Une création de L’Homme allumette. En résidence à la salle Jean-Claude-Germain
Texte Jean-Paul Daoust Mise en scène Philippe Cyr
Interprétation Sébastien David, Jonathan Morier, Jean Turcotte
À la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
Du 22 octobre au 9 novembre 2013
Les cendres bleues, c’est d’abord et avant tout un poème d’une grande force écrit en 1990 par Jean-Paul Daoust et qui a valu à celui-ci le Prix du Gouverneur général. Jean Royer du quotidien Le Devoir écrivait à l’époque : « Jean-Paul Daoust a lancé dans la ville une complainte amoureuse qui fera date dans l’histoire de la poésie québécoise. » Il ne croyait pas si bien dire, puisque 23 ans plus tard, voilà que Philippe Cyr, un jeune metteur en scène de talent, s’attaque à cette oeuvre unique. Toujours selon Jean Royer : « Le génie de Jean-Paul Daoust dans Les cendres bleues, est de faire coïncider les émotions de l’enfant avec le regard de l’adulte qu’il est devenu. » Aujourd’hui, c’est au tour d’un nouveau regard, provenant d’un tout autre univers, de se mêler à ce récit passionnel et transgressif.
La première fois que j’ai croisé Jean-Paul, c’était dans un bar de la rue Sainte-Catherine. C’était la première fois qu’on se voyait. Nous étions dans un de ces lieux à thème, celui qui rappelle une célèbre chanson de Barbara. Ni lui ni moi ne cadrions dans le décor, nous avions de toute évidence oublié nos costumes. Chaque fois que je vais là bas, je me dis que les temps ont changé, qu’il y a dans ce décor pour hommes seulement quelque chose de suranné, une frontière que je ne ressens plus nécessaire. Autres temps, autres moeurs. De visu j’ai compris qu’entre Jean-Paul et moi il y avait des différences notables. Je préfère les t-shirts aux écharpes. Il préfère le lustré au mat. Il préfère chanter en public, moi dans la douche. Les époques nous ont forgés autrement, mais tout cela est sans importance, nous nous reconnaissons dans le choc du sentiment amoureux.
Nous sommes liés par son fabuleux récit, presque deux mille vers d’amour précoce, de confessions sans complexes. Son point de vue étonne, dérange parce qu’il transgresse nos limites. J’y vois là un geste nécessaire. Dans un monde où les repères sont en pleine mutation, la transgression m’apparaît alors comme un moyen d’identifier ces limites, de nommer ce qui nous entoure, de raconter aujourd’hui. Transgresser c’est redéfinir. Créer la friction, c’est chercher la lumière. Jean-Paul fait ça tout le temps, si bien, qu’il transcende les étiquettes.
Philippe Cyr
Ce texte est également disponible dans le numéro 2 du 3900, magazine du Théâtre d’Aujourd’hui
EXTRAIT DU TEXTE
Dans l’eau bleue de ta sueur
Quand tu n’en pouvais plus de m’aimer
À la grandeur de ton corps
Un grand lac Bleu et chaud
Quand dans l’interstice des planches se faufilaient
Des rayons où flottaient des poussières d’ange
Comme tu disais
Ces feuilles mortes que le vent nous jetait méchamment
J’ai encore peur de leurs bruits
Mais tes caresses excitaient la lumière mourante
Notre histoire aura été celle de soleils couchants
Tu voulais que j’en saisisse toutes les teintes
Pour des lendemains en reliques
Il y a des corps qui marquent
On se souvient de leurs surprises
De leurs étonnements
Comme le sien
Un dépouillement d’arbre de Noël
Puisqu’aimer c’est aller publiquement à sa perte
Vitrine
Les pluies
À regarder le temps passer
Celui-là même qui nous a vus
Parce qu’il m’aimait
Que je l’aimais
Mais je n’avais que six ans et demi
Lui vingt ans
Comment peut-on aimer plus que ça
À six ans et demi
À relire maintenant les grands livres
Les grandes histoires
Je l’aime encore plus
Quand je lui ramenais mes exploits de pêche
Des perchaudes des crapets parfois des achigans
Sa voix à mon oreille
Qui me chatouillait
Il m’enlevait pour quelques heures
Ou était-ce des secondes
Il m’emmenait à son pays de l’amour
Ses yeux en amande
Où le ciel copiait des poses
Les poses de la lumière
ÉQUIPE : Texte Jean-Paul Daoust / Mise en scène Philippe Cyr / Interprétation Sébastien David, Jonathan Morier, Jean Turcotte / Assistance à la mise en scène Karine Cusson / Scénographie Philippe Cyr, Marie-Ève Pageau / Éclairages Marie-Ève Pageau / Environnement sonore Thierry Gauthier / Conseil au mouvement Mélanie Demers
photo: courtoisie