La comédie musicale American Idiot: opera-rock au visuel original avec d’excellents chanteurs

Comédie musicale American Idiot
Comédie musicale American Idiot

Basé sur un album et quelques succès du groupe de musique punk-rock Green Day, la comédie musicale American Idiot a été présentée à Montréal les 4 et 5 janvier 2014. Après un succès à New York (2 Tony Awards en 2010) pendant plus d’un an, la tournée sillonne l’Amérique depuis ce temps. C’est un spectacle bien rôdé qui frappe à notre porte. Evenko en est le producteur, tout comme le grand succès « The Lion King » qui sera présenté en août 2014 dans la même salle. D’entrée de jeu, l’album American Idiot de Green Day (2004) était organisé en opéra-rock. Par la suite, le chanteur et guitariste du groupe Billie Joe Armstrong et le metteur en scène Michael Mayer ont écrit un livret qui a ainsi permis d’insérer les chansons de l’album, d’autres succès du groupe et ainsi créer une comédie musicale originale.

Presque entièrement chantée, l’histoire raconte la quête de la vie passionnante de Johnny et de ses amis Will et Tunny qui vivent dans la banlieue américaine Jingletown.

Tunny, Will et Johnny
Tunny, Will et Johnny

Ces jeunes décident de partir pour la grande ville afin de donner un sens à leur vie, monotone et ennuyeuse. Mais tout juste avant leur départ, Heather annonce à Will qu’il sera père. Ce dernier se résigne à voir partir ses deux amis pendant qu’il restera à se morfondre à Jingletown. Arrivé dans la grande ville, Johnny perd aussitôt Tunny qui se sent interpellé par l’armée américaine. Johnny a le coup de foudre pour un fille, Whatsername. C’est après la rencontre avec le démon de la drogue représenté par St. Jimmy qu’il aura le courage de sortir avec Whatsername. La drogue le fera descendre au plus profond au point où il décide de se reprendre en main avec l’espoir d’une vie meilleure. Il s’achète un billet de retour pour Jingletown. Pendant ce temps, Tunny est blessé au combat et tombe amoureux de son infirmière. L’autre ami, Will, est désespéré et seul à la maison car Heather l’a laissé et est partie avec le bébé et un nouvel amant. Dans une scène finale les trois amis se retrouvent au retour de Johnny qui se réconcilient avec la vie.

La réussite de cette production réside principalement dans la qualité et le dynamisme des voix des interprètes. Ils sont tous dignes d’une performance qu’on verrait sur Broadway. Jared Nepute (Johnny) chante d’une voix énergique et puissante, tout en étant juste. En plus de bien chanter le rock, il a une voix très agréable dans ses ballades quand il s’accompagne à la guitare. Petite note intéressante, le chanteur et auteur Billie Joe Armstrong a interprété ce rôle (Johnny) pour quelques représentations à New York. Casey O’Farrell (Will) possède une voix polyvalente. Il joue avec les nuances et les timbres facilement. Ses graves sont superbes et son falsetto est juste et surprenant dans la chanson «Nobody Likes You». Tous les registres de sa voix sont agréables à entendre. Dan Tracy (Tunny) a des aigues claires et puissantes.

Whatsername et Johnny
Whatsername et Johnny

Mariah MacFarlane (Heather) est celle qui impressionne le plus vocalement. D’un timbre de voix typiquement Broadway, elle a de bonnes aigues et chante aussi en voix mixte ou de poitrine avec puissance et beaucoup de caractère. Olivia Puckett (Whatsername) nous charme avec une belle voix douce et mielleuse au début, mais nous montre son côté givré plus tard avec une voix puissante et nuancée. Daniel C. Jackson (St. Jimmy) a une voix solide, semblable à son alter ego Johnny, très puissant. On voit qu’il est un performer solide car il n’a pris que quelques secondes à changer de micro lorsqu’un problème technique s’est pointé à la première. Tous les autres chanteurs de l’ensemble sont aussi excellents, procurant de magnifiques harmonies dans plusieurs chansons de groupe. D’ailleurs plusieurs de ces chanteurs secondaires sont aussi des doublures pour remplacer les chanteurs principaux lorsque nécessaire.

La mise en scène est très ingénieuse et non-conventionnelle. Elle permet de suivre trois histoires en parallèle. Le décor moderne (un peu comme la comédie musicale Rent à Broadway) avec des projections, des éclairages et de multiples télévisions qui donnent un rythme énergique et dynamique. Quelques belles trouvailles comme l’autobus composé d’un échafaudage (voir photo), la séquence du rêve à l’hôpital militaire, la scène finale où tous jouent de la guitare, le recruteur de l’armée qui arrive incognito en sous-vêtements, etc. Les chorégraphies sont simples mais efficaces et surtout très énergiques en s’inspirant des mouvements punk. Une chorégraphie avec des cordes entre Johnny et Whatsername est assez original. Un excellent orchestre rock de 5 musiciens accompagne le groupe dans le décor.

L'autobus en direction vers la ville
L’autobus en direction vers la ville

Plusieurs bons numéros sont à souligner: Boulevard of Broken Dreams, quand ils arrivent dans la grande ville, la chorégraphie de Last of the American Girls et Last Night on Earth, la dynamique et les harmonies dans 21 Guns et Wake Me Up When September Ends. Mais il ne faut surtout pas manquer la chanson après les saluts où tous les interprètes s’accompagnent à la guitare en chantant le succès Good Ridance (Time of Your Life).

Ce spectacle plaira à tous les amateurs de musique rock ou de la musique de Green Day. À cause de thèmes matures, je ne conseille pas ce spectacle à de jeunes enfants. Le public présent à la première a réagi favorablement à chaque numéro et a réservé un ovation debout à la fin. Les points forts de American Idiot sont la bonne musique rock de Green Day et l’énergie du spectacle. Par contre on ne réussit pas à s’attacher aux personnages, sauf dans les dernières minutes à la scène des retrouvailles. La salle Wilfrid-Pelletier n’est pas l’endroit idéal pour le son d’un spectacle rock, malgré qu’on s’y habitue un peu après quelques chansons. Il y a plusieurs thèmes intéressants abordés, comme la recherche de soi, la rébellion, la drogue et la dépendance, etc. Malgré des thèmes sombres, l’histoire se termine sur l’espoir d’une vie meilleure. Et nous on reste sur une impression d’avoir passé un beau moment.

Les bons coups: interprètes dynamiques avec d’excellentes voix, mise en scène ingénieuse, bonne musique rock, orchestre, prix abordable des billets.

Les moins bons coups: sonorisation de la salle

American Idiot
American Idiot

Équipe de création: selon un livret de Billie Joe Armstrong et Michael Mayer, musique par Green Day, paroles de Billie Joe Armstrong. Produit par Work Light Productions. Mise en scène de Michael Mayer. Chorégraphie de Steven Hoggett.

Distribution: Jared Nepute (Johnny), Casey O’Farrell (Will), Dan Tracy (Tunny), Mariah MacFarlane (Heather), Olivia Puckett (Whatsername), Daniel C. Jackson (St. Jimmy), Taylor Jones (extraordinary girl), Alex Boniello, Liam Fennecken, Sean Garner, Antwaun Holley, Andrew Humann, Alison Morooney, Michael Pilato, Turner Rouse, Jr., Josephine Spada, Chelsea Turbin.

Présenté en anglais sans intermission (environ 1h35) à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts les 4 et 5 janvier 2014. Billets en vente au http://www.laplacedesarts.com ou au 514-842-2112 (44$ à 78$).

Lien de la tournée:
http://www.americanidiotthemusical.com/

Photos: Jeremy Daniel