Un ennemi du peuple au Grand Théâtre de Québec

Thomas Ostermeier in Venice. Italy 2011.
Thomas Ostermeier

 

L’intégrité nous a été racontée en allemand et en français  pour un soir seulement, le lundi 27 mai à la salle Louis-Fréchette.  Une pièce choc interpellant le spectateur et enflammant sa réflexion nous a été présentée en collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA) dans le cadre du 14e Festival du Carrefour international de théâtre à Québec

L’intégrité existe-t-elle? Si oui, combien en coûte-t-il pour l’acheter? Ces questions, volontiers cyniques, Ibsen les lançait en 1883 avec Un ennemi du peuple; le siècle écoulé depuis n’a en rien changé, nous en sommes toujours aujourd’hui dans un monde où la compétition est forte et le pouvoir va au plus fort la poche.

Sous forme de suspense politique, la pièce interroge notre rapport au pouvoir et, finalement, la démocratie. On reconnaît la société capitaliste moderne où bien commun et intérêts personnels luttent à armes inégales. Tout comme ça se passe aujourd’hui, on est en quête de vérité et des têtes sont en train de tomber.

Entre drame et comédie, on y rencontre le Docteur Stockmann qui, ayant découvert une vérité essentielle à la santé de sa communauté, mais menaçante pour son économie, voit avec surprise se révéler le vrai visage de ses concitoyens.

La mise en scène est agrémentée par une musique vive populaire donnant au texte percutant un souffle et une énergie d’une belle puissance.

On tente d'abolir la publication
On tente d’abolir la publication

Thomas Ostermeier, directeur artistique de la Schaubühne de Berlin, s’approprie avec audace ce texte qui compte parmi les œuvres majeures d’Ibsen. Ostermeier, récipiendaire de nombreux prix, depuis ses premières armes, secoue la scène théâtrale européenne par son regard neuf sur les œuvres, par ses lectures engagées, conjuguant interrogations classiques et esprit moderne. En 2002, il a présenté au Carrefour Mann ist Mann, de Brecht, une pièce coup de poing et il a récidivé 11 ans plus tard avec Ennemi du peuple.

L’histoire

La pièce n’est pas s’en rappeler un certain film basé sur une histoire vraie avec l’eau contaminé. Ici c’est un peu la même chose, le docteur Stockmann découvre que les eaux thermales de son village natal sont contaminées par des micro-organismes pathogènes. Dans l’intérêt de tous, il souhaite publier l’information dans le journal et exige de la municipalité qu’elle fasse dévier le cours des canalisations. Sa proposition reçoit l’approbation générale. Des citoyens influents et la presse locale l’assurent de leurs soutien. Mais le maire du village, qui n’est autre que son frère Peter, lui oppose de sérieux arguments: l’annonce de la nouvelle pourrait mettre en jeu la prospérité économique de la station thermale et les travaux se révéler très chers pour le contribuable.

Stockmann découvre le manteau de son frère Peter
Stockmann découvre le manteau de son frère Peter

Le soutien que les notables promettaient au docteur Stockmann se met soudain à vaciller. Son projet est mis en doute et l’on tente de dissimuler la contamination de l’eau.  Il exige alors que l’information soit divulguée et tient à intervenir publiquement. Dans un discours décisif, il tente de rallier la ville à ses côtés, bien conscient du risque de rompre définitivement avec son frère et d’être marginalisé.

 Décor:   Trois décors principaux meublent la pièce de théâtre

1.  La maison de Stockmann (cuisine, salon)

2. La salle de presse

3. Une salle de conférence. (On allume les lumières dans la salle et on participe à la discussion)

On nous fait voter et on peut vraiment dire notre opinion au micro. En fait bien au delà du problème des bains contaminés, c’est la société dans son ensemble que le docteur Stockmann vise.   Une pièce à réflexion, des acteurs extraordinaires, une interaction avec le public dans la salle.  Au fait, y a -t-il de la place pour la vérité dans une société où tout est dicté par l’économie?

Une performance remarquable de deux heures trente qui a mérité une avalanche d’applaudissements bien mérités.

Distribution

Dr Stockmann à la conférence de presse
Dr Stockmann à la conférence de presse

Auteur : Henrik Ibsen
Mise en scène : Thomas Ostermeier
Adaptation : Florian Borchmeyer
Avec Thomas Bading, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, Ingo Hülsmann, Eva Meckbach, David Ruland, Stefan Stern

Scénographie : Jan Pappelbaum
Costumes : Nina Wetzel
Musique : Malte Beckenbach, Daniel Freitag
Dramaturgie : Florian Borchmeyer
Lumières : Erich Schneider
Dessins muraux : Katharina Ziemke
Production : Schaubühne Berlin

La première à Avignon a eu lieu le 18 juillet 2012 et à Berlin le 8 septembre 2012

Plusieurs pièces encore au programme pour le 14e Festival du Carrefour International de théâtre qui se poursuit dans différentes salles jusqu’au 8 juin 2013

www.carrefourtheatre.qc.ca/

 

Crédit photos: Arno Declair, sauf la photo de Ostermeier par Paolo Pellegrin