Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand, un film bouleversant, criant de réalisme. Xavier Legrand maitrise parfaitement ce sujet délicat et tabou qu’est la violence conjugale!

Jusqu’à la garde

Pour son premier long métrage, Xavier Legrand écrit et réalise Jusqu’à la garde, un thrilleur sur la violence conjugale, tout en sobriété, en tension et complètement bouleversant. C’est un de mes coups de cœur cinématographique de l’année! Ce film prend l’affiche dès le 27 avril au Québec.

Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive…

Ayant vécu dans mon entourage proche, des situations de violence conjugale, j’étais très sensible à ce genre de film, qui d’habitude ne m’attire pas, car cela me ramène dans la douleur. Cette fois-ci, la bande-annonce et les excellentes critiques du film, sorti en France l’an dernier, m’ont convaincu de le regarder! Quel film magistral! Sans musique ou presque, qui pourrait intensifier artificiellement notre niveau de stress, tout en sobriété et en vérité, ce film vient nous chercher littéralement sur notre siège et nous place dans la peau de la juge qui doit déterminer les détails de la garde du jeune garçon, puis dans la peau de ce petit Julien qui veut protéger sa mère comme il peut et finalement dans la peau de la mère traquée par son ex-conjoint. Le tout est présenté par des acteurs exceptionnels, qui, en peu de mots, font ressortir toute une gamme d’émotions.

Thomas GIORIA excellente performance de jeu

L’impression de tension, de peur, d’oppression qui progresse lentement et se maintient tout au long du film est merveilleusement bien créé par le réalisateur, avec un cadrage serré, en répétant les endroits visités, plusieurs fois, créant ainsi un sentiment de familiarité,  mais aussi une impression d’enfermement, de tourner en rond, de s’enfoncer dans une spirale dont on ne peut en sortir. Naturellement, l’éclairage feutré est mis aussi à contribution pour ajouter à la terreur parfois. Également, au lieu de la musique,  qui n’existe presque pas, ni dans le générique, ni même dans les moments les plus stressants, la tension est mise de l’avant par l’utilisation des bruits du quotidien. La clochette qui signale que la ceinture de sécurité n’a pas été attachée dans l’auto, l’écho dans un appartement, le clignotant de la voiture, le tic-tac de l’horloge, le bruit des gens qui mangent, bref des sons qui résonnent alors que personne ne parle, et qu’ils sont aux aguets de ce qui pourrait arriver. Ceci est à mon avis, beaucoup plus efficace que l’utilisation de la musique, qui moi, personnellement, a tendance à me tomber sur les nerfs.

Le film est construit en trois parties. Il y a d’abord une audience dans le bureau de la juge, d’un réalisme saisissant, tel un documentaire, où les deux avocats, font entendre la position de leur client respectif, pour l’obtention de la garde des enfants.  C’est une scène vraiment cruciale, où le spectateur doit, tout comme la juge, choisir son clan. Pour qui penche-t-il dans cette requête?  Le ton est donné, la tension est déjà installée. Ensuite la deuxième partie, c’est le début des manipulations du père avec son fils, pour tenter d’en arriver jusqu’à la mère. On comprend rapidement que la garde d’un enfant est un instrument pour le conjoint écarté qui n’arrive plus à atteindre sa compagne. Et le père se montre sans concession avec ses enfants pour arriver à ses fins. Finalement, on le sait que ça s’en vient, qu’on n’y échappera pas.  C’est le moment fatidique, que l’on craint depuis le début, ce moment de folie de la possession, cette domination masculine, cet homme blessé qui ne sait plus comment se reconstruire, cette violence conjugale qui mène à l’épouvante pure. La tension et la charge émotionnelle sont alors au maximum. Et pourtant, Xavier Legrand a choisi de présenter ces scènes sous l’angle de la peur, de l’anticipation de ce qui pourrait arriver, plutôt que de montrer la violence pure. Et c’est extrêmement efficace. C’est une de mes scènes favorites du film et je dirais même une de mes scènes favorite à vie. On y voit également le travail fabuleux des premiers répondants du 911 comment ils peuvent aider dans ces situations. C’est vraiment exceptionnel.

Denis MÉNOCHET et Thomas GIORIA

Ce film ne serait pas aussi empreint de réalisme, sans l’immense talent de ses acteurs.  Denis Ménochet qui a la tâche ingrate d’incarner le personnage du père, Antoine, est d’une justesse de jeu inouï. Il incarne l’homme typique qui violente son épouse. Aux yeux des autres, il sait présenter son côté doux, inoffensif, sensible. Il peut ainsi manipuler l’autre pour arriver à ses fins. Quand la manipulation ne fonctionne pas devant son fils et son épouse, alors c’est là qu’il fait place à la menace, à la force, à la violence pour prendre le contrôle. Denis Ménochet réussit à se rendre attachant pour le public, et on voit même percer cet être vulnérable et malheureux qui cache des blessures d’enfance. Cela n’excuse en rien ses gestes,  mais cela permet de comprendre l’être qu’il est devenu.

Léa Drucker, qui incarne la mère, a un jeu discret, solide et efficace. On perçoit qu’elle vit comme un animal traqué, toujours sur le qui-vive. Et surtout, elle ne joue pas à la victime. Elle se tient debout. Elle affronte la tempête de plein front et elle protège ses enfants comme elle peut.

Finalement, le jeune Thomas Gioria est superbe dans le rôle de Julien, l’enfant tampon entre sa mère et son père. Thomas réussit à faire parler le silence, par ses yeux, sa gestuelle, sa respiration. Il est totalement convaincant dans les scènes cruciales et difficiles qu’il a à jouer.

Léa Drucker

Présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise, il y a remporté le Lion d’argent du meilleur réalisateur et le prix Luigi De Laurentiis du meilleur premier long métrage de fiction. Le film a également obtenu le Prix du jury et le Prix du Jury étudiant au dernier Festival du film de l’Outaouais. Parmi les nombreux festivals internationaux où Jusqu’à la garde a été présenté, soulignons ceux de Toronto, San Sebastian, Zurich, Londres, Chicago et Toru? (Pologne). 

Jusqu’à la garde est distribué au Canada par AZ Films et prendra l’affiche au Québec le 27 avril.

LISTE ARTISTIQUE

Antoine Denis MÉNOCHET

Miriam Léa DRUCKER

Julien Thomas GIORIA

Joséphine Mathilde AUNEVEUX

Samuel Mathieu SAÏKALY

Sylvia Florence JANAS

La juge Saadia BENTAÏEB

Maître Davigny Sophie PINCEMAILLE

Maître Ghénen Émilie INCERTI-FORMENTINI

LISTE TECHNIQUE

Écrit et réalisé par Xavier LEGRAND

Produit par Alexandre GAVRAS

Directrice de la photographie Nathalie DURAND, a.f.c.

Chef décorateur Jérémie SFEZ

Montage Yorgos LAMPRINOS

Son Julien SICART

Julien ROIG

Vincent VERDOUX

Chef costumière Laurence FORGUE-LOCKHART

Directrice de casting Youna DE PERETTI, a.r.d.a.

Directrice de production Christine MOARBES

1ère assistante réalisation Marie DOLLER

Durée : 1h33mn

Crédit photos : Courtoisie de AZ Films