielniak, Jean-Claude Larocque, Daniel Marchildon, Marie-Josée Martin, Mireille Messier, Daniel Soha, Denis Sauvé et Danièle Vallée
Premières Nations : Virginia Pésémapéo Bordeleau et Jean Sioui
Québec : Yara El-Ghadban, Daniel Grenier, Bertrand Laverdure et Rodney Saint-Éloi
Œuvre en première de couverture : Charles Patcher
Conception de la couverture : Olivier Lasser
Edition prise de parole : http://www.prisedeparole.ca
En collaboration avec l’Ecriture en mouvement : www.ecriture-en-mouvement.com
ISBN: 9782894231890
24,95$ version électronique : 18.99$

© photo de la couverture : courtoisie