Loin. Une incursion dans le monde d’Alfred Hitchcock

Jonathan Gagnon et Jean-Nicolas Marquis-Gagnon

LOIN, c’est trois pièces d’environ 1 h 15 chacune, d’une durée totale d’un peu plus de 4 h avec deux entractes.

LOIN est un spectacle qui réunit trois courtes pièces se passant à trois époques différentes et entremêlant fiction et réalité. Ces histoires explorent l’univers du réalisateur Alfred Hitchcock, cinéaste de génie et maître du suspens, mais aussi ceux de Matthias Müller, réalisateur du nouveau constructivisme expérimental, et de David Lynch, cinéaste du surréalisme et du mystère.

La première pièce est inspirée librement de l’adolescence d’Alfred Hitchcock (Jonathan Gagnon), jusqu’à son passage à l’âge adulte pour devenir le grand réalisateur que l’on connaît. On y aborde ses problèmes de solitude, sa première histoire d’amour, son déménagement chez un oncle dépressif et ses premiers balbutiements dans le monde du cinéma, le tout, sur fond de conflit mondial. Durant cette première histoire, nous entendrons parler de certaines notes et idées qu’il aurait prises pour un éventuel projet intitulé LOIN.

Dans la deuxième pièce, qui se situe dans un festival soulignant le 20e anniversaire de la mort de Hitchock, on y suit Matthias (Éliot Laprise), monteur obsédé, hanté par les notes de Hitchcock. Également obsédé par les femmes, il s’éprendra un jour de Marion, une personne particulièrement déséquilibrée.

La troisième pièce raconte enfin l’histoire de David (Thomas Gionet-Lavigne), un cinéaste de génie qui tente de faire un film avec les notes laissées par Hitchcock. Isolé du monde, il vit reclus dans son appartement. Pour jouer dans son projet, il cherche celle qui pourra remplacer sa femme qu’il a perdue dans un accident de voiture.

Personnellement, j’adore les longues pièces et spectacle-fleuve à la manière de Wajdi Mouawad et Robert Lepage. Dans ce cas-ci, je trouve ingénieuse la façon dont se relient ces trois histoires qui s’étendent sur près d’un siècle. Et je suis une grande admiratrice de l’œuvre d’Hitchock et sa personnalité bien particulière. Alors, cette pièce m’attirait dès le départ et mes attentes étaient grandes.

Quelle soirée magique de pur bonheur, que cette incursion dans le monde du cinéma, où la réalité et l’imaginaire se côtoient! Trois brillantes histoires de fiction, brodées autour de gens célèbres qui ont déjà existé, le tout, réuni sous un même thème (les fameuses notes d’Hitchcock, ce mystérieux projet d’écriture Loin).

Jeanne Gionet-Lavigne et Jonathan Gagnon

En plus de nous amener dans des univers variés et époques distinctes, chacune des pièces est montée de manière originale. Ainsi, la vie d’Alfred nous est présentée avec des ellipses, sur une scène démunie de décor et d’accessoires, à l’exception de chaises à l’occasion. Pour la deuxième pièce, le décor y est plus présent, et la scène de format panoramique ( dans le genre d’un film en cinémascope) est découpée en endroits bien précis. On se promène constamment d’un lieu à l’autre : la conférence, le bar, la chambre d’hôtel et le moyen de transport (le train). Finalement, la dernière pièce est un huis clos à deux personnages, où pour une des rares fois, le décor et la mise en scène ne tiennent pas compte du spectateur et on se retrouve dans un salon, où les divans et fauteuils sont disposés de manière à ce que parfois les comédiens soient carrément assis dos au public. Ceci est, à mon avis, une idée géniale, puisque le public se sent plutôt voyeur dans cette pièce, comme s’il n’y était pas invité. On a vraiment l’impression d’être derrière la fenêtre et de regarder à l’intérieur ce qui s’y passe.

Ces trois pièces ont un même thème commun (les notes d’Hitchcock) mais également, elles explorent la notion du mot LOIN, comment on peut être loin de soi-même (Matthias), des autres (Alfred), d’une personne en particulier (David). On y ajoute des notions aussi de distance physique et émotionnelle.

Jonathan Gagnon

Les points forts de ces quatre heures à mon avis sont les dialogues que les auteurs ont créés à la manière des films de Hitchcock, avec des phrases à double sens, du suspens, de l’humour et de la tension. Il y a aussi le fabuleux jeu des acteurs qui vient renforcer ces textes. Jonathan Gagnon, dans le rôle du célèbre Hitchock est génial dans son interprétation de ce jeune homme renfermé sur lui-même, solitaire, qui n’a pour ami que son calepin et son crayon. On le voit évoluer graduellement, vers ce grand cinéaste qu’il deviendra. Il avait de grandes chaussures à porter, et on peut dire que Jonathan a réussi avec brio à nous rendre son personnage convaincant.

 

Éliot Laprise et Jean-Nicolas Marquis-Gagnon

Je dois également lever mon chapeau à Éliot Laprise dans son rôle de Matthias, cet être obsédé par l’ordre et la recherche de perfection. On le sent souvent nerveux, angoissé, au regard fiévreux et maladif. Un beau rôle de composition.

Mais celui qui m’a atteint directement au cœur, qui m’a le plus secoué, c’est sans aucun doute Thomas Gionet-Lavigne, dans le rôle de David. Tout passe dans son regard : son admiration et sa dévotion pour son épouse, lorsqu’il regarde la jeune fille qu’il passe en audition, son désarroi, son désespoir, en regardant le vidéo de l’accident, encore et encore, probablement dans l’espoir d’en voir une autre fin plus heureuse. Bref, une performance toute en émotion vive!

Je me dois également de mentionner l’excellent jeu de Mary-Lee Picknell dans le rôle de Madeleine, la jeune femme qui vient passer l’audition chez David. Elle est d’une candeur, d’une fraicheur sans borne. Être capable de redire son texte, encore et encore, de manière si différente à chaque fois, de la voir se transformer en actrice sous nos yeux, mais surtout de sentir son malaise, son inconfort, cela a provoqué bien souvent des rires nerveux dans la salle. Bravo!

Même si je ne m’attarde pas sur le jeu des autres comédiens, je ne peux passer sous silence leur bel ajout à ces pièces. Lucien Ratio, entre autres, qui incarne plusieurs rôles, sait nous montrer toute la polyvalence de son jeu.

Véronique Daudelin et Éliot Laprise

Donc, selon moi, c’est un spectacle à ne pas manquer! Un hommage au grand cinéaste qu’est Alfred Hitchcock, où folie et génie vont de pair, je pense qu’il ne faut pas passer à côté de cela.

Du 10 au 27 janvier 2012 à 19 h, et le dernier samedi, 28 janvier à 15 h

À noter que, parallèlement à la pièce, le Cinéma Cartier présentera une programmation de films d’Hitchcock, du 27 janvier au 2 février 2012.

 

Production : Le Théâtre du Hareng rouge

Texte : Thomas Gionet-Lavigne et Hugo Lamarre

Mise en scène : Hugo Lamarre

Scénographie : Jean-François Labbé

Musique : Alex Thériault

Accessoires : Daphnée Lemieux-Boivin

Distribution : Véronique Daudelin, Jonathan Gagnon, Jeanne Gionet-Lavigne, Thomas Gionet-Lavigne, Éliot Laprise, Jean-Nicolas Marquis-Gagnon, Mary-Lee Picknell-Tremblay, Lucien Ratio

 

BILLETS EN VENTE SUR RÉSEAU BILLETECH – 418 643-8131

Au coût de 23 $ (régulier), 17 $ (étudiant) et 13 $ (groupe) + frais de service

INFORMATION PREMIER ACTE : 418 694-9656

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Crédits photo : Cath Langlois photographe