Après avoir remporté un succès international avec la pièce de 9 heures Lipsynch, voilà que Robert Lepage offre un prolongement à cette pièce, en créant un long métrage basé sur 3 personnages, trois des histoires de Lipsynch, avec le film Triptyque. Coréalisé avec Pedro Pires, ce film Triptyque a été présenté comme film d’ouverture dans le cadre du Festival du nouveau cinéma et à Toronto pour le TIFF 2013. Il a été tourné à Québec, Montréal et Londres et met en vedette Lise Castonguay, Frédérike Bédard et Hans Piesbergen et prend l’affiche sur nos écrans du Québec, aujourd’hui, le 25 octobre. J’ai rencontré en entrevue ces artisans après la projection de presse, pour me parler de ce superbe film. Mes entrevues sont disponibles ici : https://info-culture.biz/2013/10/17/entrevues-avec-les-artisans-du-film-triptyque-de-robert-lepage/
Synopsis
Triptyque est une fresque urbaine contemporaine qui raconte l’histoire de Michelle, libraire schizophrène, sa soeur, Marie, chanteuse et comédienne et le futur époux de cette dernière, Thomas, neurologue allemand. Sur un fond de poésie écrite et visuelle, ce film dépeint trois moments charnières dans la vie de ces personnages en traitant de la création, l’équilibre mental, la vie en société, la solitude et l’affectivité, tout en gardant l’essence du thème de la pièce théâtrale qui traite de la voix humaine. C’est une étude du rapport de l’être humain à la parole et à la communication dans toute sa complexité et ses variantes. Ces trois vies liées deviennent le lieu privilégié de l’identité personnelle et de l’émotion, ses multiples manifestations, ses déclinaisons et ses implications à travers leur évolution intérieure respective et leur ardent désir de s’exprimer.
Triptyque est une adaptation cinématographique de l’oeuvre théâtrale Lipsynch, mise en scène de Robert Lepage.
Après avoir vu l’excellente pièce de théâtre de 9 heures Lipsynch, je ne comprenais pas comment Robert Lepage aurait pu se surpasser et créer un œuvre cinématographique à la hauteur de cette grande pièce… et pourtant. Seul Robert Lepage (aider avec brio de Pedro Pires, un maitre de l’imagerie cinématographique) pouvait relever ce défi de se réinventer lui-même. Et quelle réussite!
Ce film, qui relate le destin croisé de trois des personnages de Lipsynch, à travers les rues de Montréal, Québec et Londres, est à la fois un bel hommage à la voix (sous toutes ses formes et déclinaisons), mais également un hommage au cerveau et ses pouvoirs infinis. C’est aussi une belle carte postale de notre hiver et notre belle ville de Québec, que personnellement, j’aime bien voir sur grand écran. Mais surtout, c’est le prolongement naturel de la pièce, qui ne dénature en rien ce qui a déjà été fait, en plus, cela apporte des éléments nouveaux et des scènes percutantes qui n’auraient pu exister au théâtre.
Parlant de scène percutante, on retrouve celle de l’opération au cerveau, qui est nécessaire, mais qui nous secoue amplement, puisque ce sont de réelles scènes d’opération au cerveau qui ont été filmées et ajoutées au film. Il est complètement déroutant de voir Marie parler à l’intervenante, alors que son cerveau est ouvert et se fait manipuler de l’intérieur. C’est hallucinant à voir et à croire, tout en étant complètement inimaginable et c’est pourtant la réalité.
Plusieurs autres scènes ont été ajoutées qui n’étaient pas dans la pièce, comme lorsque Michelle se lacère les poignets avec un chapelet. Ce sont des moments très forts qui ont été ajoutés et qui amplifient les émotions et à mon avis est un bel ajout d’images très fortes.On a également ajouté de faux vieux films de famille qui ajoutent une plus value au lien entre Marie et Michelle ainsi que leur père.
Au niveau des performances d’acteur, Lise Castonguay fait preuve de beaucoup de courage et d’humilité pour se laisser dépeindre aussi misérablement sur grand écran. Elle est formidable dans le rôle de Michelle la libraire schizophrène. On s’y attache, car malgré sa maladie mentale, on voit qu’elle ne veut que le bien autour d’elle. Sa relation amicale avec le jeune Guillaume (joué avec beaucoup de finesse par Éliot Laprise) jouit d’une belle complicité entre les deux. Ses connaissances littéraires nous démontrent qu’elle est érudite et qu’elle aurait pu accomplir de grandes choses, n’eu été de sa maladie.
On a aussi Frédérike Bédard, qui interprète Marie, la chanteuse atteinte d’un cancer au cerveau. Elle a une voix magnifique et il y a deux scènes très marquantes de chants dans ce film qui donne une idée de l’extrême talent de cette actrice. D’abord,lorsqu’elle crie ses inquiétudes, sa colère face à son opération imminente dans une chanson de Jazz qui donne des frissons et à l’hôpital lorsqu’elle réapprend à parler, et qu’elle recrée des mélodies avec sa voix de soprano merveilleuse.
Finalement, Hans Piesbergen qui tient le rôle de Thomas, le neurologue dont la main donne des signes de tremblements, remettant en cause sa carrière de chirurgien, donne également une superbe performance de jeu.
Ce film est présenté en version française, mais avec également une portion en anglais et une autre en allemand (dont les sous-titres en français permettent de bien comprendre quand même). Les prises de vues des diverses villes, pour démontrer leurs personnalités, en fonction des personnages qui y vivent, sont totalement réussies. Pedro Pires a su capter toute l’âme et les particularités de ces villes, avec beaucoup de finesse, de justesse et d’amour pour ces villes.
Ce très beau film qui parle de la mémoire, l’identité, de la voix sous toutes ses formes et déclinaisons ainsi que du cerveau, est une véritable boule d’émotions et de sensations qu’il faut absolument voir. À plusieurs occasions, j’ai été tellement captivée par ce que je voyais et entendais, que les larmes me sont venues aux yeux (scène de Marie à la recherche de la voix de son père par exemple), puis à d’autres moments, ce sont des frissons qui ont parcouru mes bras (grâce en partie à la musique et le chant), puis l’effroi m’a également secoué (lors de l’opération au cerveau et la scène avec le chapelet). Donc, avec cette œuvre littéraire en trois parties (trois histoires distinctes, trois courts-métrages de trois personnages, dans trois villes différentes, mais qui sont tous liés ensemble), le public passe par une gamme complète d’émotions et au sortir de la salle, il est totalement chaviré…
Il sera également possible de voir, grâce à l’ONF, les trois courts-métrages, Marie, Michelle et Thomas, du nom de ces trois personnages, indépendamment du film. Ce sont les mêmes histoires racontées que dans le film, mais sous forme de 3 petits films distincts, avec un début, un milieu et une fin.
Un film de
PEDRO PIRES et ROBERT LEPAGE
DISTRIBUTION
MARIE LAVALLÉE : Frédérike Bédard
MICHELLE LAVALLÉE : Lise Castonguay
THOMAS BRUCKNER : Hans Piesbergen
DRE VERONICA JONES : Susie Almgren
ADA WEBER : Rebecca Blankenship
TRAVAILLEUSE SOCIALE : Marie-Ginette Guay
TOURISTE : Lynda Hayes
CLIENTE : Linda Laplante
SCHMO : Simon Laplante
JEUNE CHANTEUSE : Mathilde Laplante Duval
GUILLAUME : Eliot Laprise
ENFANT ROUGE : Sarah Levasseur
MALENTENDANTE : Danette McKay
JOHN : Peter Measroch
PSYCHIATRE : Michel Nadeau
CÉLÉBRANT : Jeremy Peter Allen
SCÉNARIO
Robert Lepage
PRODUCTION
Les Productions du 8e Art
PRODUCTRICE
Lynda Beaulieu
PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ
Maxence Bradley
UNE ADAPTATION DE L’OEUVRE THÉÂTRALE
Lipsynch
PRODUITE PAR : Ex Machina
ÉCRITE PAR :
Frédérike Bédard
Marie Gignac
Carlos Belda
Sarah Kemp
Rebecca Blankenship
Robert Lepage
Lise Castonguay
Rick Miller
John Cobb
Hans Piesbergen
Nuria Garcia
DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE,
COLORISATION ET EFFETS VISUELS
Pedro Pires
MONTEURS
Pedro Pires
Aube Foglia
DIRECTEURS ARTISTIQUES
Jean Babin
Christian Légaré
David Pelletier
CONCEPTRICE DES COSTUMES
Judy Jonker
SON
Dominique Chartrand
Pierre Bertrand
Yann Cleary
Sylvain Bellemare
Jean-Paul Vialard
DURÉE 95 MINUTES
VERSION ORIGINALE : FRANÇAIS, ANGLAIS, ALLEMAND
TOURNÉ À QUÉBEC, MONTRÉAL ET LONDRES
Crédit photos : Courtoisie et Lise Breton