…Et autres effets secondaires

 
 
Le théâtre Premier Acte reprend fort heureusement pour le public, une pièce qui a connu un énorme succès la saison dernière …Et autres effets secondaires. Ceci est une création collective de Des miettes dans la caboche soit les finissants 2009 du Conservatoire d'art dramatique de Québec et avec une mise en scène de Marie-Josée Bastien.
 
Cette pièce a comme thème la schizophrénie. Le public assiste à la descente aux enfers de Benoît qui perd graduellement le contact avec la réalité, à mesure que sa maladie progresse en lui. La pièce débute au moment où Benoit (Jean-Pierre Cloutier), un sans-abri souffrant de délires psychotiques, ayant fui le monde pour un crime dont il ne garde aucun souvenir, décide de revivre les moments importants de sa vie qui l’ont amené à ce jour fatidique du 18 mai. C’est ainsi que Benoit (Jean-Pierre) assiste aux instants marquants de son enfance, joué par le Benoit plus jeune (Matthew Fournier) et les répercussions que sa maladie a entraînées dans sa famille, ses amis à l’école et autour de lui.
 
Dès les premiers instants de la pièce, le public est transporté dans le cerveau de Benoit le schizophrène, cette maladie mentale qui effraie. Ainsi, de voir notre cerveau qui nous joue des tours et déforme notre réalité, d’entendre des voix, des personnes dans notre tête qui nous parle, sans savoir s’ils sont réels et si on peut les arrêter, d’avoir le cerveau tellement détraqué au point de penser qu’il y a un complot, que tout le monde vous en veut, voilà un peu ce qui se passe dans la tête de ce jeune homme qui se réfugie derrière un mutisme, des idées de devenir un superhéros et un cahier de dessins où surgissent ses angoisses, sa violence et la naissance de sa libido.
 
 
 
Pour bien amener le public à ressentir toute la souffrance et l’angoisse de ce jeune homme, tout est mis à contribution. Par exemple, les costumes ont été pensés de façon très originale. Tous les personnages sont habillés dans des tons de gris, beige, bruns et noirs, avec des pièces de vêtements hétéroclites et surtout, tous des fermetures éclair et des capuchons. Plusieurs comédiens jouent plus d’un personnage, mais ce n’est vraiment pas compliqué à les discerner entre eux. Ils mettent ou enlèvent leur capuchon, ou dézippent leur manteau. Ils changent de postures ou mettent une veste et le tour est joué. En contraste, les murs sont vert et blanc, avec un mobilier blanc et des reflets de lumière sur le plancher pour le teinter de vert ou de jaune. Donc, des couleurs déprimantes, grisonnantes, verdâtre, malade, pour ajouter au ton qui est donné dès l’entrée en salle, puisque les 10 comédiens sont déjà assis sans bouger à notre arrivée.
 
Une autre belle initiative également, soit celle de placer les spectateurs des deux côtés de la scène, intégrant ainsi le public dans l’action, vient donner une dimension plus intimiste à la pièce.
 
Au niveau de la mise en scène, quel tour de force de jouer ainsi avec les chaises et les bouts de tables! En un instant, on passe de la cuisine à la salle de classe. Puis l’espace est libéré et on se retrouve dans la rue avec les passants que Benoit l’itinérant intercepte pour de l’argent. Également, les accessoires utilisés sont représentés sous forme de dessins sur du papier. Ainsi, on a un gâteau dessiné sur une feuille, une tranche de pain, un dessin d’un couteau. Cela ajoute à l’effet d’image de superhéros et de dessins que cet être malade a dans la tête. Vraiment ingénieux!
 
 
La musique aussi vient donner une surcharge émotive supplémentaire, avec à l’occasion de la musique électros des sons tels une cacophonie.
 
Naturellement il faut mentionner le jeu intense des comédiens pour démontrer la psychose qui s’empare de ce schizophrène et qui viennent soutenir la performance magistrale des deux Benoit. Il y a un synchronisme parfait des déplacements des mouvements de chacun, l’ajout de murmures parfois, l’intensité des trois amis imaginaires qui tournoient autour de Benoit pour l’étourdir. La rapidité également des acteurs à changer de scène en quelques secondes, pour nous amener au plateau suivant, est déstabilisante au point d’en être nous-mêmes étourdis.
 
Il y a une belle magie qui se crée entre les deux personnages de Benoit. La présence constante et l’interaction de Benoit plus vieux dans les souvenirs de Benoit plus jeune donnent une autre dimension à la pièce. Il revit ses souvenirs avec son alter ego plus jeune. Ils parlent parfois à l’unisson où refont les gestes en même temps. Une belle écoute et une symbiose entre ces deux acteurs, on dirait parfois des siamois. Un excellent choix de ces deux acteurs pour interpréter le même rôle. On y croit totalement. Les deux comédiens qui s’échangent le rôle de Benoit sont carrément géniaux!
 
Bien que ce soit une pièce dramatique, forte, aux émotions parfois fracassantes, il y a des moments magiques, drôles mêmes qui surviennent dans la pièce. On assiste à de beaux moments, comme celui où Benoit dans la rue décide de faire un retour arrière dans ses souvenirs pour revisiter le début de sa maladie. À ce moment, les comédiens refont à l’envers leurs déplacements, comme si on reculait la cassette de l’histoire. Également, un autre moment hallucinant est amené, lors de la parodie du jeu-questionnaire télé Le cercle. Une vraie folie, où le désarroi de Benoit et son tourment intérieur sont mis en valeur dans les paroles totalement blessantes de sa famille et amis qui sont les divers participants du jeu.
 
 
En résumé, le public assiste vraiment à une pièce intense, dans une mise en scène ingénieuse et surtout deux schizophrènes avec un talent fou!
 
Cette pièce est présentée à Premier Acte jusqu’au 4 décembre prochain. Vraiment une pièce à ne pas manquer!
 
Production : Théâtre Des Miettes dans la Caboche
Mise en scène : Marie-Josée Bastien, en étroite collaboration avec les comédiens
Assistance à la mise en scène : Jean-Michel Girourad
Scénographie : Valérie Cantin
Costumes : Daphnée Lemieux Boivin
Éclairages : Christian Garon
Musique : Josué Beaucage
Régie : Mathieu Bernard et Daphnée Lemieux-Boivin
 
 
Distribution :
Dans cette reprise au Premier Acte, trois comédiens ont remplacé certains membres de la distribution originale : Claude Breton et Jeanne Gionet-Lavigne (finissant 2010 du conservatoire) ainsi que Jean-Michel Girouard (finissant 2008 du Conservatoire).
 
Jean-Pierre Cloutier, Matthew Fournier : Tous deux dans le rôle de Benoit
Marc Auger Gosselin : Père de Benoit 
Claude Breton : Mère de Benoit 
Jeanne Gionet-Lavigne : sœur de Benoit
Stéphanie Perreault : Tommie 
Hubert Bolduc : ami imaginaire 
Myriam Huard : amie imaginaire
Jean-Michel Girouard : ami imaginaire
Lorie Caron : psychologue, thérapeute
Les comédiens ont également interprété divers autres rôles secondaires durant la pièce
 
Joëlle Bourdon, Jean-Philippe Debien et Catherine Hughes étaient de la distribution originale.
 
 
Théâtre Premier Acte
www.premieracte.ca/
 

crédit photos : Premier Acte