Bill Deraine – après demain

Bill Deraine – après demain
Bill Deraine – après demain

La pochette nous montre un visage souriant d’un homme heureux et sympathique. Si on regarde plus loin que l’apparence et écoute attentivement sa musique, on peut mieux saisir le cheminement de vie de cet homme unique et comprendre pourquoi son album est engagé. Un album où Bill se raconte, proteste, croit en ce qu’il fait et il nous laisse un héritage de chansons qui nous dit ce qui ne va pas, et ce qu’il y a à améliorer. Il nous parle du système qui broie les hommes, de la pauvreté, de la douleur de vivre, de la chaleur de la fraternité, de la vieillesse, de l’exclusion, de la liberté que l’on n’ose pas toujours prendre. Et il reprend ce qui est sans doute la chanson la plus féroce de l’âge yé-yé, Les Cactus de Jacques Dutronc.

Ses chansons lui viennent de sa spiritualité, mais aussi de sa rencontre avec Ray Charles ou Bob Marley, qui ont guidé sa vie. Douze pièces d’un mélange de jazz, mais surtout  de blues dont une chanson en anglais de Gary Davis. Il écrit pour un public qui comme lui est en recherche.

Vous trouverez toutes les paroles des chansons ainsi que de très belles photographies couleurs, et le nom des musiciens sur le livret.

Chanson par chanson selon mon interprétation

  1. Il braille  (De l’enfance à la mort, aveuglément, on pleure…)
  2. La pieuvre ( Il y a des jours où l’on a les blues et l’envie de s’effacer)
  3. Mon obsession  (vivre un amour passionné, c’est douloureux, mais c’est mieux qu’un amour mou sans remous et sans orage)
  4. Rien de nouveau  (chaque métier comporte ses inconvénients, rien de nouveau sous le soleil, la vie est toujours pareille)
  5. Je rêve (Je rêve à la libération et la fraternité)
  6. Esclaves ou Exclus (la douleur et  la violence est la même, on ne peut servir deux maîtres, c’est l’homme ou l’argent. La seule chose qui pollue, c’est l’esprit du système)
  7. Y’en avait marre (Il y a des journées que tout va de travers et on n’en peut plus) Une chanson à répondre sympathique, qui fait du bien.
  8. Après demain (chanson dédié à Marie, mon rayon de lumière, mon soleil d’été)
  9. Les cactus  ( une reprise de Jacques Dutronc, arrangement Fred Chapellier)
  10. Le vieil homme (80 ans demain, plus rien ne le retient, il attend patiemment l’éternité devant)
  11. Death Don’t Have No Mercy (Parole et musique: Gary Davis)
  12. Bobo Bougie  (Une experience de toxicomane…)

 

Biographie fort intéressante :  Une vie remplie de hauts et de bas
Jeune, Bill Deraime crée son premier groupe avec des copains, qui harmonisent sur des cantiques américains. À sa première guitare, il apprend le blues de Big Bill Broonzy et Lightin’ Hopkins, puis le folk de Pete Seeger.

Seule la musique le passionne réellement. Il attaque vaguement médecine, puis la kiné. Il vit à Montmartre dans un appartement en colocation, qui devient rapidement un QG beatnick (1967). On gratte la guitare place du Tertre avec un groupe folk, les Wanderings, on refait le monde, on fume de tout… « Après un mauvais trip, j’ai rencontré l’Enfer.
Avec sa compagne Florentine et quelques amis musiciens (dont Gabriel Yacoub, le fondateur de Malicorne, et l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau), il fonde le Traditional Moutains Sound, rue de l’Abbaye à Saint-Germain-des-Prés. D’un côté du couloir, un club de folk ; de l’autre, une free clinic où viennent tous les marginaux, routards et vagabonds. Au bout de trois ans, Florentine et moi avons accepté de partir à la campagne pour créer un centre d’accueil pour drogués.  « Une expérience qui me révèle l’importance de la vie ». Dix-huit mois d’une intensité et d’une violence effarantes.

Ces pionniers parviennent à ramener à la vie des personnalités perdues dans la drogue, la souffrance et l’autodestruction. La musique devient une exigence pour sauver du stress, de la colère, du désespoir. C’est décidé : Bill Deraime écrira en français, parce que les pauvres des pauvres, les exclus, les marginaux ne parlent pas l’anglais.

Son premier album, en 1979, révèle une voix nouvelle sur la scène française – bluesy, profonde, puissante. Irradié par la ferveur de Bob Marley, Bill Deraime aborde le reggae.

En 1981, avec « Babylone tu déconnes », le succès est énorme. Puis c’est la chute. La dépression, la tentation du suicide. « La foi est passée par ce creuset. Tomber m’a appris à compter sur autre chose que l’assurance de la vie sociale et de la sécurité matérielle. »
Bill Deraime sait qu’il ne sera jamais la star qu’il aurait dû être s’il avait fait confiance au système. Il préfère se battre avec le collectif Les Morts de la rue créé par le père Patrick Giros, devenir oblat de l’ordre bénédictin, ne pas s’attarder aux tentations de la gloriole médiatique.

Des rencontres importantes
« L’important, c’est la rencontre », dit-il. Justement, après une rencontre sur une scène de concert, il a eu plaisir à inviter Sanseverino et ses musiciens sur le délirant Bobo Boogie. Et il n’aurait pas fait cet album sans quelques rencontres importantes, comme celle de l’organiste Jean Roussel (Soran). Un personnage… Arrangeur sur No Woman No Cry de Bob Marley, clavier sur la majeure partie des disques de Cat Stevens ou chez Serge Gainsbourg, Police, Ron Wood ou Julien Clerc, ce Mauricien à la barbe fournie ne conçoit pas la musique en requin de studio. Tout l’album s’est enregistré avec lui et le groupe de scène de Bill.

En résumé, on peut dire que Bill Deraine a fait du blues pour la colère, et du reggae pour la révolution. Il espère que chaque personne partage ses espoirs et ses rages, et c’est de cela qu’il rêve pour notre humanité.

http://www.billderaime.com/