Captivante Marie Laberge…

Tout dans ce moment d’exception, de la présence chaleureusement et la beauté des mots de l’invitée vedette jusqu’à son humour gamin, était un immense cadeau qu’on aimerait recevoir plus souvent.

Le festival littéraire Québec en toutes lettres, qui se poursuit jusqu’à dimanche 27 octobre prochain, a eu l’idée géniale de nous servir une heure du thé avec la dramaturge et romancière Marie Laberge, notre Marie Laberge chouchou !

Pas étonnant donc que la lumineuse salle de la Maison de la Littérature affichait complet ce 22 octobre !

Tous les yeux se sont tournés vers elle, avec admiration, lorsqu’elle a traversé la salle pour se rendre sur la tribune. Et il y a eu ce silence, celui qui précède toujours une explosion de bonheur dans le cœur.

Nous pensions la connaître, mais nous en avons appris encore sur notre célèbre écrivaine, sur son parcours et son œuvre.

Extraits de cet entretien animé par Bärbel Reinke.

Au départ, Marie Laberge est une femme de théâtre. Elle a écrit plus de vingt pièces de théâtre jouées tant au Québec qu’en Europe.

Marie Laberge n’a jamais trouvé contraignant à écrire pour le théâtre. Pour elle, le monde du théâtre était parfait. Un monde clos qui se passait en vrai dans le vrai temps, elle adorait ça. C’est après, quand j’ai pris le champ avec le roman, quand j’ai senti que j’étais un cheval libre, là j’ai compris qu’il y avait quelques contraintes. Pour elle, la contrainte pour un créateur c’est très souvent un stimulus. C’est rarement un empêchement ou une censure.

On le sait, Marie Laberge parle d’amour, depuis toujours et sous toutes ses coutures, et on adore. Elle n’a qu’à peine 20 ans lorsqu’elle écrit, toute seule, la pièce Éva et Évelyne. Deux personnes qui n’ont que l’autre dans leur vie et qui s’accotent, qui s’asticotent aussi et qui tout à coup… se rappellent qu’elles n’ont pas eu d’amour masculin dans leur vie, lui est apparu infiniment théâtral. C’est un de mes soucis, comment on fait pour traverser la vie sans amour. Déjà à 20 ans, j’avais un vertige à cette idée-là et c’est demeuré… vertigineux.

Au théâtre, l’intensité et le ressort dramatique sont pour elle les premières qualités d’une pièce. Quand ça commence, on s’approche sur le bout de sa chaise et on reste sur le bout de sa chaise, tout le long. Et à la fin, on fait haaa. Le théâtre quand ça marche, c’est fabuleux. …Comme actrice, je peux vous dire qu’il y a des soirs où la salle joue littéralement avec nous, elle respire de la même façon que nous, c’est comme si la salle était capable de nous porter.

C’est un sentiment d’urgence, pour dire certaines choses qui lui tenaient à cœur, qui pousse encore la dramaturge à faire une pièce. Tous les auteurs qui m’ont non seulement parlé, rejointe, qui m’ont soutenu dans des moments difficiles, ils m’ont tenu en vie d’une certaine façon. Mais je ne peux pas dire, un tel ou une telle…Dès que j’ai une admiration, mon sentiment à moi c’est de m’incliner et non pas d’imiter. Pour moi, ils ne m’influencent pas parce qu’ils existent et ils claironnent leur talent, je n’ai pas besoin d’essayer d’attraper ça, c’est le leur.

Et les romans…
Récipiendaire de nombreux prix et auteur à succès de treize romans et d’un essai, Marie Laberge nous fait vibrer depuis plus de quarante ans. (Elle a écrit son premier romain à l’âge de 11 ans, date à l’appui !).

C’est qu’il y a des mystères dans l’écriture de Marie Laberge (qu’elle n’a pas envie de savoir elle-même). De petites alchimies qu’elles ne détectent pas mais qu’elle peut estimer à leur juste valeur quand elles se manifestent, quand elle écrit.

Ce qui l’intéresse, c’est avant tout l’être humain… dans sa petitesse et dans sa grandeur, dans sa capacité de se rêver et de voler et dans sa sensation d’avoir les pieds lourds. Dans les élans, dans les peurs, quand on transgresse la peur, quand on va au-delà, dans ce courage quotidien, c’est ça qui m’intéresse.

L’écrivaine n’a d’ailleurs jamais de plan car elle aurait l’impression de faire une recette déjà décidée par quelqu’un d’autre. Il y a quelqu’un de ma élevée en moi, quelqu’un de désobéissante et qui sait mieux que moi comment se jeter dans le danger et d’affronter.

Et tenez-le vous pour dit, Marie Laberge n’écrit jamais quelque chose dont elle sait la fin. C’est quelque chose comme aventure, mais c’est ce qui me tient en haleine et c’est ce qui me permet probablement d’écrire un livre que les gens vont lire avec le même appétit, de savoir que je suis comme la première lectrice en même temps que la créatrice.

Partager l’intimité créée par la création est un immense cadeau pour la romancière. Il y a très peu de gens dans la vie qui ont une telle récompense. Quel que soit le travail que je mets en arrière, vous n’avez pas besoin de le savoir la tâche que c’est, l’angoisse que c’est.
Le plus important, c’est que le roman existe et qu’il arrive dans vos mains, qu’il vous parle et qu’il vous donne un éco de vous-même, de votre vie, de vos petits matins moins légers que d’autres ou de rires. Que j’aime faire rire les gens, c’est dommage que j’écrive des choses aussi tristes.

Merci Marie Laberge pour ce partage d’intimité et pour votre passion à nous passionner !

Traverser la nuit (2019) vient de joindre les rangs de Quelques adieux (1984), Juillet (1987), Le Poids des ombres (1991), Annabelle (1996), La Cérémonie des anges (1998), Le Goût du bonheur : Gabrielle (2000), Le Goût du bonheur : Adélaïde, (2001), Le Goût du bonheur : Florent (2001), Sans rien ni personne (2007), Des nouvelles de Martha, 2009, 2010, 2011, Revenir de loin (2010), Mauvaise Foi( 2013), Ceux qui restent (2015).

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Crédit-photo : Réjeanne Bouchard, reporter-photographe