La face cachée de la lune

alt
 
Pour célébrer les 10 ans de la création de cette pièce et les 40 ans du théâtre du Trident, les gens de Québec sont choyés de pouvoir apprécier jusqu’au 5 février prochain La face cachée de la Lune, de Robert Lepage et interprété avec brio par Yves Jacques.
 
L’histoire se résume ainsi : Deux frères confrontés à la mort récente de leur mère, tentent une difficile réconciliation. André, vaniteux, qui se cache un peu derrière une façade de belle assurance est un ambitieux annonceur de météo à qui tout réussit. Philippe, plutôt rêveur, la tête dans la lune, presque pathétique dans sa quête de son doctorat est un perpétuel étudiant sans emploi et qui semble confiné à être un éternel perdant. Profondément touchés par la perte de leur mère, dernier lien entre eux, ils prennent conscience de tout ce qui les sépare, mais aussi de la relation fraternelle qui les lie. En toile de fond, se dessine la course vers la Lune entre les Soviétiques et les Américains, beau retour dans notre passé collectif de la conquête de l’espace.
 
Pour avoir vu déjà le film du même nom (sorti en 2003), je me demandais bien comment ce film pouvait se transformer en pièce de théâtre à un seul personnage. Or à ma plus grande joie, j’ai découvert à nouveau l’extraordinaire talent créatif et imaginatif de Robert Lepage, pour créer des univers variés avec presque rien, de même que son habileté suprême à transformer un objet pour en évoquer plusieurs autres en un rien de temps. La pièce est définitivement plus grandiose et surprenante que le film.
 
Il est fabuleux de voir une planche à repasser devenir tour à tour un scooter, une bicyclette d’entraînement, un appareil de musculation, une jeune enfant chez le médecin… De même, une porte ronde vitrée comme une entrée de laveuse, devient un hublot d’avion, la fenêtre dans la navette spatiale, le bocal du poisson rouge, une horloge, la terre, la lune… En fait avec l’ajout d’une caméra de l’autre côté de cette petite porte et la projection d’images dans cette fenêtre ronde, l’esprit inventif de Robert Lepage est sans limites et ne cesse de nous impressionner à chaque nouveauté. Avec peu d’accessoires, des projections d’images sur les murs et des cloisons coulissantes qui permettent de nous faire découvrir des décors différents d’une ouverture à l’autre, l’on passe d’un landromat, à l’appartement de Philippe, aux studios d’enregistrement du canal météo, de la salle du médecin à la salle de conférence de Moscou, d’un avion, au module lunaire, de la marche sur la lune à l’ascenseur de l’édifice où habitait leur mère. Tel un film, nous suivons l’action qui se déroule. Il y a même un générique au tout début, qui défile sur le mur. Robert Lepage réussit vraiment à nous montrer un théâtre très différent, aux allures plutôt cinématographiques.
 
Deux autres éléments font de cette pièce un chef-d’œuvre à mon avis. D’abord, la performance exceptionnelle d’Yves Jacques pour incarner ces deux frères, leur mère et parfois même un médecin. C’est d’une facilité déconcertante que cet acteur alterne entre ces personnages, en y intégrant seulement de petits éléments pour les différencier. De façon très subtile, il passe du rôle de Philippe, qui porte des lunettes, avec sa démarche peu assurée, à son frère André, qui lui porte la barbichette, parle plus pointu et marche plus droit et assuré. En contrepartie, avec un foulard et un dandinement discret, il devient leur mère, le temps d’un moment. Sublime jeu, tout en nuance, en précision et en émotion. Et le clou du spectacle à mon avis, au niveau de ce jeu d’Yves Jacques, vient lorsqu’il part littéralement dans l’espace à la toute fin de la pièce. Un jeu physique, aidé de miroir, qui donne une illusion totalement impeccable.
 
alt
 
Je me dois aussi de souligner l’apport important d’Éric Leblanc, qui manipule les marionnettes utilisées pour renforcer les moments d’archives en images et permettre des moments de transitions pour les changements de décor et de costumes pour Yves Jacques. Encore une belle idée ingénieuse et efficace.
 
Cette pièce est définitivement un évènement unique à Québec à ne pas manquer!
 
La pièce est d’une durée d’environ 2h15, sans entracte.
 
 
Une production d’Ex Machina
En coproduction avec le Théâtre du Trident
Et en collaboration avec le Grand Théâtre de Québec
 
Texte et mise en scène : Robert Lepage
Distribution : Yves Jacques
Manipulations : Éric Leblanc
 
Conception
Adam Nashman
Peder Bjurman
Pierre-Philippe Guay
Laurie Anderson
Marie-Claude Pelletier
Bernard White
Marie-Chantale Vaillancourt
Pierre Robitaille
Sylvie Courbron
 
À l’entrée du Théâtre, il est possible d’acheter le texte de la pièce au coût de 15 $, le film en format DVD, au coût de 20 $ ou le livre sur Ex Machina, les chantiers d’écritures scéniques au coût de 25 $.
 
Mardi le 18 janvier 2011, Robert Lepage sera l’invité de Gill Champagne lors de la soirée « avant-scène ». Idéales pour découvrir l’envers du décor, ces discussions permettent aux gens d’en apprendre davantage sur la production. La rencontre commencera à 19h15, juste avant la présentation de la pièce et aura lieu dans le foyer de la salle Octave-Crémazie.
 
Du 11 janvier au 5 février 2011 à 20 h,
à l’exception des 29 janvier et 5 février où la pièce sera présentée à 16 h 
Et une supplémentaire vient d’être annoncée pour le 8 février 2011.
Les billets sont en vente à compter de ce midi.
 
 
 
 
 
 
crédit photos : Vincent Champoux et Guillaume Simoneau