Entrevues avec les artisans du film Endorphine

Endorphine
Endorphine

Endorphine, scénarisé et réalisé par André Turpin et mettant en vedette Sophie Nélisse, Lise Roy et Mylène Mackay prend l’affiche le 22 janvier. Endorphine a été présenté en première mondiale lors du Festival international du film de Toronto (TIFF), puis en compétition officielle du 48e Festival international du film de Sitges en Catalogne (Espagne), le plus important festival de films fantastiques du monde, ainsi qu’en sélection officielle de la compétition internationale au Festival du Nouveau Cinéma (FNC) et au Festival international du film de Rotterdam (IFFR), aux Pays-Bas

Synopsis

À 13 ans, Simone De Koninck est témoin du meurtre de sa mère. Pour la guérir de son choc, on l’hypnotise afin qu’elle revive l’évènement traumatisant. Nous plongeons alors dans son inconscience à différentes époques de sa vie. À 25 ans, aux prises avec une culpabilité obsessive, elle confronte le meurtrier de sa mère. Puis, à 60 ans, physicienne épanouie, elle donne une conférence sur la nature étrange du temps. Endorphine est un voyage viscéral et hypnotique à travers 3 histoires qui, comme des rêves, déjouent le réel et le temps.

Voici mes entrevues avec les artisans de ce film.

Mon appréciation du film se trouve ici :

https://info-culture.biz/2016/01/21/endorphine-un-film-audacieux-et-unique-qui-ne-peut-laisser-personne-indifferent/#.VqDKUZrhDvY

André Turpin
André Turpin

Questions pour André Turpin 

Pour votre quatrième long métrage, dont le premier depuis longtemps (2001 Un crabe dans la tête), vous avez écrit et réalisé ce film qui parle du temps et qui nous laisse plutôt perplexes et rempli de questions.

Quelle était votre intention derrière ce film ? Que vouliez-vous faire vivre comme expérience au public ?«D’abord, une chose qui me fascine depuis toujours, c’est la nature bizarre et étrange du temps, telle que décrite par Einstein et les physiciens du 20e siècle. Cela crée en moi un vertige, un trouble, un malaise quand j’entends parler de ces notions difficilement imaginables. J’ai donc voulu exprimer ce vertige, ce malaise, dans le cinéma. J’ai lu beaucoup sur l’astrophysique et la relativité, et sur la notion que l’espace et le temps ne sont pas du tout comme on le perçoit. Quand nos sens nous trompent, nous disent quelque chose qui n’existe pas vraiment, ça me rend mal. Un peu, comme quand j’ai appris au secondaire que lorsqu’on touche une table par exemple, on ne la touche pas vraiment. Il n’y a aucun contact d’atomes réels. C’est juste des pressions électriques qui se font dans nos doigts. Et cela envoie un signal à notre cerveau pour dire qu’on touche la table. Cette notion me rend mal, et m’excite en même temps. J’ai cherché longtemps comment je pourrais réussir à reproduire ce malaise, ce vertige, au cinéma à partir des notions du temps qui sont tellement abstraites et scientifiques. Et c’est en le comparant aux temps dans nos rêves, au temps de l’inconscience, ou au temps de l’hypnose (tous des temps de nature et de conscience altéré), que j’ai pensé pouvoir y parvenir. J’ai décidé de donner certaines clés, mais pas de réponses dans mon film, car je veux que le public voie le casse-tête du film, mais ne tente pas nécessairement de le résoudre. Il ne faut pas voir le film de manière raisonnable, il faut plutôt embarquer et s’abandonner au voyage qui est offert. Il faut le voir avec la logique d’un rêve, de l’inconscience. C’est une proposition exploratoire qui cherche à entrer viscéralement dans le corps de la personne qui le reçoit. Au final, il y a quand même des façons différentes d’expliquer le film, sans que l’une ne soit meilleure ou plus vraie que l’autre. Et je dois dire que j’avais des versions du film durant le montage où tout était beaucoup plus expliqué, et qu’on pouvait y voir une finalité au film. Comme si le casse-tête était fini en sortant de la salle. Et je ne voulais pas ça. Je sais que c’est audacieux, mais je voulais que le film reste dans la tête des gens en sortant.»

La musique est magnifique dans ce film. Comment s’est fait le choix des pièces musicales, et quelle était votre intention avec la musique ? Comment la trame sonore a-t-elle été conçue?«Dans la première portion du film, avec Sophie Nélisse, il y a très peu de musique. En fait, entre le meurtre de sa mère et le réveil de l’hypnose, pendant que Simone n’a pas d’émotions, le film est très silencieux. Et quand l’émotion refait surface chez le personnage de Simone, alors la musique revient. On a aussi de la conception sonore pour ajouter à l’ambiance. Dans la deuxième portion du film, avec le personnage de Simone, joué par Mylène, il y a plus de musique qui représente l’état d’esprit dans lequel elle se trouve, des fois angoissant, des fois plus léger et rêveur. La musique participe beaucoup à l’étrangeté et au climat cauchemardesque du film. Et la chanson du générique, qui revient dans le film comme sonnerie de téléphone de la mère, c’est une pièce peu connue que m’a fait découvrir Xavier Dolan. Je voulais une musique un peu flottante, mystérieuse, mais pop aussi, joyeuse, rêveuse. Ça s’appelle Daydream in blue du groupe I Monster.» 

Comment s’est fait le choix des acteurs principaux, Sophie, Mylène et Lise, car elles se ressemblent étrangement ?«Cela a comblé plus que mes attentes. Je suis vraiment choyé. Dans mon scénario original, j’avais décrit une rousse avec des taches de rousseur, en me disant qu’on ferait en sorte qu’elles se ressemblent en leur mettant des perruques du maquillage. Durant le casting, j’ai vu une trentaine de filles pour chaque rôle. Et au final, j’ai choisi deux filles pour chaque rôle. Et lorsque j’ai pris mes premiers choix, soit ces trois filles, on s’est rendu compte par après qu’elles se ressemblent vraiment beaucoup, surtout Mylène et Sophie. Je ne les avais pas choisies pour leurs ressemblances  pourtant. Oui, on a accentué leurs ressemblances au maquillage, mais pas beaucoup. Quel heureux hasard.»

Sophie Nélisse
Sophie Nélisse

Questions pour Sophie Nélisse 

Qu’est-ce qui te plaisait dans l’idée de jouer ce rôle, de jouer dans ce film ? «Au départ, quand j’ai fait l’audition, je n’avais que des petits bouts de scènes à jouer, assez simple, et je ne savais pas vraiment ce qu’était le film. Par la suite, lorsque j’ai lu le scénario, j’ai vu toute la complexité de mon rôle et j’ai trouvé cela très intéressant et différent comme proposition à jouer. Et ce film était unique en son genre, du jamais vu, alors ça me plaisait beaucoup d’y embarquer. »

Quel a été le plus grand défi pour toi ? «Ce rôle était un challenge en soi. Car je suis habituée de jouer en parlant. Je trouve cela plus facile de jouer quand j’ai des dialogues. C’est plus facile d’exprimer mes diverses émotions. Quand tout doit passer par les regards, les non-dits, la posture, cela devient plus complexe. Il faut faire ressortir nos émotions intérieures dans notre regard.» 

Ce film est assez singulier, en fait il y a des scènes assez étranges dans le film et des moments plus légers. Parle-moi un peu de ces scènes. «C’est vrai qu’il y a des moments assez étranges qu’on ne s’explique pas, ou qui sont comme des symboles. Mais il y a aussi des moments où tout le monde peut se reconnaitre. Comme se mettre la langue sur un poteau, pour voir ce que ça fait. Aussi, tout le monde a essayé, un moment dans sa vie, de savoir ce à quoi ça ressemble de frencher. Comment on s’y prend? On essaie de frencher dans le miroir, sur un œuf, etc. Et j’ai trouvé ça le fun d’avoir ça dans le film. »

Comment c’était sur le plateau de tournage avec André Turpin comme réalisateur? «Une des choses qui est importante pour moi, lorsque je fais un film, c’est d’être à l’aise avec le réalisateur. Dès les auditions, j’ai eu une bonne chimie avec André.  Donc, sur le plateau, même s’il y a des scènes assez intenses à jouer, entre les prises, on pouvait rigoler ensemble assez facilement. Ce fut donc un plateau très joyeux. Et pour moi André était comme un ami, un confident et même un père avec de précieux conseils. Et il est un très grand réalisateur, car même si le scénario est complexe, il réussit à nous exprimer facilement ce qu’il veut de nous. »

Avez-vous d’autres projets dont vous pouvez me parler ?«J’ai tourné beaucoup dans la dernière année. Ce sont des films qui devraient tous sortir cette année. J’ai le film Wait till Helen comes, de Dominic James, un film tourné avec ma sœur (Isabelle), un genre de thriller d’horreur. Aussi le film The Great Gilly Hopkins, une comédie pour la famille, qui sortira le 19 février. J’ai fait aussi The History of Love, un genre d’histoire d’amour. Dans les 2 derniers mois, j’ai tourné dans Mean Dreams, une production canadienne, où je joue le rôle d’une jeune fille qui se fait battre par son père, un policier corrompu, et je m’enfuie avec un voisin. Et finalement, le film Running, écrit et réalisé par Yan England est un drame psychologique se déroulant en milieu scolaire. En plus de moi, il y a aussi Antoine Olivier Pilon. Ce film parle d’homosexualité et d’intimidation. Tous les films que j’ai faits sont en anglais, sauf celui de Yan England. Je ne sais pas si le titre du film restera Running, c’était le nom de départ qu’on avait en tout cas.» 

Mylène Mackay
Mylène Mackay

Questions pour Mylène Mackay 

Décris-moi ton personnage, comment André te la présenté et comment tu te l’es approprié ?«Je savais que nous étions 3 Simone et que la Simone 2 (mon personnage) était la partie la plus cauchemardesque du film. Donc, je devais incarner la culpabilité dans mon personnage et jouer des crises de panique. J’ai donc travaillé la panique et l’anxiété avec André. Mon personnage aussi a beaucoup de difficulté avec le langage. Elle utilise très peu de mots. Tout se joue dans ses yeux, et je dois avoir un jeu minimaliste vu que tout est extrême autour d’elle. Donc, on doit ressentir mes émotions à travers mes yeux. Et Simone est malhabile. Elle n’est pas bien dans sa peau. Elle est fascinée par sa voisine d’en face. Elle n’a jamais embrassé personne.»

 

Quels ont été tes défis dans ce rôle ?«Un des défis est que je ne pouvais appuyer mon jeu sur aucun texte dans beaucoup de scènes. J’ai dû utiliser mon corps, adapter ma posture pour le personnage. Elle a le dos courbé, sa démarche est différente de la mienne. Un autre défi pour moi, c’est de jouer toute seule la plupart du temps. C’est la caméra qui devient mon partenaire de jeu finalement. Je n’avais pas cette possibilité de lancer la balle à quelqu’un qui me redonne du feedback. J’étais dans mon imaginaire. Donc, je jouais à l’intérieur de moi.  »

C’est votre premier grand rôle au cinéma. Comment avez-vous trouvé votre expérience de tournage de ce film ? «Je suis très contente et choyée de commencer avec quelqu’un qui a autant d’expérience en cinéma et qui est aussi créateur et singulier, sur un projet qui, je le pense, ne se fera pas oublier, puisqu’il est si différent, du jamais vu. Bien que j’ai fait pas mal de théâtre, des apparitions télé et des courts métrages, cette fois-ci, c’est un tout nouveau médium que je découvre avec le long-métrage. Et je dois dire que j’ai appris beaucoup, car la caméra m’intimidait avant. Et j’ai dû l’apprivoiser pour jouer seule avec elle. J’ai appris à jouer moins gros qu’au théâtre. Et pour les gros plans du visage, il faut bouger le moins possible. »

Avez-vous d’autres projets dont vous pouvez me parler ? «Je viens de terminer le tournage de Nelly, un film en hommage à Nelly Arcan, inspiré de sa vie et de son œuvre, écrit et réalisé par Anne Émond. Pour ce film, j’ai dû me transformer pour incarner 4 personnages différents. Le film est présentement en montage, et je pense que ça pourrait sortir à l’automne.» 

Lise Roy
Lise Roy

Questions pour Lise Roy 

Comment avez-vous obtenu ce rôle de Simone 60 ans ?«J’ai suivi le processus normal des auditions. La scène à préparer était en fait la scène de la conférence. Et ce qui est rare en audition, j’avais un texte de 4 pages et cela parlait de physique quantique. Et en plus, le personnage est une femme qui maitrise sa matière et doit le présenter à un groupe d’étudiants et rendre cette conférence le plus simple à comprendre possible.» 

Qu’est-ce qui te plaisait dans l’idée de jouer ce rôle, de jouer dans ce film ? Et comment vous y êtes-vous préparé ?«À la lecture du scénario, comme vous, je suis restée perplexe. Cependant, je dois dire que cela aborde un sujet (la relativité générale et la courbure de l’espace-temps de Einstein) qui m’a toujours un peu titillé, même si je n’y comprends pas grand-chose. Quand on me parle de trou noir, de sensation de déjà-vu,  ça me fascine. Le déjà-vu, on le sait que ce n’est pas vraiment arrivé, sinon ce serait un souvenir. Mais on a le sentiment de l’avoir déjà vécu, dans le temps, quelque part, comme de la superposition des événements, tel que le spécifie la physique quantique. Et ajouter à cela les rêves, l’instinct, les intuitions. On voit des choses comme si on y était, mais on n’y a jamais été ?!  De tous les temps, on s’est toujours interrogé sur la possibilité qu’il y ait d’autres dimensions que celles que l’on connaît. André Turpin a cette capacité-là d’avoir envie de voir l’univers d’un autre point de vue, moins habituel, moins logique, et cela m’allume. Donc, pour me préparer à ce rôle, j’ai dû apprendre le texte sur le bout des doigts et me le mettre en bouche. J’ai aussi fouillé un peu sur internet pour tenter d’en comprendre le plus sur ce que j’allais dire, pour sembler être en maitrise de mon sujet pour mes étudiants.»

Comment c’était de travailler avec André Turpin comme réalisateur?  «J’avais rencontré André Turpin sur d’autres projets (dont Tom à la Ferme, où il était le directeur-photo)… j’étais très contente d’avoir ce rôle, car, en tant qu’actrice j’avais envie de travailler André, qui est un être passionnant, intelligent, avec qui je pourrais apprendre. Il a une feuille de route étonnante. Il fait un travail de directeur-photo magnifique et il a des projets de films inhabituels. Ce que j’aime dans ce film qu’il a écrit et réalisé, c’est qu’on y retrouve que des femmes (3) dans les rôles principaux et même les rôles secondaires. Il y a peu d’hommes. Un scénario écrit par un homme qui parle de femmes. Et il a choisi de représenter la lumière,  dans cette femme plus âgée, paisible au lieu de la jeunesse habituelle.»

L’endroit où est filmé la scène de la conférence semble magnifique à l’écran. Où cela a-t-il été tourné ? «C’est vraiment beau effectivement. J’ai capoté quand je suis arrivée là. En allant sur le plateau de tournage ce matin-là, on nous fait traverser le pont Jacques-Cartier et on nous amène sur l’ile Sainte-Hélène… à l’ancien pavillon du Québec de l’Expo 67. On peut louer cet endroit pour des événements et nous, on en a fait notre plateau de tournage. À l’intérieur, il y a des murs bleus, avec des dessins inuits en blanc. C’est très beau. Et la pièce de la conférence, toute vitrée, donne sur un jardin d’arbres. Et il avait neigé la veille, en plus que l’équipe a ajouté de la neige pour donner ce look givré. C’était hallucinant de beauté. »

Ce film prendra l’affiche le 22 janvier 2016.

La galerie de photos : https://www.flickr.com/photos/infoculturephotos/albums/72157661172835824

Distribution

Simone (13 ans) Sophie NÉLISSE

Simone (25 ans) Mylène MACKAY

Simone (60 ans) Lise ROY

Monsieur Porter Guy THAUVETTE

Mère de Simone Monia CHOKRI

Père de Simone Stéphane CRÊTE

Hypnothérapeute Anne-Marie CADIEUX

Grégoire Théodore CHOUINARD-PELLERIN

Voisine Fanny MIGNEAULT-LECAVALIER

Scénario et réalisation André TURPIN

Production Luc DÉRY, Kim McCRAW

Distribution des rôles Lucie ROBITAILLE

Direction de la photographie Josée DESHAIES

Conception visuelle Emmanuel FRÉCHETTE

Conception des costumes Valérie BÉLÈGOU

Production déléguée Claude PAIEMENT

1er assistant à réalisation Pascal ELISSALDE

Supervision de postproduction Erik DANIEL

Montage Sophie LEBLOND

Son François GRENON, Sylvain BELLEMARE, Bernard GARIÉPY STROBL

Musique originale François LAFONTAINE

Production micro_scope

Distribution au Canada Les Films Christal

Ventes internationales Séville International – Anick Poirier

Distribué au Québec par Les Films Christal, une sous-distribution Les Films Séville, des filiales d’eOne et à l’international par Séville International.

www.endorphine-lefilm.ca

https://www.instagram.com/andreturpin

Crédit photos :  Réjeanne Bouchard