« Mythomania », une réflexion sur l’amour, au théâtre La Chapelle à Montréal

Mythomania © Justine Latour
Mythomania © Justine Latour

Les rêves d’amour romantique d’une jeune fille, ses lectures et ses fantasmes, peuvent ne pas être en parfaite adéquation avec la réalité actuelle qui fait que les rencontres amoureuses passent désormais le plus souvent par la toile, les sites de rencontres, face à un écran froid qui prétend nous mettre en contact avec bien plus de monde qu’auparavant sans nous permettre toujours de trouver l’objet unique de notre attachement.

La pièce Mythomania propose une réflexion poétique sur l’amour que tout être humain recherche depuis la nuit des temps, face à la situation contemporaine qui met au-devant de la scène les rencontres virtuelles avec l’insatisfaction qu’elles peuvent produire si elles ne sont pas transformées en rencontres réelles.

Dans un décor multimédia extrêmement élaboré et réussi, une jeune fille exprime son désarroi face à son incapacité de concilier sa vie avec son imagination et ses lectures de contes, de textes philosophiques et de revues scientifiques. Elle rêve d’amour mais cet amour semble un mirage qui ne se laisse pas saisir.

Sur scène, un énorme cube blanc sert d’écrin à un plus petit qui se transforme et s’illumine. Sur les hautes parois de rideaux blancs, des projections de mots, de vidéos, de dessins d’enfant, transforment le décor et s’ajustent aux propos de l’héroïne, à ses morceaux joués sur un piano, à son fantasme de mariage en belle robe blanche avec un prince charmant…

Ce qu’elle imagine être l’amour idéal, elle le retire des propos d’Aristophane dans le Banquet de Platon. Le mythe de l’Androgyne, elle l’a illustré par un récit sorti de son imagination dans lequel une jeune fille prénommée Alex, aimerait un garçon qui aurait lui aussi Alex pour prénom. Les deux Alex fusionneraient dans un amour parfait selon elle, celui qu’elle n’arrive pas à trouver sur le web. Ses réflexions s’enrichissent de ses connaissances des travaux scientifiques les plus pointus des comportements neurobiologiques. Mais toute la connaissance du monde ne lui permet pas d’arriver à son but, trouver l’âme sœur, être dans la réalité de l’amour et non dans sa virtualité.

Mythomania © Justine Latour
Mythomania © Justine Latour

Au-delà d’une description de l’époque actuelle et de l’écart qu’elle a avec les rêves des jeunes filles, Mythomania montre peut-être le besoin de reconsidérer son idée de l’amour. Avant Internet, lorsque seul le hasard permettait de trouver un partenaire de vie, bien sûr que les contes de fée et les rêves d’amour fusionnels existaient déjà, mais la rareté des rencontres faisaient qu’on était obligés de s’adapter à ce qui fait peut-être la beauté de l’amour, non pas son côté fusionnel qui n’est sans doute pas souhaitable, mais au contraire le partage des faiblesses qui fait qu’on fait tout son possible pour se surpasser pour l’autre. Au fond, plutôt que les propos d’Aristophane, l’héroïne de Mythomania aurait dû s’arrêter à ceux de Socrate qui décrivent mieux ce qu’est l’amour. Et si celui-ci conserve tout son mystère quand même, les rencontres sur le web ne doivent être vues que comme un tremplin, une occasion de rencontre qui demande à être remise à plat en créant justement un mythe d’origine amoureux, et non une illusion d’abondance comme si l’amour pouvait se trouver dans un grand supermarché où le produit idéal, celui de son imagination, serait disponible à qui sait bien chercher.

 

Mythomania, du 16 au 25 novembre 2017 au théâtre La Chapelle à Montréal

Artiste inconnu

Texte et mise en scène Nicolas Berzi

Scénographie et conception vidéo Jean-François Boisvenue

Musique et conception sonore Simon Chioini

Interprétation et piano Livia Sassoli

Performance électroacoustique Blaise Émard

Éclairage et direction technique Nicolas Berzi et Jean-François Boisvenue

 

Informations : http://lachapelle.org/fr/calendrier/mythomania