Sauce brune

 

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Elles sont quatre employées dans la cafétéria et elles préparent la nourriture pour les enfants de l’école secondaire. Du lundi au vendredi (5 actes), Armande (Johanne Fontaine), Cindy (Marie-Ève Pelletier), Sarah (Anne Paquet) et Martine (Catherine Ruel), discuttent de travail et d’hommes en accomplissant leur job routinier. Mais le fond des discussions est trop souvent noyé par l’utilisation intense de sacres.
 
Juste avant le début de la pièce, on nous prévient: il y aura beaucoup de sacres. Et dès la première scène, on réalise que le mot «beaucoup» n’est qu’euphémisme. Deuxième scène: même schéma. Deux ou trois sacres par phrase, minimum. On se demande si ça va vraiment continuer comme ça pendant les 100 prochaines minutes, et la réponse est oui. Jamais vous n’entendrez dans votre vie une concentration aussi élevée de sacres dans une période de deux heures. On s’habitue bien sûr après une quinzaine de minutes, mais on se demande quand même quelle est l’utilité de cette utilisation excessive qui en devient trop souvent abusive.
 
Pour Simon Boudreault, qui a écrit le texte, aussi publié chez Dramaturges Éditeurs, sacrer est utile «pour tout dire» ou «pour essayer de tout dire». Malheureusement, à part à quelques rares fois pendant la pièce, on n’en voit aucunement l’utilité. On pourrait voir cette utilisation comme une certaine critique sociale, mais outre la surexploitation de sacres comme «Ostie», «Criss», «Câliss», «Cibole», «Sacrament» ou «Tabarnak», l’oreille sensible pourrait être choquée à biens d’autres moments. «Elle trippe comme une mouche à marde devant un étron qui vient d’être chié»: voici le type de comparaisons parfois douteuses et souvent vulgaires laissant bien perplexe le spectateur.

Le jeu des actrices réussit au moins à compenser cet aspect plus lourd. Et malgré une histoire sans rebonds extraordinaires, deux scènes en particulier font vivre des émotions assez intéressantes. Une première fois lorsque les quatre femmes sont en pause de travail et qu’elles observent les enfants de l’école, remettant en question leur boulot. Une deuxième fois lorsque Cindy parle à Martine d’une expérience psychologique faite avec des poules, histoire mettant en parallèle la relation entre les quatre employées elles-mêmes. Deux scènes qui sont donc plus philosophiques et qui portent à réflexion.

Deux semaines thématiques sur le sacre
Les activités gravitant autour de la pièce risquent d’être plus intéressantes que la pièce elle-même. Le samedi 28 août 2010, le linguiste russe Artiom Koulakov, enseignant à l’Université d’État de Saratov, jettera un regard sur les «Sacres et l’identité nationale des Québécois». Le 3 septembre 2010, un échange-débat sur le thème «Créer, c’est sacré!», sera animé par Paul Lefebre conseiller dramaturgique au CEAD en compagnie d’artistes, linguistes, professeurs et critiques.
 
Texte et mise en scène: Simon Boudreault
Comédiennes:
Armande: Johanne Fontaine Cindy: Marie-Ève Pelletier Sarah: Anne Paquet Martine: Catherine Ruel

Pour tous les détails sur ces événements ainsi que la pièce: espacelibre.qc.ca/sacree-sauce-brune
 
Crédit photo: Sylvain Légaré