Bras canadien et autres vanités où créativité, audace et marginalité côtoient un Petit Prince désabusé!

Hubert Bolduc, le Petit Prince!

Depuis le 12 mars dernier, Premier Acte présente la pièce Bras canadien et autres vanités, un texte de Jean-Philippe Lehoux dont la compagnie Des miettes dans la caboche (qui a présenté il y a un certain temps, leur première création … et autres effets secondaires que j’avais adoré) s’est approprié et a demandé à Fabien Cloutier d’en faire la mise en scène. Hubert Bolduc et Joëlle Bourdon, tous deux de la compagnie Des miettes dans la caboche, ont amené dans leur folie d’excellents comédiens (Marjorie Audet, Emmanuel Bédard, Jean-Michel Girouard et Valérie Laroche)  qui n’ont pas eu peur de se lancer dans une aventure aussi rocambolesque et farfelue que de ramener Le Petit Prince de Saint-Exupéry, 30 ans plus tard, sur sa planète,  qui est maintenant devenue une destination touristique prisée (avec un vol quotidien en provenance de New York), mais polluée par les déchets et les pensées des hommes. 

On retrouve donc, un Petit Prince désabusé (Hubert Bolduc), qui va accueillir son millionième visiteur et en profitera pour lui servir un conte désenchanté qui raconte l’histoire d’Atlas, un Dieu qui, portant la Terre sur son dos, se laisse distraire par le fameux Bras Canadien et en vient à échapper son fardeau. Il partira alors à la recherche de son excitant bras canadien, en compagnie de sa fille (Marjorie Audet, qui forme un bon duo avec Emmanuel), et chemin faisant, il rencontrera des personnages fabuleux, complètement déjantés qui en diront long sur les tares de notre humanité détraquée. 

Marjorie Audet et Emmanuel Bédard

Au fil de ses rencontres, Atlas (Emmanuel Bédard, grand dadais à la voix chaude et grave, excelle dans l’art de nous faire rire et nous dérouter à tout moment) entrera en contact avec une chanteuse jazz (Joëlle Bourdon très séduisante et dont la voix résonne merveilleusement dans nos oreilles) qui fait le tour du monde les yeux fermés, une Janine (Valérie Laroche, à l’accent du Saguenay savoureux, et à la flexibilité d’une contorsionniste), tantôt conductrice du bras canadien, tantôt dompteuse de lions huppée et autres personnages toujours très séduisant, mais parfois dominateur ou dominé… et une panoplie de personnages, tous plus excentriques et saugrenus les uns que les autres, joués brillamment par Jean-Michel Girouard. On peut dire que cet acteur n’a pas peur du ridicule et qu’il se donne à fond pour ses personnages. D’un lion soumis, à un papillon monarque suicidaire, en passant par un dieu qui aime se faire branler par le bras canadien, et un alpiniste allemand déconcertant, on peut dire Jean-Michel nous en fait voir de toutes les couleurs, de tous les accents et de toutes les dysfonctions sexuelles, et honnêtement, beaucoup plus que le client en demande, mais c’est totalement fabuleux!

Hubert Bolduc, dont j’ai surtout vu dans des rôles plus doux, plus straigth, plus politiquement correct, interprète avec brio ce Petit Prince (aux boucles dorées et aux yeux bleus), cynique, irrévérencieux, qui, bien qu’il nous rappelle ce petit garçon qu’on aime tant par son look, nous fait voir rapidement qu’il est devenu tout autre au fil du temps. 

Bien qu’on retrouve dans cette pièce des références à l’histoire du Petit Prince habitant l’astéroïde B612, d’Antoine de Saint-Exupéry, avec la rose, les baobabs, et les dessins de serpents, dès le début de la pièce, on entre dans un univers complètement dénudé de la pureté et de la naïveté de notre Petit Prince adoré. C’est plutôt une pièce provocatrice, qui pose un regard critique et explore nos travers humains et dévoile une grande dérision sur le tourisme de masse et la façon qu’ont les humains de désirer tout explorer, tout atteindre, sans aucun effort. Avec une mise en scène de Fabien Cloutier (reconnu pour ses textes qui choquent avec Scotstown et Cranbourne et récemment son adaptation théâtrale de La guerre des tuques ), on est déstabilisé à souhait, avec tout d’abord un décor des plus sombres et glauque, puis un Petit Prince dénaturé et un conte aux allures mythiques, mais si c’était un film, il obtiendrait assurément la cote de 14 ans et plus, pour ses références omniprésentes à la sexualité sous toutes ses formes et excentricités. 

Hubert Bolduc, Joëlle Bourdon, Marjorie Audet, Jean-Michel Girouard,Emmanuel Bédard et Valérie Laroche

Cette pièce est loufoque, drôle, déstabilisante à souhait et je la recommande à toute personne à la recherche de créativité, d’audace et de marginalité, ou qui a envie d’une bonne réflexion sur notre condition humaine, ou encore, pour tous ceux qui désirent savoir ce que le Petit Prince est finalement devenu après toutes ces années! 

 

Présentée du 12 au 30 mars à Premier Acte 

Représentations à 20 h – Sauf le dernier samedi, 15 h

Relâche les dimanches et lundis 

Billets en vente sur Réseau Billetech – 418 643-8131

Au coût de 24 $ (courant), 18 $ (étudiant) et 14 $ (groupe) + frais de service

INFORMATION PREMIER ACTE : 418 694-9656 

Production :      Des miettes dans la caboche

Texte : Jean-Philippe Lehoux

Mise en scène : Fabien Cloutier

Éclairage : Bernard White

Scénographie : Maude Audet et Dominique Giguère

Environnement sonore : Yves Dubois

Graphisme : Meggie Roy

Distribution : Marjorie Audet, Emmanuel Bédard, Hubert Bolduc, Joëlle Bourdon, Jean-Michel Girouard, et Valérie Laroche 

http://www.premieracte.ca/ 

Crédit photos : Gabriel Talbot-Lachance