L’esprit de famille chez Duceppe

Anne Casabonne, Catherine-Anne Toupin, Linda Sorgini
Anne Casabonne, Catherine-Anne Toupin, Linda Sorgini

La fidélité n’est pas plus naturelle à l’homme que la cage au tigre 
George Bernard Shaw
Trois frères dînent ensemble à l’occasion d’une pendaison de crémaillère en compagnie de leurs charmantes épouses. Tout se déroule pour le mieux dans le meilleur des mondes quand surgit une ravissante demoiselle que les trois frères ont mieux que bien connue.

L’atmosphère de la soirée, amorcée dans la joie de se retrouver, change alors du tout au tout : suspicion chez les femmes, panique chez les hommes. Tout y passe : méfiance, nervosité, malaise, jalousie, mensonges, secrets. Tout cela finement brodé dans une comédie qui aborde avec brio et originalité le thème des relations conjugales et familiales, et qui rassemble des personnages qui nous ressemblent tous. Ici, ce ne sont pas les portes qui claquent, ce sont les mots.

Je t’aime, moi non plus

L’esprit de famille est une comédie de mœurs cinglante qui passe au scalpel les comportements contradictoires et complexes du couple contemporain. Savamment construite et mise en mots par l’auteur français Éric Assous, d’ailleurs réputé pour son humour incisif et sa capacité à saisir habilement les rapports hommes/femmes, la pièce a remporté cinq Molière lors de sa création en France. Fait amusant, la pièce originalement intitulée Les Belles-Sœurs, est adaptée pour le Québec par Michel Tremblay. Loin d’en évacuer l’humour caustique typiquement français, l’auteur québécois, avec la finesse qu’on lui connaît, a simplement rhabillé ce chef-d’œuvre aux couleurs locales. En révélant l’humanité de ces personnages blessés qui se confrontent dans une joute verbale jubilatoire, Éric Assous nous tend le miroir de ces êtres imparfaits dans lesquels nous pouvons tous nous reconnaître. Car si l’on rit beaucoup de l’autre et de ses déboires dans L’esprit de famille, on en rit jaune car « l’autre, c’est nous ». En effet quel homme n’a jamais été sous le charme d’une Talia et quelle femme ne s’en est jamais méfiée ? Résolument contemporaine dans le ton et le propos, la pièce nous interpelle sur ce noyau sensible qu’est la relation conjugale… pour le meilleur et pour le pire. Drôle, touchante et brillante, L’esprit de famille est un véritable exutoire, une de ces comédies à consommer sans modération lors des fêtes !

Comme il est bon de se retrouver

C’est dans un véritable esprit de famille que Monique Duceppe a rassemblé l’équipe originale de cette pièce présentée pour la première fois en 2011 au Théâtre de Rougemont. Pourquoi changer une équipe gagnante quand le plaisir est partagé d’un côté et de l’autre de la scène ? En ces temps de retrouvailles que sont les fêtes de Noël, Monique Duceppe nous donne rendez-vous pour une fête de famille pas comme les autres… en bonne compagnie !

Yves Bélanger est donc de retour dans la peau de David, un des trois frères mis à mal par l’arrivée intempestive de la belle Talia. Celui que l’on a vu dans Unité 9 en est à mille lieues ici, dans ce personnage de dentiste et d’homme marié qui en prend pour son grade. Pour cette collaboration renouvelée, Monique Duceppe est enchantée d’accueillir cette fois-ci l’acteur sur les planches de l’institution familiale qu’il foulera pour la première fois. Dans le rôle de Martine, l’épouse de David, Linda Sorgini, une fidèle de DUCEPPE depuis nombre d’années. Elle brille dans ce rôle d’enseignante blasée, à la fois truculente et machiavélique. C’est la parfaite semeuse de chicane de la famille !

À ses côtés pour envenimer les discussions, Anne Casabonne, actrice omniprésente sur nos écrans et nos scènes n’a plus besoin de présentation ! Celle dont le talent comique a été souligné lors de l’attribution du prix « meilleur premier rôle féminin : comédie » (La Galère – prix Gémeaux 2011), reprend le rôle de Christelle avec un plaisir avoué. Courtière immobilière dans le haut de gamme, elle se révèle ici en vamp clinquante à la répartie assassine. Christelle est l’épouse d’Yvon, l’avocat de la famille, interprété par Roger La Rue dont on apprécie la polyvalence qui l’amène à passer d’un registre à un autre ou de la scène à l’écran avec aisance. Antoine Durand que l’on a applaudi la saison dernière pour son rôle touchant dans Un Village de fous incarne ici le personnage de François. Hôte de cette soirée à couteaux tirés, il est également le patron de Talia invitée à les joindre, à son insu, par son épouse Nicole.

Dans le rôle de cette maîtresse de maison dévouée, cherchant à satisfaire son monde, et finalement victime du traquenard qu’elle a organisé presque innocemment, Catherine-Anne Toupin est parfaite. Celle que l’on aime sur nos écrans (Mémoires vivesUnité 9), au théâtre et qui est aussi une grande fidèle de DUCEPPE est pour ainsi dire « la femme de la situation » ! Et finalement, celle par qui les ennuis arrivent, Talia, est incarnée par la pétillante Catherine Florent. Talia, la femme fatale que l’on voudrait croire superficielle et qui s’avère bien plus brillante qu’il n’y paraît, est un rôle sur mesure pour cette comédienne dont le charme n’a d’égal que son talent.

Dans le plaisir du jeu, Monique Duceppe a donc réuni une famille unie pour en mettre en scène une qui se déchire… Santé !

L’Esprit de famille
Une pièce d’Éric Assous
Mise en scène de Monique Duceppe
Adaptation de Michel Tremblay

Avec Yves Bélanger, Anne Casabonne, Antoine Durand, Catherine Florent,Roger La Rue, Linda Sorgini, Catherine-Anne Toupin

Du 18 décembre 2013 au 8 février 2014
www.duceppe.com
Photo: courtoisie