Une littérature jeunesse pour colonisés?

L’Association des écrivains québécois pour la jeunesse

Le 15 juillet dernier, La Presse publiait sur son site un texte de Mathieu Perreault présentant des lectures d’été pour adolescents. L’article présentait 11 titres de livres, TOUS des traductions d’auteurs américains ou britanniques. Aucunes suggestions de roman de culture francophone et encore moins québécoise. Zéro. Il ne s’agit pas de faire preuve de protectionnisme à outrance et d’exiger un éventail de titres 100 % de chez nous, mais de là à faire l’inverse. Doit-on comprendre qu’aucun roman jeunesse à la fleur de lys ne mérite d’être cité ?

Dans son texte, le journaliste se borne à présenter les 11 livres par un simple paragraphe résumant l’intrigue, sans doute tiré de la quatrième de couverture ou du communiqué de presse rédigé par l’éditeur. Le journaliste a-t-il lu un seul des livres mentionnés? L’article de Mathieu Perreault suscite des réactions. Quelques auteurs jeunesse (difficile de savoir combien) écrivent au journaliste pour se plaindre. Ce dernier répond en disant que pour sélectionner les livres présentés dans son article, il s’est « basé sur les préférences de petits cobayes. Ceci dit, je suis d’accord que j’aurais politiquement dû inclure des titres québécois», ajoute-t-il avec condescendance.

Les critiques semblent tout de même avoir un certain effet sur M. Perreault, qui tente de faire amende honorable. Le 22 juillet, La Presse publie une petite annonce intitulée « Auteurs jeunesse recherchés ». Le journal y invite les auteurs à présenter leurs oeuvres et les «meilleures entrées» seront publiées sur Cyberpresse. Auront-ils droit à la version papier un jour ?

Pour faire suite à la petite annonce, Cyberpresse publie, les 22 et 23 juillet, toujours sous la signature de Mathieu Perreault, deux textes intitulés “Lire québécois”. On n’y trouve rien de plus que des phrases qui semblent des copiés-collés des textes envoyés par les auteurs. Aucune analyse, aucun commentaire. Le journaliste n’a visiblement lu aucun des livres présentés. Est-ce là une attitude professionnelle? Vraiment, notre littérature jeunesse nationale ne mérite toujours rien de plus ?

L’Association des écrivains québécois pour la jeunesse (AEQJ) déplore cette attitude coloniale où l’on semble n’apprécier que ce qui vient d’ailleurs. Doit-on y voir un manque de respect envers les auteurs et les lecteurs de La Presse? Pourtant, des références existent pour aider les journalistes. Ils peuvent s’appuyer sur des ressources comme la revue Lurelu, Communication Jeunesse, les bibliothécaires, les libraires et, soit dit humblement, nous-mêmes, l’AEQJ. Tous peuvent les aider à cibler des oeuvres d’ici pertinentes pour leurs articles, il suffit de faire l’effort et de le demander. Ce serait aussi plus stimulant de lire des textes sur la littérature jeunesse si le journaliste a vraiment lu les livres qu’il présente.

Carl Dubé, président de l’AEQJ

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