Les réalisatrices au petit écran – situation en télévision au Québec

l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (
l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (

En vue de la Journée mondiale de la télévision, un groupe de réalisatrices en télévision, soutenu par l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), dévoile les résultats de l’étude intitulée Les réalisatrices du petit écran. Où sont les réalisatrices du petit écran après 60 ans de télévision au Québec? L’étude pose la question en dressant un portrait de la place des réalisatrices à la télévision et de l’impact des transformations de l’industrie sur leurs conditions de travail, tout en tentant de déterminer les mécanismes qui produisent et reproduisent des inégalités dans le milieu.

Mise sur pied à la demande du Comité équité de l’ARRQ, l’étude a été pilotée par Marie-Pascale Laurencelle, réalisatrice de l’émission Bazzo.tv, et menée par la chercheuse Anne Migner-Laurin, sous la direction d’Anouk Bélanger, du département de sociologie de l’UQAM. Le tout a été rendu possible grâce au travail de la coordonnatrice du projet Lyne Kurtzman du Service aux collectivités de l’UQAM et à la participation financière de l’ARRQ.

« Avec cette étude, nous voulions faire la lumière sur la réalité des réalisatrices en télévision afin que tout un chacun prenne conscience de la situation. Il est inconcevable qu’en 2012, au Québec, certains genres télévisuels, tels que la fiction et les captations de variétés/arts de la scène, ne soient pas accessibles de manière plus équitable. Nous souhaitons rendre visibles les murs qui se dressent sur le parcours des réalisatrices et engendrer une réflexion chez les différents acteurs de l’industrie afin que celles-ci aient les mêmes opportunités que leurs collègues masculins à compétence égale. » explique Marie-Pascale Laurencelle, porte-parole du groupe de réalisatrices ayant participé à l’étude.

L’étude est le fruit de plusieurs années de travail et de collecte de données à partir de sources diversifiées : revue littéraire, portrait statistique, questionnaire en ligne, entrevues semi-dirigées et tables rondes, et ce, en collaboration avec près d’une centaine de réalisateurs et réalisatrices oeuvrant dans le domaine de la télévision.

« Peu d’études avaient abordé la question de la place des femmes en réalisation télévisuelle au Québec auparavant. Pourtant, le rôle des créateurs est indéniable dans une production télévisuelle et l’équité des sexes dans un média aussi important et représentatif de notre société est indispensable. De plus, l’étude dresse un portrait général de ce métier qu’est la réalisation en télévision et de l’impact des transformations opérées dans l’industrie au cours des dernières années, des sujets qui, évidemment, préoccupent l’ARRQ. » ajoute Caroline Fortier, directrice générale de l’ARRQ.

Quelques conclusions:

  • La prolifération des maisons de production privées rend de plus en plus ardue l’identification de qui doit se porter responsable pour l’équité en emploi.
  • L’incertitude accrue que génère la compression des budgets et la précarisation du travail crée un environnement où les décideurs et les employeurs deviennent de plus en plus enclins aux biais et aux stéréotypes. La prise de risque est considérablement réduite et se traduit à l’embauche par le choix de personnalités connues, et à la programmation, par un manque d’originalité et de diversité. Dans ce contexte, les femmes voient leurs gains ainsi que le progrès vers l’équité fragilisés.
  • On s’attend à ce que les femmes réalisent naturellement les émissions consacrées à la santé, la famille, la jeunesse, la mode, tout en « laissant » aux hommes réalisateurs les prestigieuses séries fiction et les grands événements. Ces créneaux réservés aux femmes sont en général les moins regardés, les moins payants et se réalisent dans des conditions souvent plus difficiles.

L’étude intégrale est disponible en ligne au www.arrq.qc.ca dans la section Publications.

À propos de l’ARRQ

L’ARRQ regroupe plus de 650 réalisateurs et réalisatrices œuvrant principalement en langue française au Québec et s’emploie à la défense des intérêts et des droits professionnels, économiques, culturels, sociaux et moraux de ses membres. Elle a pour mandat de représenter les réalisateurs en toute occasion et dans tout dossier. Pour en savoir plus sur l’ARRQ, consultez le arrq.qc.ca

1. PORTRAIT STATISTIQUE : Indicateur de la présence des femmes dans le métier et portrait sociodémographique

Présence dans les instituts de formation

  • ·       Les femmes sont très présentes et performantes au sein des institutions académiques qui dispensent des formations spécialisées en télévision, que ce soit l’UQAM, l’INIS ou le Cégep de Jonquière.
  • ·       Les femmes représentent en moyenne entre 49 % et 62 % des candidates et entre 48 % et 60 % des étudiants admis.

Représentation dans les associations professionnelles

  • ·       De 2002 à 2010, les femmes ont représenté en moyenne 30 % de l’ensemble des réalisateurs œuvrant en télévision membres de l’ARRQ.

Financement gouvernemental

  • ·       Sur le plan des subventions fédérales, de 2002 à 2007, les réalisatrices travaillent sur le quart des projets financés, mais ne bénéficient que du dixième de l’enveloppe budgétaire.

Présence dans les grilles horaires Automne 2010/Hiver 2011 des chaînes généralistes francophones

  • ·       Sur l’ensemble des émissions à l’antenne de Radio-Canada, une seule est réalisée par une femme sans la collaboration d’un collègue masculin.
  • ·       À TVA, 66 % de toutes les émissions sont réalisées par des hommes seulement.
  • ·       À Télé-Québec, une émission sur quatre est réalisée par une ou des femmes seules.

Genres télévisuels

  • ·       Trois fois plus d’hommes se retrouvent dans le secteur des variétés (37 % vs 12 %) et deux fois plus dans celui des dramatiques (19 % vs 9 %).
  • ·       Le pourcentage de réalisatrices dans le secteur extrêmement lucratif de la publicité n’a pas bougé depuis près de 20 ans : il stagne à 2 %.
  • ·       Les secteurs de prédilection pour les femmes sont toujours les deux mêmes : magazine et documentaire.

Qui réalise les émissions les plus populaires?

  • ·       La compilation des 48 émissions les plus écoutées de 2007 à 2010, selon le palmarès du FMC, est sans équivoque : la grande majorité du temps, c’est un homme qui est à la barre de l’émission (81 %). La réalisation mixte est en moyenne peu fréquente (19 %), alors que la réalisation strictement féminine est inexistante (0 %). 

Revenu

  • ·       Deux fois plus de réalisateurs (31 %) que de réalisatrices (16 %) gagnent 80 000 $ et plus.

  

2. RÉSUMÉ DES ENTREVUES ET TABLES RONDES : les murs invisibles pour devenir réalisatrice et le rester, et les obstacles concrets du métier au quotidien

Le rapport à la technique : un mythe dépassé mais des préjugés tenaces.

Le couple malheureux que formaient femmes et technique se transforme… lentement. Si les femmes réalisatrices disent maintenant posséder compétences et connaissances techniques, il n’en va pas de même pour la confiance que leur milieu de travail leur accorde en regard de ces aptitudes.

L’absence de modèles féminins : pour gagner en confiance, l’importance des modèles forts.

L’absence de modèles féminins rend plus ardue l’identification des femmes avec le métier, leur acceptation et leur reconnaissance. Ceci agit depuis les débuts de la télévision comme un cercle vicieux : peu de modèles correspond à peu de reconnaissance et inversement. 

Le manque de confiance : les stratégies pour survivre au boys’ club.

La toujours très vivante culture du boys’ club dans l’industrie de la télévision ainsi que la tyrannie du jeunisme exacerbent le manque endémique de confiance des femmes.

Le plafond de verre : qui sont les boss de la télévision ?

Au Québec, au milieu des années 1990 les femmes étaient très présentes à la base des médias, mais peu nombreuses dans les postes d’importance. De plus, à la suite de la grande réorganisation de la SRC et de CBC au début 1990, on a noté une baisse des effectifs féminins dans les postes décisionnels, ainsi qu’une quasi-absence de femmes dans les échelons supérieurs.

La nécessité d’être « deux fois meilleure ».
Les réalisatrices rencontrées ont la ferme impression de ne pas avoir dépassé le stade de pionnières, et travaillent constamment avec la pression de devoir prouver et démontrer leurs capacités en étant « deux fois meilleures ».

Le manque de reconnaissance : perpétuel retour à la case départ.

Si les réalisateurs de télévision ne sont généralement pas aussi reconnus que ceux du cinéma, les réalisatrices de télévision subissent quant à elles une double non-reconnaissance. S’ajoute à ceci le manque de reconnaissance de l’expérience acquise à travers les années […] et paradoxalement, la précieuse expérience accumulée au fil des ans […] semble se retourner contre les réalisatrices plus âgées qui risquent le statut de has been.

Les petits budgets : l’inévitable lot des réalisatrices.

Souvent concentrées dans les secteurs moins prestigieux et moins subventionnés, les réalisatrices manifestent leur épuisement face à ces productions à petits budgets qui nuisent à leurs conditions de travail et à leurs revenus.

Les difficultés sur le plateau : jouer à la mère ou au tyran.

Confrontées à certains stéréotypes, les réalisatrices ont une marge de manoeuvre bien mince, où leur leadership sur les plateaux ne doit être ni trop fragile, ni tyrannique, ni trop maternel, ni trop cool.