Falstaff de Verdi

Lyne Fortin (Alice) et Marie-Josée Lord (Meg)

C’est le 10 mai dernier que j’ai eu mon baptême d’opéra, en assistant à la présentation générale de Falstaff, le dernier opéra de Verdi. Ce grand tragédien signe ici une œuvre plutôt humoristique, une comédie en fait, tirée de l’œuvre de Shakespeare. Pour l’occasion, en plus des médias, l’Opéra de Québec permet aux étudiants de la région d’assister gratuitement aux représentations lors des générales.  On pouvait donc noter dans l’assistance, une grande quantité d’étudiants qui étaient là pour découvrir et apprécier cette œuvre remarquable.  

D’emblée, je dois dire que je suis une néophyte en la matière, mais je peux affirmer que j’ai adoré ma première soirée à l’opéra.  Je me suis découvert un véritable amour pour cet art et ces artistes passionnés. 

L’opéra nous est présenté en version originale italienne avec surtitres français. Pour bien apprécier le spectacle et être bien positionné pour lire, il est préférable d’avoir des sièges au balcon ou à l’arrière de la salle.

Lyne Fortin (Alice) et Gaétan Laperrière (Falstaff)

Ainsi, Falstaff (l’excellent baryton Gaétan Laperrière), c’est un gros bonhomme bien dodu, un personnage gras et jovial, cynique et sans principes, que les gens vont aimer détester. Il envoie deux lettres d’amour identiques, l’une à Meg Page (la pétillante soprano Marie-Josée Lord), l’autre à Alice Ford (la sublime soprano Lyne Fortin). Il espère de nouvelles aventures amoureuses. Son plan est rapidement découvert par les principales intéressées, et par Ford (le plus grand que nature baryton Jean-François Lapointe) le mari de cette dernière. Les femmes, aidées de Ford et ses hommes, forment dès lors deux camps qui, chacun de leur côté, entreprennent de se venger, en ridiculisant le pauvre Flastaff qui apprendra à ses dépens la célèbre citation : Rira bien qui rira le dernier…

Arrigo Boito, l’auteur du livret, a puisé son sujet dans Les joyeuses commères de Windsor de Shakespeare. Comme il s’agit d’une comédie, et que son propos se révèle vivant et festif, l’ambiance qui règne tout au long de cet opéra est joyeuse et contagieuse.  Les situations peu réalistes qui apparaissent au fil de l’intrigue font penser parfois au théâtre de Feydeau, où l’absurde prend le dessus sur la tragédie et déclenche les éclats de rire. Il est certain qu’une grande majorité de ces rires sont engendrés par le personnage de Falstaff lui-même. Son jeu physique et sa voix puissante nous permettent d’apprécier tout le talent du baryton Gaétan Laperrière.

On a droit cependant à quelques moments plus sérieux, plus dramatiques, comme cet excellent solo des plus captivants de Jean-François Lapointe, le mari d’Alice, alors que rongé par la jalousie, il laisse aller sa colère. Très expressif, on ressent toutes ses émotions et sa voix puissante nous fait frissonner. C’est un moment magique, où Ford est seul devant le rideau noir. 

Le quatuor des femmes : Pascale Beaudin, Lyne Fortin, Marie-Josée Lord et Sonia Racine

Tout au long de l’opéra, il y a un réel défi pour tous les chanteurs ainsi que pour l’orchestre, alors que Verdi n’a écrit aucun air dans son ultime opéra. Il a conçu la musique à même la trame dramatique afin que le texte et le chant s’unissent dans un enchaînement continu. Ainsi, il n’y a pas beaucoup de solos. Ce sont plutôt des ensembles vocaux. Par exemple, un des moments forts de cet opéra survient lorsque les 4 femmes (Alice Ford, Meg Page, Dame Quickly et Nannetta) chantent ensemble, et même rigolent en chantant. C’est magique!   Il y a aussi une belle scène où les 4 filles chantent d’un côté de la scène et les 4 gars (le mari et 3 autres) chantent de l’autre côté. Ils se répondent sur des tons différents. J’en aurais pris plus de moments comme ceux-là, rempli de complicité, de taquineries. 

De plus, les chanteurs sont constamment en mouvement. Il y a beaucoup de déplacements, c’est un feu roulant et le public se laisse aisément entrainer dans les multiples intrigues et situations cocasses où fusent la jalousie, la vengeance, et l’amour. Car en plus de cette histoire avec Falstaff, on retrouve une belle histoire d’amour entre Nannetta (la soprano Pascale Beaudin) et Fenton (le ténor Antonio Figueroa). Ils sont adorables tous les deux. Leurs voix s’unissent à merveille. 

Je dois également mentionner l’élan de fraicheur et de légèreté que l’on ressent à chaque apparition du quatuor féminin (Lyne Fortin, Marie-Josée Lord, Sonia Racine et Pascale Beaudin)  Alice, et sa fille Nannetta sont excellentes, avec leurs voix puissantes de soprano. Marie-Josée Lord, qui a un plus petit rôle, est très expressive. On voit qu’elle est à l’aise dans son rôle. Mais lorsqu’elle chante en solo, ce qui est plutôt rare, on entend à peine sa voix. Cela m’a surpris. Et la dame Quickly est coquine à souhait, surtout lorsqu’elle s’entretient avec Falstaff en déployant tous ses charmes. 

Le choeur des Fées avec Pascale Beaudin (Nannetta)

Avec un décor correct sans plus, on se surprend à surtout apprécier les magnifiques tenues de ces dames. Les costumes sont tous très colorés chez les filles et pour la plupart, teintés de brun chez les hommes. On retrouve aussi beaucoup de couleurs et de costumes divers en deuxième partie de spectacle. 

La deuxième partie (après l’entracte) est peuplée de plusieurs personnages et de changement de costumes. Au total, on compte 38 personnes sur scène à certains moments. 24 chanteurs, 4 figurants et les 10 interprètes principaux. La finale est fabuleuse, avec des chants de groupe, de la passion et de la joie de vivre dans leurs chants qui se transmettent au public. Celui-ci est debout pendant un long moment après la fin de l’opéra pour acclamer tout ce beau monde qui a réussi à les divertir avec tant d’entrain et de raffinement. 

Falstaff au premier plan, en arrière à gauche Jean-François Lapointe et Lyne Fortin

Somme toute, c’est un opéra peu complexe, léger, drôle, divertissant et à la limite du burlesque parfois. De la taquinerie sans malice, plein de fantaisie, un bon choix pour voir un premier opéra. Je ne m’y connais pas tellement en opéra et musique du genre, mais je peux dire que j’ai passé un excellent moment en compagnie d’artistes complets bourrés de talent. 

 

L’Opéra de Québec
Falstaff  de Verdi 

Chef d’orchestre : Giuseppe GRAZIOLI
Metteur en scène : Jacques LEBLANC

Sir John Falstaff : Gaétan LAPERRIÈRE, baryton
Ford : Jean-François LAPOINTE, baryton
Mrs Alice Ford : Lyne FORTIN, soprano
Mrs Meg Page : Marie-Josée LORD, soprano
Dame Quickly : Sonia RACINE, mezzo-soprano
Fenton : Antonio FIGUEROA, ténor
Nannetta : Pascale BEAUDIN, soprano
Bardolph : Jeremy BLOSSEY, ténor
Pistol : Taras KULISH, basse

Le Chœur de l’Opéra de Québec
L’Orchestre symphonique de Québec

Version originale italienne avec surtitres

Salle : Salle Louis-Fréchette

Prix des billets : de 45,50 $ à 119,50 $
* taxes et frais de service inclus. Frais variables selon le mode d’achat.

Le 12 mai à 19h et les 15, 17 et 19 mai à 20h à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre

http://www.operadequebec.qc.ca/

crédit photos : Louise Leblanc