Crimes à la bibliothèque : un recueil de 17 nouvelles captivantes

Crimes à la bibliothèque © photo : courtoisie
Crimes à la bibliothèque © photo : courtoisie

À propos du travail d’écriture de Laurent Chabin, l’un des auteurs de Crimes à la bibliothèque, Richard Migneault, directeur de publication, écrit: «…Tous ses romans sont nés de la conjonction de deux éléments: Le thème qu’il veut traiter et la résolution de l’intrigue qu’il veut élaborer Tout découle de cet «accouplement» (le mot est de lui) entre plan, personnage secondaire et style narratif…» Cette réflexion illustre en fait ce qui fait la richesse d’ensemble de Crimes à bibliothèque qui est une entière réussite. Réussite parce que chacune des nouvelles prise individuellement est finalisée, percutante, complètement dans le thème à la fois du lieu bibliothèque, comme du genre, le roman policier. Mais réussite surtout car, du kaléidoscope ainsi créé, naît une véritable œuvre.

Une bibliothèque! Un mot unique mais qui cache tant de réalités qu’illustrent les 17 nouvelles de Crimes à la bibliothèque et qui sont autant de témoignages sur nos sociétés: Une bibliothèque dévastée mais refuge temporaire dans une ville en guerre au Moyen-Orient et qui transmet ce bien précieux qu’est le livre qui, peut-être sauvera, une enfant; une bibliothèque dans une école, univers clos où peuvent aussi se jouer comme nous le savons toutes les cruautés et violences de l’univers des jeunes; une bibliothèque lieu du savoir mais aussi en cela lieu dangereux pour ceux auxquels ce savoir fait peur car il menace leur autorité; une bibliothèque lieu où les secrets se cachent si aisément tout en restant à la portée de tous; une bibliothèque reproduction du microcosme des sociétés et de ceux qui les composent grandeur comme mesquinerie; une bibliothèque lieu de rencontre où tous les peut-être deviennent possibles; une bibliothèque lieu de passage et qui devient de ce fait même le lieu idéal aux yeux d’extrémistes pour commettre un attentat aveugle tuant le maximum de personnes tout en anéantissant un pan du savoir et de sa diffusion; une bibliothèque bien souvent au cœur de la recherche mais aussi des dérives et folies qu’elle peut provoquer. La bibliothèque c’est aussi tout à la fois ce lieu de tous les temps et de tous les espaces géographiques, celui de l’intimité familiale ou au contraire du grand public, celui de la recherche universitaire, de la diffusion et de la démocratisation de la culture, de la mémoire et de l’Histoire, de la création artistique, du sacré et du profane… Un lieu tantôt clos tantôt ouvert sur tout et à tous. Mais une bibliothèque n’est pas qu’un lieu c’est aussi l’écrin d’une des collections les plus précieuses qui soit pour elle-même comme pour chacun des objets qui la constitue: Les livres. Et Crimes à la bibliothèque sait aussi parfaitement mettre en valeur et en scène le livre, cet objet qui occupe une place si à part dans notre monde et qui transmet au lieu destiné à sa conservation autant qu’à sa diffusion toute sa puissance. Ce livre est décidément un véritable hommage à ces créations qui participent de notre humanité: le livre et la bibliothèque.
Soulignons d’ailleurs le choix si judicieux de la citation d‘Umberto Eco, en exergue du Livre: «…Si Dieu existait il serait une bibliothèque…» plaçant ainsi ce recueil de nouvelles sous l’ombre tutélaire de l’auteur du Nom de la Rose l’un des plus magnifiques romans policiers sur le livre et les bibliothèques et leur magistrale puissance.

La bibliothèque, un lieu si fort en symbolique que l’on comprend qu’il puisse avoir rendez-vous avec le mystère et qu’il soit en cela un lieu de prédilection pour le roman policier. Mais en lisant Crimes à la bibliothèque on comprend aussi combien ce genre littéraire, souvent dévalorisé, regardé de haut, est pourtant un genre précieux, complet et digne: Parce que tout en ayant sa propre dynamique il permet d’accueillir et de conjuguer tous les autres genres de la littérature: fantastique, historique, réaliste, western, drame intimiste, récit de mœurs, roman noir…Il permet également de mettre en scène tous les types de héros: policiers, enfant découvrant un secret de famille, «détective du dimanche», érudit, scientifique, détective privé, comme il s’autorise tous les styles. Le roman policier est donc toujours une alchimie entre une intrigue, la déclinaison d’un genre, un type de héros et un univers spécifique. Autant de combinaisons possibles qui font la richesse, la portée mais aussi l’accessibilité de cette littérature et qu’illustre, de façon si convaincante, Crimes à la bibliothèque.

L’écueil possible aurait été que chacun(e) des 17 auteur(e)s nous livre finalement une variation banale et assez homogène sur le lieu/thème et le genre ou qu’au contraire le livre soit juste une juxtaposition hétéroclite. Or chacun(e) a su créer une œuvre unique et si différente des autres en portant en regard différent sur le sens des mots bibliothèque et crime comme sur le roman policier lui-même. Plusieurs d’entre eux(elles) sont même sorti(e)s de notre zone de confort par rapport à leur œuvre comme Anna-Raymonde Gazailles qui nous livre ce texte magnifique sur la guerre bien loin de son inspecteur montréalais Morel, ou Maryse Rouy qui nous emmène loin de sa période de prédilection le Moyen âge. D’autres, comme Hervé Gagnon, ont su concentrer en quelques pages toute la magie de leurs romans qui se déroulent pourtant généralement sur plusieurs tomes. Réunis par le thème unique de la bibliothèque les multiples regards se sont mis à son service pour le magnifier et donner ainsi au livre, par le fait même de leur diversité, cohérence et force ce qui est pourtant tout le défi de ce type de livre. Il faut dire que Richard Migneault a su rejoindre des auteurs de grande qualité dont plusieurs sont lauréats de prix de la littérature policière reconnus, le Prix Arthur Ellis et celui de la Société du roman policier de Saint-Pacôme notamment.

Richard Migneault se qualifie lui-même comme un «passeur littéraire» et affirme sa volonté de faire connaître les auteurs de romans policiers québécois au Québec mais aussi en Europe. Avec Crimes à la bibliothèque il atteint pleinement cet objectif. Car en plus de la pertinence du thème et de la qualité des textes, il a choisi d’accompagner chacun de ces derniers d’une courte présentation de l’œuvre et de la démarche créatrice de chacun des auteur(e)s. On y découvre leurs parcours de lecture revendiqués et on ne sera pas surpris des nombreuses références à Bob Morane, Conan Doyle, Agatha Christie… Des textes courts (une à deux pages) mais qui savent pleinement nous donner l’envie de nous plonger ou de nous replonger dans les œuvres de ces écrivain(e)s. En cet automne et cet hiver qui s’annonce, propices aux soirées au coin du feu, que demander de mieux que d’avoir à notre disposition une idéale «bibliothèque» de polars québécois?

Richard Migneault ©  Caroline Laurin
Richard Migneault © Caroline Laurin

À Propos de l’auteur
Directeur d’école à la retraite, fou de lecture depuis toujours, Richard Migneault s’est recyclé en amant du polar. Se définissant comme un passeur littéraire, il anime le blogue Polar, noir et blanc depuis plus de quatre ans et la page Facebook Huis clos. Coordonnateur des Prix Tenebris des Printemps meurtriers de Knowlton, il est également membre du club de lecture de Saint-Pacôme et il a dirigé le recueil de nouvelles Crimes à la librairie. La mission qu’il s’est donnée est de faire connaître les auteurs de polars du Québec, et ce, des deux côtés de l’Atlantique.

Crimes à la bibliothèque
Auteur(e)s : François Barcelo, David Bélanger, Roxanne Bouchard, Laurent Chabin, Sylvie-Catherine De Vailly, Hervé Gagnon, Anna Raymonde Gazaille, Maxime Houde, Michel Jobin, Jacqueline Landry, Jean Lemieux, François Lévesque, André Marois, Maureen Martineau, Maryse Rouy, Francine Ruel, Martin Winckler.
Directeur de publication : Richard Migneault
Collection Reliefs dirigée par Anne-Marie Villeneuve
Éditions Druide : www.editionsdruide.com
ISBN PAPIER : 978-2-89711-214-1
ISBN EPUB : 978-2-89711-215-8
ISBN PDF : 978-2-89711-216-5
384 pages
Broché
24,95 $

En librairie le 30 septembre 2015
Avec le soutien du Conseil des Arts du Canada et de la Sodec Québec

© photo : courtoisie
© photo de Richard Migneault : Caroline Laurin