La pièce Race, à la Salle Albert-Rousseau, un texte fort et percutant, des performances d’acteurs exaltantes, une finale étonnante!

Race

Après avoir été présentée en 2016 à Montréal, la pièce Race  produite par le Théâtre Jean-Duceppe, est partie en tournée à travers le Québec le 19 janvier 2018.  C’est à la salle Albert-Rousseau de Québec que la tournée s’est terminée le 25 mars dernier.  Mettant en scène pour cette tournée, Benoît Gouin, Frédéric Pierre, Gabriel Sabourin et Myriam De Verger, cette pièce du dramaturge américain David Mamet traite de racisme et des coulisses d’un cabinet d’avocats ainsi que du système judiciaire.

Résumé : Un homme d’affaires, blanc et fortuné, est accusé d’avoir violé une jeune femme noire dans une chambre d’hôtel new-yorkaise. Deux avocats, un Noir et un Blanc, ainsi que leur assistante de race noire, doivent décider s’ils représenteront ou non cet homme. Leurs échanges soulèvent de très délicates questions, jetant un regard brutal sur l’Amérique, ses conflits raciaux et leurs implications dans les rapports individuels et juridiques. 

Frédéric Pierre, Myriam De Verger et Benoît Gouin

Dès le début de la pièce, le public est pris à témoin dans un huis clos, dans les coulisses d’un bureau d’avocats, où une discussion bat son plein, avec un potentiel futur client. Dès le départ, cet échange entre les quatre protagonistes nous laisse songeurs et nous montre le système juridique tel qu’il est : Un avocat n’est pas à la recherche de la vérité, mais de la victoire. Il est en quête de l’argument qui fera gagner son client. «Est-ce que la société mérite de savoir la vérité? Est-ce qu’elle va l’obtenir? Jamais », » (une des répliques de l’avocat interprété par Benoît Gouin). Et c’est de cela que les avocats discutent entre eux. Doivent-ils prendre cette cause? Quelles sont leurs probabilités de gagner, en tenant compte que cette affaire touche à un sujet délicat, celui du racisme? Et pourquoi ce client vient-il dans leur boite d’avocats pour se défendre? Parce qu’ils engagent des avocats noirs?

En peu de temps, le ton est donné pour la durée de la pièce d’une heure trente minutes, sans entracte. Dans un décor épuré, avec seulement deux bureaux, des chaises, et des murs en vitres transparentes, toute la place est laissée aux dialogues, qui sont la force même de cette pièce.

Parfois très cynique, avec un tantinet d’humour et beaucoup de constatations très réalistes, ce texte porte à la réflexion. Grâce à la mise en scène sobre et subtile de Martine Beaulne,  et le jeu superbe des acteurs, on sent toute l’effervescence d’un réel bureau d’avocat, en pleine recherche d’arguments, de preuves, de faits, de témoignages, de reconstitution des événements. Mais ce qui me plait encore plus, ce sont les manières dont chacun des hommes blancs, pèse leurs mots, pour ne pas laisser poindre des propos ou des pensées racistes. Car c’est toujours très délicat ce sujet de la couleur de la peau. Et parfois, on a l’impression qu’à l’opposé, certaines personnes noires pourraient se servir de ce malaise des blancs pour manipuler l’homme blanc. C’est du moins ce que je ressens en tant que témoin de ces discussions.

Benoît Gouin et Myriam De Verger

Benoît Gouin qui interprète l’avocat blanc, et qui est sur scène du début à la fin de la pièce, est phénoménal dans son rôle. Il sait se tenir en équilibre sur la ligne du malaise, de celui qui se défend auprès de sa stagiaire noire (brillamment jouée par Myriam De Verger), qui argumente avec efficacité et prestance avec l’autre avocat du cabinet (Frédéric Pierre tout aussi crédible dans le rôle de l’avocat noir), et qui questionne avec vigueur le client potentiel, interprété avec brio par Gabriel Sabourin.

Au final, est-ce que le client est coupable? Comment s’est vraiment déroulée la scène de supposé viol? Ce n’est pas important. Ce que l’on retient ce sont ces discussions, ces échanges sur les préjugés, sur la différence. Et les dernières minutes de la pièce vont assurément en surprendre et dérouter plusieurs.  La pièce Race est un regard brutal sur le racisme, peu importe la couleur de la peau, sur le sexisme aussi et surtout une réflexion sur le mensonge, à autrui et à soi-même.

Race texte de : David Mamet
mise en scène de Martine Beaulne
Traduction de Maryse Warda

Distribution des rôles
Benoît Gouin : Jack Lawson
Frédéric Pierre : Henry Brown
Gabriel Sabourin : Charles Strickland
Myriam De Verger : Susan

Décor : Richard Lacroix
Costumes : Daniel Fortin
Éclairages : Guy Simard
Musique : Ludovic Bonnier
Accessoires : Normand Blais
Assistance et direction de plateau : Guillaume Cyr

Une production du Théâtre Duceppe
1h30 sans entracte

http://sallealbertrousseau.com/

https://duceppe.com/

Crédit photos: Courtoisie de la Salle Albert-Rousseau et le Théâtre Jean-Duceppe