Un petit groupe de soi-disant amis se réunit pour faire la fête. Pas vraiment des amis, pas vraiment de fête, pas d’ambiance, pas de chaleur, pas de sympathie au sens propre du terme : rien qui puisse rapprocher les convives…
Caro dont c’est l’anniversaire a oublié que des personnes allaient passer la soirée chez elle, et qui? d’ailleurs. Daniel, le DJ, a transporté son matériel qui ne fonctionne pas bien. Guillaume, sans cesse dans la contrition, ne pense qu’à renouer avec Caro son ex., qui – pour se distraire de la préparation de son doc interminable et ennuyeux – a plus le goût de « consommer » du Daniel pas très chaud. Élise n’a invité aucune de ses relations pour ne pas être responsable de leur absence. Elle attend Félix qu’elle aimerait bien séduire, mais qui n’est pas fait pour elle, paraît-il. Félix se pointe finalement mais en râlant car l’ambiance n’est pas là, et en cela il a raison.
La fête ne prend pas car le cœur n’y est pas… Aucune affinité entre eux, même s’ils se connaissent et son censés être amis. Chacun est dans son monde, tourné vers son nombril, ses petits intérêts, ses petits textos, ses petites névroses. Personne n’est là pour l’autre, pour s’intéresser à lui, dialoguer, se rencontrer, être ensemble. Seul un petit oiseau blessé et mourant est capable étrangement de plus ou moins focaliser l’attention de tous. Quand arrive l’événement improbable, d’évidence piégé, mais dans lequel finalement tout le monde s’engouffre à sa manière pour qu’il se passe au moins quelque chose… et il va se passer quelque chose…
Comme dans la pièce présentée l’an dernier dans le cadre du Festival Transamérique, Logique du pire du même Étienne Lepage, le rire est parfois là mais jaune et très grinçant. L’ambiance est lourde. Les convives font parfois semblant de s’amuser mais ils ne s’amusent pas du tout. Quand ils se parlent, c’est au mieux pour faire valoir leurs intérêts, au pire pour prendre un ascendant sur l’autre jusqu’à nier son existence. Il y a de l’agressivité dans l’air, de la vulgaire méchanceté quotidienne ; on se défoule comme on peut, et sans s’en rendre compte…
Dans ce petit groupe de personnes ordinaires, nous tous peut-être aujourd’hui, aucun état d’âme à rabaisser l’autre à qui l’on parle, quand bien même il est censé être une ou un ami. Et si cet autre est une personne qu’on a payée pour qu’elle soit là, des comportements très violents apparaissent qu’on ne soupçonnait pas; c’est alors l’autre en soi qui parle et qui agit…
La comédie grinçante d’Étienne Lepage met en scène six acteurs irréprochables dans un décor tournant où tout le monde tourne en rond jusqu’à l’arrivée du grain de sable qui fait tout déraper. Elle laisse un goût amer dans la bouche et nous oblige à nous questionner sur les relations que nous entretenons avec les autres.
Toccate et fugue, du 11 avril au 6 mai 2017, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal
Texte Étienne Lepage
Mise en scène Florent Siaud
Interprétation Sophie Cadieux, Larissa Corriveau, Maxime Denommée, Francis Ducharme, Karine Gonthier-Hyndman, Mickaël Gouin
Assistance à la mise en scène et régie Alexandra Sutto
Décor, costumes, accessoires Romain Fabre
Éclairages Nicolas Descoteaux
Musique originale Julien Éclancher
Vidéo David B. Ricard
Accessoires Fanny Denault
Conseil au mouvement Marilyn Daoust
Consultant Huy Phong Doan
Assistance aux costumes Chantal Bachand
Maquillages Angelo Barsetti
Information : http://www.theatredaujourdhui.qc.ca/etienne-lepage