Les Violons du Roy fêtent Michel Legrand : un précieux moment de rencontre et d’échange

Michel Legrand au piano
Michel Legrand au piano

Ce soir, la Maison symphonique de Montréal accueillait un précieux moment de rencontre et d’échange entre musique classique, jazz et musique de film grâce au concert donné par l’Orchestre des Violons du Roy, avec la participation de Frédéric Alarie contrebassiste, Paul Brochu, batteur et Catherine Michel, harpiste, sous la direction et en l’honneur du grand compositeur Michel Legrand. On a trop souvent l’habitude de dresser des catégories hermétiques et hiérarchisées entre les différents types de musique. Ce soir, la démonstration a été faite de la vacuité d’une telle attitude et de l’appauvrissement qui en découle. En établissant plus que des ponts, en unissant jazz, mélodies, musique classique, le concert de ce soir a permis d’ouvrir des portes, de tisser le lien des permanences de la musique sans pour autant galvauder les spécificités de chacun bien au contraire.

La musique de Michel Legrand, arrangeur et célèbre compositeur de musiques de films, et, ce qui est probablement moins connu du grand public, de Jazz, se prête certainement plus particulièrement à cette communion. En effet, on n’est pas le grand compositeur qu’il est, pour quelques 200 films dont 3 furent primés aux Oscars, 2 aux Golden Globes, sans compter les nominations, si l’on ne peut pas mettre son œuvre au service de la diversité et de la richesse qui en naît du cinéma. Pour cela, il faut savoir adopter les influences de toutes les musiques même si le jazz à n’en pas douter est au cœur de sa création et pas seulement cinématographique. Au cours de sa carrière, Michel Legrand a ainsi joué et composé avec ou pour d’autres monstres sacrés comme lui de la musique : Miles Davis, Stéphane Grappelli, Jessye Norman, Maurice André, Charles Aznavour et Barbra Streisand et le Québecois Mario Pelchat. D’ailleurs, ce dernier, présent dans la salle ce soir, a accepté sur l’invitation de Michel Legrand de monter sur scène pour interpréter la chanson du film Les Uns et les Autres de Claude Lelouch.

Mais le concert de ce soir a aussi honoré la rencontre entre un homme extrêmement généreux et des musiciens qui étaient présents sur scène pour le fêter : Les Violons du Roy et le contrebassiste Frédéric Alarie, le batteur Paul Brochu et l’harpiste Catherine Michel. Il arrive très souvent, trop souvent, que l’artiste fêté joue les diva au mauvais sens du terme. Ici, rien de tout cela. Il était évident que régnait sur la scène une forte complicité et un respect réciproque entre l’orchestre, les solistes et le compositeur qui assurait la direction du concert en plus de jouer du piano et chanter. S’il en fallait une preuve, il suffirait de citer cette fugue au nom comme une déclaration, fugue familiale, que Michel Legrand a créée expressément pour les Violons du Roy. Beau et rare cadeau d’un chef d’orchestre compositeur pour l’orchestre qui l’accompagne et …le fête!!! En choisissant de jouer en l’honneur de Michel Legrand, de l’accueillir pour la partie québécoise de sa tournée internationale qui l’a conduit en France, au Royaume-Uni et en Russie à l’occasion de son 80ème anniversaire, la formation a accepté ce défi de sortir de son répertoire traditionnel de, comme ils le définissent eux-mêmes, musique de chambre baroque et classique.
Le pari n’était pas gagné d’avance. Non pas que les musiciens des Violons du Roy ne sont pas excellents, mais parce qu’il fallait toute leur ouverture d’esprit et respect d’un artiste que le cloisonnement du monde de la musique avait pu tenir éloigné d’eux. Ce pari a été ce soir, comme les autres soirs des quatre concerts ainsi donnés deux à Québec au palais Montcalm et un au Centre d’Art d’Orford en juin en plus de celui de ce soir, largement gagné et la musique n’en a été que plus valorisée parce qu’unie. Cette réussite on la doit aussi aux solistes qui ont accompagné les Violons du Roy et Michel Legrand. Eux aussi ont su faire leur, cette fête donnée pour Michel Legrand et plus généralement la musique. Catherine Michel, de l’Opéra de Paris, (et femme de Michel Legrand qui lui a à plusieurs reprises rendu hommage lors de ce concert) a merveilleusement joué de la harpe, démontrant là aussi que cet instrument est au service de bien d’autres musiques que celles auxquelles elle est si souvent associée. Saluons aussi la présence et la performance du batteur québécois Paul Brochu et du contrebassiste Frédéric Alarie tous deux venus du monde du jazz et qui ont soutenu par la qualité de leur interprétation et leur implication tant dans les solo qu’en jouant avec l’orchestre, Michel Legrand et Catherine Michel, ce défi de l’union du classique et du jazz au sein le plus souvent d’un même morceau joué sur plusieurs variations et registres sur des arrangements de leur propre compositeur.

Michel Legrand
Michel Legrand

Mais la rencontre, l’échange comme la générosité et l’humour, Michel Legrand les a aussi offerts au public. Tout d’abord en jouant ces musiques merveilleuses et qui évoquent pour nous tant de souvenirs. Michel Legrand a accompagné nos vies et pas seulement dans les salles obscures. En nous les offrant ce soir, en les choisissant parmi son immense répertoire, il a su répondre à nos attentes avec générosité et délicatesse. Citons bien sûr les musiques de l’été 42, des Parapluies de Cherbourg, des Demoiselles d’Avignon, des Uns et les Autres ou de Yentl sans oublier bien sûr en cadeau final Les Moulins de mon cœur. Nous avons ainsi eu le rare privilège d’entendre ces œuvres dans leur plein développement et variations . Elles ont ainsi pris vie au delà des œuvres cinématographiques qu’elles servent mais qui malheureusement, parfois, dans nos mémoires et associations les réduisent à quelques phrases musicales. Ce concert a, s’il en était encore besoin, démontré aux quelques esprits chagrins qui continuent à voir dans le 7ème Art et à sa suite aux musiques que les compositeurs créent pour lui, un art mineur, que ces pièces musicales sont des créations artistiques à part entière au même titre que ces œuvres « classiques » écrites il y a quelques siècles pour le divertissement des rois et de leurs cours. Aujourd’hui, à juste titre, ces grands compositeurs sont joués dans les plus grandes salles du monde par les plus grands orchestres du répertoire classique. Michel Legrand fait partie de ceux-là.

Mais Michel Legrand nous a aussi offert sa générosité en établissant le contact sur la base de la complicité et de l’humour avec la salle. Tous, émus de cette gentillesse donnée par un monstre sacré que plusieurs d’entre nous rêvaient sûrement depuis longtemps de «voir en vrai»  comme disent les enfants, nous n’osions en espérer autant et les applaudissements et hommages de la salle montraient notre profonde reconnaissance.

Le concert d’hier soir a été enregistré par Espace musique, radio musicale de Radio-Canada (100,7 FM à Montréal) et sera diffusé le mardi 18 septembre sur ses ondes dans le cadre des Soirées classiques, animées par Mario Paquet, du mardi au jeudi à 20h permettant ainsi à tout les auditeurs canadiens d’y avoir accès. Il sera également disponible sur radio-canada.ca/espacemusique à compter du 19 septembre.

Le concert  a été présenté en collaboration avec City Lights Entertainment Ltd et a bénéficié du soutien du Journal de Montréal.

Les Violons du Roy, 418 692-3026 / info@violonsduroy.com / http://www.violonsduroy.com

Crédit Photo : courtoisie