Théâtre à l’Usine C – Les hivers de grâce

Les personnifications des facettes de Thoreau (Jean-François Blanchard, Denis Lavalou, Marcel Pomerlo) (photo : courtoisie
Les personnifications des facettes de Thoreau (Jean-François Blanchard, Denis Lavalou, Marcel Pomerlo) (photo : courtoisie
Les personnifications des facettes de Thoreau (Jean-François Blanchard, Denis Lavalou, Marcel Pomerlo) (photo : courtoisie
Les personnifications des facettes de Thoreau (Jean-François Blanchard, Denis Lavalou, Marcel Pomerlo) (photo : courtoisie

Même emprisonné pour non-paiement d’impôts, seul moyen de contestation pacifique qu’il avait trouvé pour protester contre la politique d’esclavagisme qui l’horrifiait, l’homme était libre car lorsque l’esprit ne reconnaît aucune chaîne, la contention physique n’a pas pouvoir de contrainte. Celui qui a écrit  »Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison » (extrait de La Désobéissance civile, 1849) a passé sa vie à examiner ses contemporains, à analyser le système politique et à s’insurger contre les aberrations sociales. Bref, Henry David Thoreau a dénudé l’existence des hommes en lui retirant un à un les concepts qui l’emprisonnent pour en révéler son essence : l’homme est né pour être libre et la société dans laquelle il vit est un leurre de concepts qui lui retire ce droit fondamental de vivre librement.

Les hivers de grâces de Henry David Thoreau (photo : courtoisie)
Les hivers de grâces de Henry David Thoreau (photo : courtoisie)

Dans la pièce Les hivers de grâce de Henry David Thoreau, Denis Lavalou nous propose de pénétrer dans la tête du philosophe. C’est dans la petite salle intime, et comble!, et dans un efficace décor minimaliste de l’Usine C que le public voit s’incarner trois facettes de la personnalité du personnage, chacune interprétée par un acteur différent dont Lavalou lui-même, personnifiant avec un naturel désarmant un Thoreau émotif, exalté et ouvert au monde qui s’oppose à sa tendance vindicative, contestataire, à son sentiment d’exaspération face à une société qui n’a peu de sens réel, tendance que joue Jean-Pierre Blanchard apportant l’intransigeance nécessaire pour révéler la nature complexe de Thoreau. Entre les deux, assurant l’équilibre, tempérant l’un et l’autre, moteur du dialogue intérieur, se retrouve un Henry compréhensif, humain et réfléchi, joué par Marcel Pomerlo chez qui on sent tout l’enthousiasme de camper ce rôle difficile.

Car il n’est certainement pas facile de déclamer avec émotions des textes sans réel dialogue et on ne peut que saluer les performances soutenues et touchantes des acteurs. Secondés par des effets techniques visuels et sonores réussis, ils ont la tâche de personnifier non pas Thoreau lui-même mais son esprit, son dialogue intérieur. Gestes synchronisés, costumes semblables, les trois voix intérieures monologuent, réfléchissent, se rebellent, s’émeuvent et s’indignent via les textes de Thoreau. Et cette conversation intérieure débute lorsqu’en 1845, il s’isole dans les bois durant 2 ans. Deux ans durant lesquelles jamais il ne ressentira la solitude, lui si occupé à dialoguer dans sa tête, qui a tant à se dire. Ce ne sera que lorsque les voix se seront tues, épuisées, vidées de tout sujet, que son désir de retourner à la société pour poursuivre sa lutte pour la libération de l’homme lui reviendra, impérieux.

Les acteurs livrent une interprétation intense (photo : courtoisie)
Les acteurs livrent une interprétation intense (photo : courtoisie)

Pièce intense, d’une densité peut-être difficile à soutenir jusqu’à la fin pour certains, on ne se lasse pourtant pas d’entendre les mots de Thoreau qui sonnent si juste encore, même 150 ans plus tard. Cet hommage de Denis Lavalou à l’homme qu’il admire n’a pas subi d’édulcoration pour la rendre tout public ce qui lui donne une qualité hors-norme que lui reconnaîtra le public à qui il s’adresse. Il faut aimer les mots et leur sens, il faut qu’il se mette à leur écoute et le spectateur sentira leur profond écho en lui.

 

 

 

 

Les hivers de grâce de Henry David Thoreau
Texte et mise en scène : Denis Lavalou d’après les écrits de H.D. Thoreau
Distribution : Jean-François Blanchard, Denis Lavalou, Marcel Pomerlo
Production : Théâtre Complice
Lieu : Usine C
Dates : 18 février au 16 mars 2013
Prix (incluant frais de 7.90$) : Régulier 37.79$ – 30 ans et moins 30.90$ – 60 ans et plus 35.49$
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Denis Lavalou (photo : Robert Etcheverry)
Denis Lavalou (photo : Robert Etcheverry)

Denis Lavalou, acteur, metteur en scène. Directeur général et artistique du Théâtre Complice qu’il codirige avec Marie-Josée Gauthier. Il est un passionné d’écriture et produit des spectacles basées sur des oeuvres littéraires.

 

 

 

 

 

Henry David Thoreau
Henry David Thoreau

Henry David Thoreau est né le 12 juillet 1817 à Concord dans le Massachussetts où il est mort de maladie en 1862 à l’âge de 44 ans. Il a été philosophe, poète, enseignant et essayiste prolifique et engagé.