Lecture de la pièce Déluge

Dans le cadre de ce 12e carrefour international de théâtre, et pour la 4e année consécutive, les chantiers – constructions artistiques présentent 10 projets, sous forme de lectures, laboratoires ou spectacles, où le public est convié à donner ses impressions, à participer à une discussion qui permettra ensuite à l’équipe de création de faire évoluer et finaliser leur œuvre.

Présentés à Premier Acte, ces chantiers sont une initiative de tectoniK – compagnie de création. Une contribution volontaire est grandement appréciée (montant suggéré de 10 $, à déposer dans le petit camion à l’entrée de la salle).

C’est un moment privilégié, autant pour le public que pour les créateurs, que de pouvoir, pour l’un, de voir une pièce en pleine évolution et possiblement aider à sa progression, pour l’autre d’avoir le pouls de gens et discuter avec eux de ce qu’ils ont accompli et ce qui leur reste à travailler. En trois ans, il y a eu 31 chantiers de présentés et de ceux-là, 16 d’entre eux ont été joués dans des saisons officielles par la suite.

Les lectures, il y en a 3, (les 4, 5 et 11 juin) sont fait le matin, sous forme de brunch-lecture, où sont servis, café, jus, croissant, fruits, beignes et le public discute après la lecture, avec l’équipe de création.

C’est ainsi que le 11 juin à 11 h, le public a assisté au dernier chantier du carrefour, soit la lecture de Déluge, dans un texte de Anne-Marie White.

Résumé de l’histoire : Solange se voit confier d’urgence un enfant de trois ans, pour la journée, par une voisine qu’elle connaît à peine. Déluge raconte la douce folie de cette femme incapable de s’accrocher au rythme effréné de la vie moderne, et dont la fiction intérieure l’amène inconsciemment à commettre l’irréparable.

Avec Pierre Antoine Lafon Simard et Isabelle Roy qui incarnent les autres personnages masculins et féminins de la pièce, Geneviève Couture (dans le rôle de Solange) livre une performance toute en émotion, lors de cette lecture des peu banales. Tandis qu’en arrière-scène, Anne-Marie White livre la trame sonore très efficace avec un clavier et une batterie,

C’est une pièce très captivante qui nous tient en haleine, très chargée émotivement, où le spectateur tente de comprendre pourquoi cette femme réagit complètement différemment de la logique même. Les actions que Solange pose et le regard qu’elle a sur ce qui est autour d’elle, sont complètement à l’opposé de ce qu’une personne saine d’esprit aurait. Elle est dans le moment présent, sans perspective d’avenir.  Ses codes moraux sont complètement disjonctés. Dans un style narratif, Solange raconte ce qui lui est arrivé, mais elle le vit en même temps. Elle est toujours quelques secondes en retard sur ce qui se vit autour d’elle. Elle vit en décalé sur la réalité. Elle se regarde vivre, s’analyse et se questionne et ramène tout à elle-même. Cela aide sa psychose et son incapacité totale de contrôler son présent, d’être toujours en décalage sur celui-ci.

En plus de sa lecture tordue de la réalité, cette pièce est également très drôle, par moments, avec ses fantasmes sur les hommes qu’elle côtoie, le vidangeur, son dentiste, etc., puis comme un entonnoir, cela se resserre et l’on rit moins, on rit jaune et on ne rit plus du tout. 

Par la suite, une discussion a eu lieu avec le public, l’auteure Anne-Marie White, les trois acteurs et Marie-Josée Bastien qui a préparé la mise en lecture, pour en savoir plus sur la genèse de cette pièce et connaître la réaction et les impressions du public.

Anne-Marie White explique que contrairement à sa pièce précédente Écume, qui a pris 5 ans à se peaufiner, Déluge fut livré en 1 mois, comme une urgence, à raison de 5 à 6 heures par jour dans un café où elle jetait sur papier toute l’histoire d’un seul jet ou presque. Elle n’avait aucune idée où cela allait, mais elle écrivait. Un sujet plutôt lourd, une histoire déroutante autour du chaos urbain. Et ce déluge est complètement différent d’Écume, qui lui était très lumineux, histoire d’amour, fleur bleue.

De la part du public, la pièce a été très bien reçue. Ils ont été tous captivés par l’histoire racontée par Solange et ont trouvé que les interprètes rendaient très bien leur texte. La majorité des gens présents ont senti que la fin de la pièce aurait dû survenir avant. C’est-à-dire qu’il y a un moment précis durant la pièce où les gens se sont dit que cela pourrait probablement être la fin de la pièce. C’était un moment fort qui se devait de se laisser digérer. Même les acteurs et l’auteure ont, eux aussi, pensé que les dernières minutes étaient de trop. Marie Gignac (directrice artistique du Carrefour) a renchéri en disant que ces quelques minutes supplémentaires qui agissent comme un épilogue en fait, privent le public d’imaginer la suite par lui-même. Également, elle propose d’essayer de mettre tous les verbes au présent, pour voir si cela change la dynamique.

Reste à voir maintenant comment cette pièce sera retravaillée et peaufinée suite aux commentaires des gens dans la salle. 

Texte Anne-Marie White
Mise en lecture Marie-Josée Bastien
Avec Geneviève Couture, Pierre Antoine Lafon Simard et Isabelle Roy
Production Le Théâtre du Trillium

Durée: 1 h15 + 30 minutes de discussion.

 

http://www.carrefourtheatre.qc.ca/

http://www.premieracte.ca/

 

Crédit photo : Gracieuseté du Carrefour International de théâtre