Albertine en cinq temps, une des meilleures pièces de théâtre du grand auteur québécois Michel Tremblay vient de débuter ses représentations à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec. La compagnie de théâtre de la capitale, Le Trident en coproduction avec Le Théâtre du Nouveau Monde de Montréal présentent cette œuvre majeure du théâtre de Michel Tremblay. C’est un moment exceptionnel qui célèbre en quelque sorte le trentième anniversaire de la création sur scène de cette pièce.
La metteure en scène et directrice du Théâtre du Nouveau Monde, Lorraine Pintal signe cette mise en scène. Elle a eu la main heureuse dans son choix remarquable de six grandes comédiennes de Québec et de Montréal: soit Monique Miller, Marie Tifo, Lorraine Côté, Lise Castonguay, Émilie Bibeau et Éva Daigle.
Or la direction des comédiennes est magnifique. Le jeu, la présence sur scène des protagonistes sont spectaculaires tant en intensité qu’en subtilité selon les scènes, les thèmes et les climats du texte joué. Éblouissants moments qui viennent nous faire réfléchir sur le sens de la vie et ses étapes par une Albertine de 70 ans qui échange et dialogue ses autres Albertine qui l’incarnent à 30, 40, 50 et 60 ans. Intervenant dans ces tableaux, apparaît aussi dans les échanges, Madeleine, la sœur d’Albertine, vient apporter sa vision et donner un éclairage additionnel pour toutes.
Issue du monde théâtral et de l’écriture de Michel Tremblay, inspirée par son vécu, Albertine, cette femme de milieu populaire de quartiers du centre-ville de Montréal nous dit sa rage, sa tristesse, sa frustration, la tristesse relativement à ses enfants, ses déceptions, ses secrets, son espoir, son humour, sa sensibilité, et sa résilience même. C’est affirmé dans des moments d’échange, de dialogue, de duos, trios, quatuors, quintettes et de solitude exprimés également par des monologues. Le spectateur est accroché et happé complément par le drame et la beauté des échanges entre les Albertine de différents âges. Le texte en soi est magnifique. C’est d’ailleurs là où résident toute la force et le génie du créateur qu’est Michel Tremblay. Savoir mettre en relation physique et temporelle ainsi qu’en paroles ces femmes à différentes époques de la vie d’Albertine, ça demeure un tour de force. De plus, toutes ces comédiennes sont à la hauteur du talent de Tremblay et de la direction de Lorraine Pintal. On est ému par toutes les interprètes et très particulièrement par les présences de Monique Miller, Marie Tifo, Lorraine Côté et Lise Castonguay.
Appuyant et magnifiant le travail de la metteure en scène, mentionnons la scénographie de Michel Goulet qui signe un décor superbe à la fois réaliste, épuré et symbolique. Le tout est formidablement souligné par les éclairages très réussis de Denis Guérette. Quant aux costumes, ils sont dus au grand créateur de costumes de Québec, Sébastien Dionne. Les maquillages très adéquats sont de Jacques-Lee Pelletier. Enfin, la metteure en scène a eu l’idée et l’intuition de confier la création musicale pour la pièce à Jorane. C’est complètement justifié et parfaitement en accord avec la pièce.
Donc, ce spectacle théâtral est à voir sans fautes. Le spectateur est touché complètement par la grande réussite du spectacle et est interpellé par le questionnement de tout individu quant au sens de sa vie, de ses bonheurs, ses angoisses, ses regrets, ses tragédies et ses accomplissements.
La pièce se joue à Québec jusqu’au 8 février. Par la suite, elle sera à l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde à Montréal du 11 mars au 5 avril prochain. Enfin, du 30 avril au 3 mai, le Théâtre français du Centre national des arts à Ottawa présentera la production.
Les comédiennes :
par ordre alphabétique
Émilie Bibeau, Albertine, 30 ans
Lise Castonguay, Albertine, 60 ans
Lorraine Côté, Madeleine
Éva Daigle, Albertine, 40 ans
Monique Miller, Albertine, 70 ans
Marie Tifo, Albertine, 50 ans
Les créateurs : (équipe de conception)
Texte : Michel Tremblay
Mise en scène : Lorraine Pintal
Scénographie : Michel Goulet
Costumes : Sébastien Dionne
Éclairages : Denis Guérette
Musique : Jorane
Maquillages : Jacques-Lee Pelletier
Crédit-photos: Vincent Champoux