Code 99: un drame musical sur mesure pour une jeune troupe pleine de talents

Troupe TM 12 dans Code 99
Troupe TM 12 dans Code 99

Les 11 finissants 2013 en théâtre musical du Collège Lionel-Groulx ont fondé la troupe TM12 qui présente Code 99, une pièce originale entièrement créée par nos talents québécois. Écrit par François Archambault, diplômé de l’École nationale de théâtre du Canada en écriture, sur des musiques d’Yves Morin (enseignant au Conservatoire d’art dramatique de Montréal) et mis en scène par Normand Carrière. Tous les trois ont une longue et belle feuille de route en théâtre et surtout, en théâtre musical pour les deux derniers. Yves Morin est le génie derrière les superbes traductions québécoises de comédies musicales (My Fair Lady, La mélodie du bonheur, Chantons sous la pluie, Une vie presque normale, etc). Et Normand Carrière a joué dans plusieurs comédies musicales à succès comme La mélodie du bonheur, Chantons sous la pluie, Demain matin Montréal m’attend et plusieurs autres. La production qui en résulte ne peut que nous montrer que le théâtre musical au Québec est bel et bien vivant et que son avenir est assuré.

Guillaume Borys (Drak), Sophie Bergeron (Star), Francis Rivard (Hapy), Laurie LeBlanc (Ange), Arnaud Gloutnez (Shit), Michelle Laliberté (Lune) et Jessica Tremblay (Olyp)

Code 99 raconte l’histoire des employés d’un centre d’appel de sondages. L’intérêt ne réside pas dans la banalité de leur travail mais dans les interactions entre les différents personnages tous très variés et parfois aux antipodes l’un de l’autre. La patronne (Boss) essaiera de calmer le jeu et de répondre à leurs questions mais sans succès. Ses 10 employés (Star, Drak, Lune, Olyp, Hapy, Ouch, Ovni, Shit, Love et Ange) réussissent toujours prendre le dessus. Ils nous montrent que dans un monde matérialiste et superficiel, il existe aussi un vrai monde avec des émotions, des angoisses et des drames. Le tout se termine par une surprise pour le groupe quand un des membres décide de changer son destin. À noter que Code 99 signifie «Ne sait pas» dans un sondage, ce qui laisse parfois résumer la réponse aux questionnements des personnages de l’histoire.

Ce drame musical donne la chance à chacun de ses interprètes de se faire valoir. Chaque personnage est très bien campé par chaque acteur de la troupe. On reconnaît facilement le nerd, la nymphomane, l’infidèle, le boss, la zélée de religion, etc. Ce qui nous fait penser à une version québécoise de la comédie musicale Rent. Sans décor et avec quelques accessoires, ils réussissent à nous insérer rapidement dans leur monde. Le mécanisme de récitatif (choeur-parlé) comme dans la pièce Belle-Soeurs est utilisé régulièrement et touche la cible en nous plongeant dans cet univers. La musique originale est contemporaine, très agréable, avec de bonnes mélodies parfois complexes. Les chansons de groupe sont toutes bonnes, surtout celles chantées en harmonie. La chanson avec contrepoints au premier acte est particulièrement réussie et impressionne. Malheureusement la musique pré-enregistrée est parfois trop forte et couvre les chanteurs. Les chorégraphies sont simples mais originales.

Guillaume Borys (Drak) et Sophie Bergeron (Star)
Guillaume Borys (Drak) et Sophie Bergeron (Star)

Chaque scène met en vedette quelques personnages, alors par moment, l’histoire semble un peu décousue. On aurait souhaité un fil conducteur plus fourni et peut-être la coupure de certaines scènes du premier acte pour précipiter l’issue finale. Heureusement le texte est rempli de phrases choc souvent humoristiques et d’images saisissantes qui montrent aussi les détails d’une mise en scène soignée. Comme lorsque Shit parle de famine en Afrique pendant qu’il s’empiffre au bar et qui finit par se demander qui a gagné la guerre à Sarajevo. Ou Drak qui offre à Star une poupée gonflable à poignarder pour exorciser les démons représentants la mère de cette dernière. Sans oublier la fameuse discussion entre Ouch et Boss sur les opinions; une scène vraiment cocasse qui est un classique d’absurdité. Mais dans toutes leurs réflexions sur la société, on apprécie qu’ils ne portent pas de jugement. Tout le monde a droit à son opinion!

Parmi ces jeunes acteurs, on en remarque plusieurs pour leurs talents. À commencer par les quatre interprètes masculins qui sont tous très bons en jeu et en chant. Guillaume Borys (Drak) est convaincant et même attachant. Le jeune nerd Hapy joué par Francis Rivard semble lui aller comme un gant, il nous faire rire avec ses répliques truculentes. Arnaud Gloutnez joue un Shit qui est «poqué» par la vie, mais c’est son chant expressif avec une voix puissante qui trahit le mieux sa détresse. Ovni joué par David Sasseville nous livre une belle performance vocale car on sent qu’il nous raconte quelque chose dans ses chansons. On aurait juste souhaité que son regard soit plus profond parfois.

David Sasseville (Ovni) et Arnaud Gloutnez (Shit)
David Sasseville (Ovni) et Arnaud Gloutnez (Shit)

Du côté féminin l’interprétation est un peu inégale. Mais on remarque Élisabeth Gauthier Pelletier dans le rôle de Ouch pour les détails de son personnage. On savoure son beau vibrato et de belles nuances lorsqu’elle chante. J’ai apprécié énormément sa scène où elle va réconforter une cliente jouée par Dominique Gaudreau Lerhe. L’interprétation de cette scène est intense avec beaucoup de sensibilité. Leur chanson en harmonie donne des frissons. Sans compter que Dominique Gaudreau Lerhe joue aussi le personnage de Love, une sexaholique en mal d’amour. Elle interprète avec tendresse et sa voix chantée réussit à nous charmer. Laurie LeBlanc (Ange) en dévote religieuse est solide dans son jeu et son vibrato et ses aigües sont agréables. Mais c’est Élysabeth Rivest dans son rôle du Boss qui nous réserve la plus grande surprise à la fin. Vocalement elle nous impressionne par son timbre et ses nuances, avec un contrôle parfait de son vibrato. On apprécie le caractère de son chant avec toute l’intensité qu’elle y met, autant dans ses aigus que dans sa voix mixte.

Francis Rivard (Hapy) et Jessica Tremblay (Olyp)
Francis Rivard (Hapy) et Jessica Tremblay (Olyp)

Avec une aussi grande distribution, il est difficile de s’attarder à chacun, mais ils apportent tous un élément clé à la production. Ce spectacle plaira à un public qui aime le théâtre québécois, les créations et le théâtre musical, et à ceux qui ont le goût de connaître de nouveaux talents. Les moyens techniques sont réduits mais leurs talents arrivent à nous faire passer une belle soirée.

Les bons coups: plusieurs bons talents (jeux et voix), musique originale, personnages attachants.

Les moins bons coups: musique parfois forte pour la voix, quelques longueurs au premier acte.

Équipe de création: Livret et texte par François Archambault, musique par Yves Morin. Mise en scène de Normand Carrière assisté par Gabrielle Côté, Maryse Gagnon et Frédéricke Chartrand. Chorégraphies de Danielle Hotte et Sylvie Normandin. Direction vocale par Céline Dussault et Lyne Cormier, direction des choeurs par Luc Bourgeois.

Distribution: Arnaud Gloutnez (Shit), David Sasseville (Ovni), Dominique Lerhe Gaudreau (Love), Elisabeth Gauthier Pelletier (Ouch), Élysabeth Rivest (Boss), Francis Rivard (Hapy), Guillaume Borys  (Drak), Jessica Tremblay (Olyp), Laurie LeBlanc (Ange), Michelle Laliberté (Lune), Sophie Bergeron (Star).

Élysabeth Rivest (Boss)
Élysabeth Rivest (Boss)

Présenté en français au Théâtre La Risée au 1258 rue Bélanger Est à Montréal du 16 au 26 janvier 2014 à 20h (matinées à 15h les samedis et dimanches). Durée de 2h40 avec entracte. Billets en vente (18$ ou 15$ étudiants) au théâtre au 514-931-6630.

La troupe TM12 accepte les dons, subventions et commandites en communiquant avec eux: Michelle Laliberté 438-274-7600 ou David Sasseville 438-885-2279

Photos: Daniel Ouimet