Bougres de Vies

Bougres de Vies

 

William A. Peniston et Nancy Erber nous présentent tout un ouvrage avec Bougres de Vies. Avec ces témoignages de l’intime, c’est plus que l’homosexualité qui est décrite. Cet ouvrage en est un d’anthropologie. Non seulement les hommes décrivent avec acuité leur amour pour d’autres hommes et les diverses façons de le faire, mais aussi comment la société réagit vis-à-vis leurs comportements.

 Dans le fond, ces témoignages nous forcent à reconnaître que tout individu se définit en fonction dont les autres le regardent. Si la société judéo-chrétienne condamne les amours homosexuelles et que la société civile criminalise ces comportements, l’homosexuel se verra comme vicieux et criminel. Ses amours seront non seulement illégales mais illégitimes. Pour le plus grand malheur de tous.

 Ce qui ressort aussi c’est l’envie de ne plus être, de mourir pour la plupart des jeunes hommes qui en sont à l’acceptation de leur orientation sexuelle; tellement ils se sentent en porte-à-faux vis-à-vis leurs confrères. Pourtant ils ne vivent que ce que les hétérosexuels vivent dans le fond de leur âme : l’amour.

 Mais par la faute d’une civilisation qui rejetait le corps humain. Par la faute de certains penseurs influents, plus ou moins psychopathes, les interdits sexuels d’abord religieux sont devenus lois civiques et leur criminalisation a suivi. Heureusement que certains autres penseurs, plus scientifiques ceux-là, ont fait évoluer la façon d,aborder la différence  et après de longs efforts, dans des sociétés plus évoluées, l’« altersexualité » peut se manifester au grand jour.

 Pour bien résumer la situation voyons ce qu’ Émile Zola disait. Il avouait ne pouvoir écrire un roman à partir des faits décrient par lettre qu’un jeune homme lui avait fait parvenir car il aurait été mal jugé par les bonnes âmes de la société dans laquelle il vivait. Pourtant il disait aussi et fort à propos « On ne condamne pas un bossu de naissance, parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme d’agir en femme, s’il est né femme à demi? ».

 Il est juste regrettable qu’un tel ouvrage n’ait   pas droit de cité dans des sociétés encore sous le joug de certains rétrogrades au très grand détriment des homosexuels et tribades qui en souffrent. Que cet ouvrage leur parvienne pour les encourager à lutter, dût-il traverser les frontières sous le manteau!

 Notes de l’éditeur

Huit homosexuels de la seconde moitié du XIXème siècle se racontent ici, invités par des médecins à prendre la plume pour se dire. Ils ne se confessent plus à des prêtres, mais à des savants curieux de comportements alors jugés pathologiques. « La volonté de savoir », pour reprendre la formule de Foucault, se double du désir de bien distinguer le normal et l’anormal en matière de sexe. Ces confessions sont apparemment libres et spontanées. On se doute bien qu’elles sont écrites sous influence.

Bougres de vies permet au lecteur d’aujourd’hui de s’intéresser pourtant bien plus à la singularité de chacune qu’à l’appareil scientifique qui les encadre – et qui nous les a transmises – et d’y découvrir un piquant romanesque plus ou moins voulu par leurs auteurs.La Comtesse, l’homme aux quatre amours, l’amateur de nudités masculines, le fétichiste des blouses ou celui des bottes vernies, l’admirateur à en mourir du Dédé d’Essebac, le parricide hermaphrodite mental, l’inverti-né qui offre sa vie à Zola comme matériau romanesque, autant de vies racontées et réunies ici, pour la première fois, qui ouvrent la voie à une écriture du moi homosexuel.

 Les auteurs

William A. Peniston et Nancy Erber sont deux universitaires américains. En publiant Queer lives, en 2007, ils ont permis à un public d’Outre-Atlantique de découvrir une matière française connue à l’époque des seuls médecins et que Zola lui-même n’a pas osé exploiter dans sa vaste fresque des Rougon-Macquart.

Nombre de pages : 216

Prix suggéré : 31 €

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