Bonheur imposé dans Le Meilleur des mondes au TDP à Montréal

Le meilleur des mondes © Gunther Gamper
Le meilleur des mondes © Gunther Gamper

Le bonheur. C’est bien ce que nous recherchons tous?  La société décrite dans Le Meilleur des mondes, la pièce présentée au théâtre Denise-Pelletier à Montréal d’après le roman d’Aldous Huxley, a atteint l’objectif merveilleux d’offrir le bonheur à tout le monde. Une société bien organisée. Hiérarchisée, certes, mais où chacun trouve son compte de bonheur à la place qu’il occupe. Le plaisir et la bonne humeur règnent partout. Nul ne s’encombre même de l’amour et des déceptions qu’il engendre inévitablement. Un stimulant neuronal sans danger, le Soma, pallie les minuscules contrariétés que cette société presque sans faille peut encore produire chez ses participants. Tout le monde est heureux, définitivement heureux.

Le meilleur des mondes © Gunther Gamper
Le meilleur des mondes © Gunther Gamper

L’utopie satirique déployée dans cette pièce de Guillaume Corbeil d’après l’œuvre du grand écrivain britannique est presque séduisante au premier abord. C’est le meilleur des mondes, et il ressemble en bien des points à la société dans laquelle nous vivons. Le bien-être pour tous, ni souci ni contrainte, aucune responsabilité individuelle; même les enfants, qu’on ne s’encombre plus de mettre au monde soi-même, sont conçus de telle sorte qu’ils seront des êtres idéaux, parfaitement adaptés à leur monde idéal (selon les normes du ministère). Tout le monde est conditionné pour être heureux et satisfait de son sort. Les livres sont bannis, mais qui s’intéresse encore à la littérature?

Dans une belle mise en scène de Frédéric Blanchette et des décors lumineux dans tous les sens du terme, les six acteurs communiquent leur enthousiasme et leur énergie aux spectateurs de la salle. On rit beaucoup dans cette pièce. La société futuriste qui est montrée n’est en rien oppressive et déprimante. Tout le monde a le sourire. Et quand deux réfugiés d’un monde parallèle et sauvage – une mère et son fils – s’introduisent par effraction dans le meilleur des mondes, ils sont reçus avec beaucoup de curiosité et de générosité.

Alors que manque-t-il à cette société parfaite? C’est la question que nous devrions nous poser sur notre propre société. Probablement le manque consubstantiel à l’humanité. Et ce manque, c’est ce que la littérature avait l’habitude de décrire et d’analyser avec beauté, et en particulier Shakespeare.

John le jeune héros a justement été élevé par sa mère dans le monde sauvage avec un vieux livre des œuvres de Shakespeare. Même intégré dans sa nouvelle société, John a la naïveté de croire encore à l’espoir, à l’imagination, à l’amour et au fait de pouvoir vraiment exister en tant qu’être libre. Être ou ne pas être? Cette parole de Hamlet ne cesse de le hanter, tandis qu’elle est reprise comme un slogan vide de sens, mais joyeux, par ses nouveaux compatriotes.

 

Le meilleur des mondes, du 25 septembre au 19 octobre 2019

De Guillaume Corbeil, d’après l’œuvre d’Aldoux Huxley

Mise en scène Frédéric Blanchette

Production Théâtre Denise-Pelletier

Avec Ariane Castellanos, Benoît Drouin-Germain, Mohsen El Gharbi, Kathleen Fortin, Simon Lacroix, Macha Limonchik

Informations https://www.denise-pelletier.qc.ca/spectacles/90/